Michaël Frey, attaquant de l’Antwerp: «Je suis attiré par le but»

Deuxième meilleur buteur actuel de la D1A à trois longueurs de l’Unioniste Deniz Undav et de ses 26 buts, Michaël Frey (27 ans, 23 buts) est l’une des belles révélations de cette saison. Débarqué à l’Antwerp l’été dernier en provenance de Fenerbahçe, qui l’avait prêté successivement à Nuremberg, en D2 allemande (4 buts), puis à Waasland-Beveren (12), dans un contexte de lutte pour le maintien, l’attaquant suisse a retrouvé les joies de viser le haut du tableau avec le Great Old, dont il symbolise à merveille les qualités d’engagement et de jusqu’au-boutisme. Bien qu’ayant la réputation d’être un dur à cuire tant sur le terrain qu’à l’interview, un exercice qu’il n’affectionne pas particulièrement, Frey s’est pourtant montré étonnamment disponible et… rafraîchissant. Michaël Frey, Manuel Benson a récemment dit de vous qu’il ne savait pas ce que vous mangiez tant vous n’arrêtez jamais de travailler. Comment expliquez-vous cette énergie et cette force ? Cela me vient de mes parents qui adorent aussi le sport de manière générale. Mon père a joué au foot à un bon niveau aussi chez les jeunes mais il a eu quelques soucis. C’était avant tout un fan de sport, de tous les sports, puisqu’il a également pratiqué d’autres disciplines comme l’unihockey, le hockey sur glace, etc. Depuis mon plus jeune âge, je n’ai jamais su tenir en place que ce soit avec lui, mon frère ou à l’école. J’ai encore beaucoup d’énergie à revendre. J’ai toujours aimé bosser et, si je ne suis pas trop fatigué à la fin d’un entraînement, je m’impose régulièrement une séance supplémentaire. C’est ma mentalité. Vous avec connu une saison incroyable avec l’Antwerp. Etes-vous surpris par tout ce que vous avez réussi ? En tant que joueur, vous espérez toujours que le meilleur vous arrive mais vous devez aussi être prêt au pire, à une mauvaise saison qui peut être dictée par des blessures, des choix tactiques, des mauvaises prestations collectives. Ici, tout a fonctionné à merveille. Le fait d’avoir marqué cinq buts en 75 minutes face au Standard en début de saison vous a-t-il donné ce surplus de confiance dont vous aviez besoin ? Evidemment, c’était un match spécial. Quand vous débarquez dans un nouveau club, il est important de réussir ses débuts. Et encore plus quand il s’agit d’un grand club ambitieux comme l’est l’Antwerp. Je savais que les gens ici avaient placé beaucoup d’attentes sur moi et je pense ne pas les avoir déçus. Mais si j’y suis parvenu c’est aussi grâce au travail de sape énorme réalisé dans l’ombre par les joueurs qui m’entourent et me servent idéalement. Sans eux, je n’aurais pas réalisé la bonne saison que je connais actuellement. Ce match à Sclessin, c’était le meilleur de votre carrière ? Statistiquement, bien sûr, mais il m’est difficile de répondre à cette question. Il y a eu d’autres excellents matchs durant lesquels je n’ai pas marqué autant. Par exemple celui face au Beerschot, juste avant les Playoffs. A Fenerbahçe (23 matchs, 5 buts), vous aviez été confronté à une ambiance incroyable et vous en retrouvez une ici au Bosuil… Clairement. En Turquie, quand il y avait un derby Fenerbahçe – Galatasaray, il y a tellement de bruit que vous n’entendez plus vos équipiers et que vous ressortez en ayant mal aux oreilles. C’est important d’avoir de bons supporters, qui vous font ressentir la pression quand cela marche moins bien. Cela vous incite à vous battre davantage pour regagner leur confiance. Quand vous les sentez vous pousser dans le dos, vous avez le sentiment de voler au-dessus du terrain. C’est une sensation particulière, très agréable. A contrario, quand on n’a pas eu de public comme cela a été le cas en début de saison ou comme je l’ai connu à Waasland-Beveren, vous avez parfois l’impression de prendre part à un simple entraînement. Or on s’entraîne toute la semaine pour connaitre les