Opéra: Philippe Jaroussky s’attaque à «Giulio Cesare»

Michel Franck a vu grand en programmant ce chef-d’œuvre incontesté d’Händel. Tout en prenant tous les risques : une distribution qui ne comprenait pratiquement que des prises de rôle, les débuts dans la fosse d’un chanteur qui dirigeait son premier spectacle lyrique et une mise en scène qui entendait accentuer les résonances modernes du livret tout en renouant avec l’Antique. La réussite est à la mesure du pari. [scald=29109138:sdl_editor_representation] Un plateau époustouflant… Nous sommes en Egypte où, après la défaite de Pompée, Ptolémée et Cléopâtre se disputent le trône devant Jules César bientôt à son tour attaqué. Ptolémée a cru bon de lui offrir la tête décapitée de Pompée au grand désarroi de la veuve (Cornelia) et du fils (Sextus) de celui-ci. Amours croisés, trahison, félonies, complots politiques vont se succéder à un rythme accéléré, laissant les protagonistes en prise avec des sentiments variés au fil d’une succession vertigineuse d’arias da capo : l’imagination d’Händel est explosive et les voix sont à l’honneur, particulièrement quand elles sont servies par un plateau de ce niveau. Bonne idée d’avoir confié le rôle-titre à une mezzo (l’autorité imposante de Gaëlle Arquez) plus à même de camper le chef de guerre que la majorité des contreténors. Face à elle, Cornelia bénéficie du timbre grave et engagé de Lucile Richardot et son fils devient l’emploi d’un contreténor qui a beaucoup chanté César, un Franco Fagioli dont l’imagination vocale pare le jeune adolescent d’une foison de sentiments émouvants. En Cléopâtre rayonne une étincelante Sabine Devieilhe dont la colorature assume la gamme de sentiments et de tensions les plus divers. Servi par un orchestre d’une rare complicité Mais la réussite vocale hallucinante de la soirée vient aussi de la fosse tant Philippe Jaroussky sait entourer, susciter et entraîner ses chanteurs avec un aplomb qui les met constamment en confiance tout en les entourant d’une mécanique musicale qui suit leurs moindres impulsions. C’est le travail d’un chef qui aime et connaît les voix et sait les combiner avec la grande ligne d’une œuvre. Naturellement puisqu’il est lui-même un grand chanteur. Le miracle est que cette osmose fonctionne sans aucun hiatus durant plus de trois heures de représentation. [scald=29109140:sdl_editor_representation] Une mise en scène originale mais lisible Damiano Michieletto a conçu sa mise en scène à deux niveaux. L’action est un drame politique et humain où les sentiments sont exaltés, mais le contenu est intemporel. Il entend donc en montrer l’actualité avec des costumes contemporains dans un environnement scénique géométrique qui ferme des huis clos. Mais, en parallèle, nous suivons les trois Parques, trois danseuses nues qui tissent le fil rouge des existences, depuis la fuite de Pompée (au début) dont la statue mouvante hante le récit jusqu’à l’annonce (à la fin) de l’assassinat de César, quelques années plus tard à Rome. Et voici donc la dimension historique ressuscitée en même temps que le propos apparaît comme l’accomplissement inéluctable d’un sort inéluctable, ce qui rend aux grands arias une dimension prophétique au-delà de leurs élans naturels. Une réelle magie s’installe alors au travers d’une juxtaposition des deux mondes autour des structures mobiles créées par les enchevêtrements des fils rouges. Et finalement, le destin rejoint l’histoire pour le plus grand bonheur de la musique. N’est-ce pas un peu l’objectif de tout opéra ? Paris, Théâtre des Champs-Elysées, jusqu’au 22 mai. Diffusé sur France Musique le 25 juin à 20 h. Le spectacle est filmé pour être ultérieurement télévisé. En parallèle, le TCE met en place une offre audiovisuelle numérique à partir du 14 mai. Une dizaine de captations seront accessibles gratuitement pour un bon mois (comme cela se pratique depuis longtemps à la Monnaie) en commençant par Giulio Cesare, qui sera disponible à partir du 17 septembre. En ligne sur la nouvelle chaîne You Tube TCE Live. [scald=29109139:sdl_editor_representation]

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