Stéphane Siohan: «Ce sont les Ukrainiens qui ont fait de Zelensky leur héros»

Zelensky, c’est l’antithèse de Poutine. Voilà résumé en quelques mots le portrait du président ukrainien. Le premier est jeune (44 ans), le second a dépassé l’âge de la retraite (69 ans). L’un est un excellent communicateur, sympathique et proche des gens, l’autre est un tyran cynique, froid et insensible retranché dans un bunker. Zelensky est un novice en politique, Poutine un pur produit des services secrets et au pouvoir depuis plus de vingt ans. Et la contradiction ne s’arrête pas là… La personnalité et le parcours hors normes de l’ancien acteur-humoriste-producteur télé devenu d’abord président de l’Ukraine le 20 mai 2019 puis chef de guerre le 24 février dernier valaient bien un grand portrait. Un conflit de génération « Pour moi, c’est l’aspect générationnel qui me frappe le plus », entame Stéphane Siohan. « C’est une guerre inédite dans le sens où elle est menée par une nouvelle génération d’hommes et de femmes de moins de 40 ans dans un pays ex-soviétique. Zelensky est né en 1978 et c’est le premier dirigeant d’un pays ex-soviétique qui n’a pas connu l’URSS comme adulte à la différence de ses prédécesseurs. Autour de lui, il y a énormément de jeunes. Les mentalités sont totalement différentes. » [scald=29129293:sdl_editor_representation] « Avec Zelensky », poursuit Stéphane Siohan, « on est sur un nouveau type de dirigeant. L’Ukraine est en avance sur son temps, c’est un président manager. Il n’y connaît rien sur le plan militaire et laisse faire les spécialistes. Ce n’est pas un intellectuel pur mais il est malin, futé, doué et c’est une bête de travail. Il est surtout inspiré par ce qu’il se passe dans les pays baltes. Mais au-delà de ses vidéos, on ne parvient pas à sonder ses véritables idées politiques ou son idéologie. » Depuis le début de l’offensive russe, le président en guerre passe une grande partie de son temps à communiquer. Logique, c’est sa spécialité. « Il est peut-être perçu par certains comme un héros, mais il l’est surtout parce que les Ukrainiens lui ont imposé d’en être un. S’il l’est, c’est grâce à eux », explique Stéphane Siohan. « S’il avait quitté le pays au début, il aurait tout perdu et il n’aurait jamais pu revenir. Les Ukrainiens ne lui auraient jamais pardonné. Il n’a pas eu le choix. » « Il a beaucoup appris » Notre correspondant en Ukraine Stéphane Siohan (épaulé par son confrère Régis Genté), a réussi à dresser un portrait passionnant et complet de Zelensky en moins de trois mois. Ou comment l’acteur qui incarnait le personnage Vassyl Goloborodko dans la série Serviteur du peuple est devenu ce qu’il est aujourd’hui. Car Zelensky, c’est aussi la fiction devenue réalité. Après avoir incarné à l’écran un petit professeur d’histoire devenu président par accident dans l’Ukraine corrompue des oligarques, le voilà devenu président dans la vraie vie (en partie grâce à l’oligarque Ihor Kolomoïsky et sa chaîne de télé 1+1). [scald=29129289:sdl_editor_representation] D’après les auteurs du livre, c’était loin d’être évident au départ… D’abord parce qu’il n’avait pas vraiment de programme, ensuite parce qu’il déteste la guerre et, enfin, parce qu’il n’avait aucune expérience politique. Son premier rendez-vous avec les ambassadeurs des pays du G7 à Kiev, deux mois avant la présidentielle, fut un fiasco complet, un véritable choc pour son entourage. « Il n’était pas bon, ne maîtrisait absolument pas les dossiers, ni même parfois les bases de la politique internationale… Nous sommes tous sortis perplexes de cette réunion », leur a confié une des diplomates présentes à cette réunion qui assistera, quelques mois plus tard à une métamorphose totale de Zelensky. Il avait beaucoup appris et avait réussi à constituer une équipe solide autour de lui. « Une déclaration de guerre » Mais l’apprentissage de l’Occident politique s’est avéré très compliqué pour le jeune président. Sans parler de ses débuts tumultueux face aux Américains et un certain Donald Trump… « Il a cru que le charisme et le charme pur allaient suffire. Il a fait son apprentissage et il s’est amélioré », raconte Stéphane Siohan qui l’a rencontré pour la première fois quelques semaines avant son élection. « Il ne voulait pas parler aux journalistes. Il était incapable de répondre à des questions et était agressif. A la fin, il revenait vers nous et s’excusait de s’être emporté. » [scald=29129292:sdl_editor_representation] Pour Stéphane Siohan, un événement précis pourrait avoir poussé Poutine à finalement déclarer la guerre à l’Ukraine. « Le jour où Zelensky a décidé de fermer les trois chaînes de télé de Viktor Medvedtchouk, le principal relais de Poutine en Ukraine (et le père de sa filleule Daryna). Dans les heures qui ont suivi, des militaires ont commencé à se masser près de la frontière. C’était une sorte d’étincelle, une déclaration de guerre. Poutine a des réactions émotionnelles. » Le livre révèle aussi que Zelensky a échappé à trois tentatives d’assassinat, dont une a été déjouée grâce à des renseignements transmis à son entourage par des éléments infiltrés du FSB (services secrets russes). « Pour la suite, il faudra voir ce que Zelensky négociera avec les Russes le jour où il y aura un accord », conclut Stéphane Siohan. [scald=29129290:sdl_editor_representation]

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