émotions que l’on veut partager avec le public. Comment êtes-vous arrivé en Belgique et en particulier à Waasland ? A ce moment, il me restait un an de contrat en Turquie après mon prêt à Nuremberg, un grand club qui évoluait en D2 allemande. Au début je jouais à Fenerbahçe mais il a fallu trouver une solution rapide pour me recaser. Parce que vous ne pouviez pas rester en Turquie ? Si, mais je savais que si je restais, j’avais cinq attaquants devant moi. Or, je savais qu’à 24 ans, il fallait que je joue parce que ce n’est jamais bon de rester un an sur le banc. Je savais que le championnat belge était excellent, sans doute au même niveau voire meilleur que celui de Turquie et c’est pour ça que j’ai débarqué ici. Waasland n’est pourtant pas, contrairement à Fenerbahçe, un club du top ! C’est exact, mais le plus important était de devenir meilleur en travaillant énormément sur moi-même, en jouant un maximum pour aider l’équipe. Quelque part, il fallait que j’accepte de reculer pour mieux relancer ma carrière. La Belgique est un pays central en Europe, où les recruteurs ont toujours un œil attentif. Je connaissais un peu les grands clubs mais une chose est sûre : le football y déchaîne davantage les passions qu’en Suisse, où tout est plus calme, plus calfeutré. La culture du foot est plus grande ici. Or j’ai besoin de cette pression. Et c’est ce qui est arrivé puisque vous avez séduit les dirigeants de l’Antwerp, un club qui a de grandes ambitions… Premièrement, je vivais déjà à Anvers avant de signer ici et je savais que s’il y avait une opportunité de signer à l’Antwerp, je me devais de la saisir. Quand elle est venue, je n’ai guère hésité malgré les autres opportunités que j’avais en Belgique et à l’étranger. Pour moi, c’était la meilleure décision à prendre, parce que c’est un grand club, qui allait disputer l’Europa League et se battre pour les premières places. Ce club est en train de grandir depuis quelques années et me convient parfaitement. Devenir meilleur buteur, c’était une vraie ambition pour vous ? Evidemment, quand vous êtes proche de la fin de saison et êtes toujours en course, vous espérer le devenir mais le plus important, c’est que l’équipe performe bien. On sait qu’un meilleur buteur a davantage de chances d’être suivi par de grands clubs, pourtant… Bien sûr, mais je suis plus heureux quand on gagne un match sans que je marque que quand je marque à cinq reprises et qu’on ne gagne pas. Avez-vous déjà entendu parler de Frans König ? Non, de qui s’agit-il ? C’est le seul joueur suisse qui ait été élu meilleur buteur du championnat de Belgique. Il l’a même été à deux reprises en 1897-98 et en 1898-99, soit il y a plus de 120 ans ! Vraiment ? C’est dingue ça. C’est d’ailleurs étonnant qu’un joueur suisse ait évolué en Belgique il y a si longtemps. Vous restez en compétition avec Deniz Undav, que vous rencontrez ce dimanche. Comment le jugez-vous ? J’apprécie quand d’autres équipes ont de bons joueurs parce que vous pouvez les observer et apprendre d’eux, de ce qu’ils font de bien. Mais que ce soit pour Undav ou pour les autres, je me focalise surtout sur mes propres prestations. Qu’avez-vous à améliorer pour être un joueur plus complet ? Même si je ne suis pas le plus lent, j’aimerais parfois être un peu plus rapide sur les premiers mètres. La finition, c’est un talent inné chez vous ou vous avez dû énormément travailler là-dessus ? Bien sûr, il y a beaucoup de travail parce que j’ai plutôt joué en qualité de nº6 jusqu’à mes 16 ans. Je marquais déjà beaucoup de buts à cette position et progressivement, on m’a placé dans un rôle d’attaquant de pointe en U18 aux Young Boys de Berne. J’ai alors inscrit plus de 20 buts et je n’ai plus jamais quitté ce poste. Deux ans plus tard, je jouais déjà en D1 suisse. Aujourd’hui, ce n’est plus une option de reculer dans le jeu. Je me sens attaquant et buteur, je sens que je dois et, plus