Benoît Philippon: «Ecrire, c’est raconter les humains»

Il l’avait déjà montré dans Mamie Luger, Benoît Philippon aime les cabossés de la vie, il les met en scène avec tendresse et les décrit avec un ton bien personnel, fait de langage populaire, de vannes, de traits d’esprit, de péripéties multiples et de rebondissements inattendus. Petiote est un roman enlevé, dur et léger à la fois, qui, sous le costume du thriller, nous fait réfléchir à pas mal d’injustices de notre société et nous émeut souvent. Vous avez écrit ce roman pour vous amuser et amuser le lecteur ou pour attirer son attention sur des problèmes comme les pères déboussolés ? Les deux, mon capitaine. Le divertissement est une notion très importante, c’est ma façon d’aborder les choses. Mais je pense qu’on peut dire des choses très profondes, très graves et aussi très belles en entraînant le lecteur avec soi. Je le secoue de temps en temps, je le malmène mais je le prends aussi par la main. Depuis votre premier roman, « Cabossé », vous aimez les cabossés de la vie. C’est ma grande thématique principale. Raconter des histoires pour moi, c’est raconter les gens, les humains et leurs problématiques. L’histoire de Gus n’est pas très originale. C’est juste un père qui a raté quelque chose de très important dans sa vie : sa paternité. Il n’a pas été là, il n’a pas assuré. Classique. Après, je le mets dans un contexte qui, lui, est exceptionnel puisque c’est une prise d’otages. Mais pour chacun de mes personnages, je cherche la faille. Ce qui est joli, je trouve, c’est d’aller au-delà du masque. On a tous une carapace, un masque social et, derrière, il y a qui on est vraiment. Vous les aimez, ces cabossés ? Oui, j’aime mes personnages, même quand ils ont des failles. Gus, par exemple, je lui mets beaucoup de casseroles sur le dos, et il faut réussir à créer de l’empathie avec lui malgré ça, à trouver son côté attendrissant. Il y a de vrais cons, des vrais antipathiques dans ce que j’écris, mais mes héros, je cherche toujours à les aborder par l’aspect qui les rend attachants. Ce sont des losers magnifiques. Le côté magnifique est important pour moi. Je suis un grand optimiste dans mon pessimisme parce que le monde dans lequel on vit m’assomme aussi. Ce que j’essaie de dénoncer, parce que ça me met vraiment en colère, j’essaie aussi de l’enrober d’une certaine forme d’espoir. C’est un peu utopique mais c’est mon côté Frank Capra : chercher ce qui est beau dans l’individu. Par l’humour, le style, les personnages, les péripéties, vous voulez cacher votre côté fleur bleue ? Oh, je ne le cache pas, je l’assume complètement. En fait, je le confronte à d’autres ingrédients chimiques qui rendent le tout explosif. Mais ma trame principale, c’est de commencer dans le noir pour aller vers la lumière. Je veux dénoncer des choses que je ne cherche pas à édulcorer. Quand je parle de Fatou, la migrante qui se trouve dans l’hôtel, je parle vraiment de son itinéraire dramatique. Mais derrière, je dis aussi qu’il peut y avoir de l’espoir, même dans ces destins-là. C’est mon côté fable. N’ayons pas honte d’avoir des émotions positives, des sentiments positifs. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut mettre des œillères, on n’est pas au pays des Bisounours. Cette langue spécifique qui vous caractérise, d’où vient-elle ? Je suis une éponge. J’aime bien écouter les gens parler. J’écoute les mots hip-hop des jeunes dans la rue. Mais aussi les expressions des anciens, de Michel Simon, de Louis Jouvet. Ce qui est marrant, c’est de faire dialoguer des personnages qui ne sont pas de la même époque. Tous mes personnages ont une identité qui passe aussi par la langue. Chaque otage de Petiote a son chapitre de présentation et personne ne parle comme un autre. En tant que narrateur, je n’allais pas utiliser le même langage pour décrire l’histoire de Fatou et celle de Boudu, le SDF qui squatte le hall de l’hôtel. Il y a comme une direction artistique du langage. [scald=29118204:sdl_editor_representation]

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