important, quand je dois être dans les seize mètres adverses. Je suis attiré par le but. Après avoir fait parte des différentes équipes d’âge de votre pays, vous songez à la sélection suisse pour laquelle vous avez été repris pour deux matchs (NDLR : en 2014) ? Quand j’étais à Lille, j’avais été repris par Vladimir Petkovic mais je n’avais pas joué à cette occasion. Dans la foulée, je m’étais blessé assez sérieusement. Tout ce que je peux faire, c’est de continuer à travailler à fond tous les jours et on verra mais c’est clair que j’en rêve encore, oui. Il parait que vous êtes un fan absolu de Zlatan Ibrahimovic. Pourquoi lui en particulier ? J’adore ce gars : il est grand, il est rapide, techniquement impressionnant, intelligent, il sait marquer facilement et c’est un gros bosseur. J’adore regarder ses matchs même s’il est un peu plus âgé maintenant. C’est l’un des meilleurs attaquants du monde, qui a été performant partout où il est passé. C’est aussi un gars un peu spécial. C’est aussi votre cas, non ? Je ne pense pas que je sois quelqu’un de vraiment normal mais ce n’est pas à moi de dire cela, d’expliquer haut et fort que je suis quelqu’un de spécial. Je suis juste qui je suis. A votre arrivée à l’Antwerp, vous aviez expliqué que vous étiez quelqu’un d’amical mais seulement par moments. Qu’aviez-vous voulu dire par là ? C’était la première vidéo de l’année, postée sur le site du club et j’avais dit cela sans arrière-pensées. Après, c’est vrai que je peux être nerveux, fâché sur le terrain et parfois en dehors mais il faut savoir canaliser cette frustration, cet énervement. Sur un terrain, quand vous vous énervez, la plupart du temps vous ne marquez pas. L’idéal c’est donc de rester calme, de réussir à contenir ses émotions. C’est difficile pour vous ? Cela va de mieux en mieux mais c’est vrai que quand j’étais plus jeune, j’avais beaucoup de difficultés avec cela. On va dire que j’ai progressé avec l’expérience. Vous faites partie d’une équipe où il y a de gros bosseurs, des joueurs hargneux comme Nainggolan ou Verstraete, par exemple. La mentalité de l’Antwerp vous convient bien, non ? Je pense en effet que mon caractère et ma personnalité conviennent bien à ce club. Mais vous avez aussi besoin de joueurs techniques qui peuvent faire la différence autrement, individuellement. On a cela aussi à l’Antwerp : ce beau mélange peut être détonnant. Avez-vous été surpris par le niveau du championnat belge ? Il y a beaucoup de duels homme contre homme sur l’entièreté du terrain mais pour un attaquant, je trouve qu’il est plus aisé de marquer ici que quand vous évoluez en Serie A où il y a parfois 10 défenseurs. Ici, beaucoup de clubs jouent crânement leur chance, certainement en fin de match. Vous avez déjà évolué dans cinq pays : en Suisse, en France, en Turquie, en Allemagne et en Belgique. Vous avez un championnat rêvé ? Bien sûr, j’aimerais m’imposer un jour dans un championnat du Top 5 même si j’ai déjà touché ce rêve du bout des doigts à Lille. Je pense toutefois qu’aujourd’hui, je suis davantage préparé que je ne l’étais alors. J’espère que le train repassera. Il paraît aussi que durant vos temps libres, vous avez une passion pour la peinture… Parfois je vais à des expos à Anvers mais je préfère peindre de mon côté. Je peins toutes sortes de choses. Cela peut paraître étonnant parce que vous êtes quelqu’un d’assez brut, non ? Peut-être mais cela m’apporte beaucoup de calme, de tranquillité. Quand je peins, je me sens bien, relax, focalisé sur cela et rien d’autre. Mon esprit peut se reposer, ce qui est capital dans la vie à 100 à l’heure que nous menons. L’école d’arts que j’ai fréquentée m’a ouvert à pas mal de disciplines. Après ma carrière, je pourrais enseigner l’art, par exemple. Et si des gens aiment mes peintures, pourquoi ne pas me tourner vers une carrière dans ce domaine ?

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