Inondations: comment impliquer les citoyens dans les plans d’urgence

C’est le point 34 des recommandations faites par la commission parlementaire qui s’est penchée sur l’analyse des inondations de juillet 2021 pour en tirer des leçons. Il prévoit d’« Encadrer la participation citoyenne dans la planification et la gestion de l’urgence, en créant une réserve de citoyens volontaires au niveau local et en analysant juridiquement la possibilité de couvrir par une assurance les interventions de ces volontaires en cas de crise. » Cette suggestion, plusieurs proches des inondations la portent également. Tout comme Jacques Teller (ULiège), un des experts entendu par la commission qui a chapeauté une consultation des « associations actives dans la gestion des inondations » à la demande de la commission. « Seules 3 associations étaient actives dans la gestion des inondations avant juillet 2021. Il s’agit du Contrat de rivière Vesdre, de River Cleanup Belgium – dont c’est la mission principale – et de Partagence, spécialisée dans la mise en place de programmes post-catastrophes. Une partie des associations rencontrées se sont constituées à la suite des événements de juillet 2021. » Jacques Teller relève la variété des associations autour de ce dossier. Certaines sont structurées et s’engagent à accompagner les sinistrés pendant une durée limitée (Partagence, pendant 1 an), d’autres sont formées autour de pages internet juste après les inondations mais ont rassemblé jusqu’à 40.000 membres. [scald=29131110:sdl_editor_representation] Connaissance du terrain Le bilan de cette étude souligne notamment que face à l’impuissance ou ce qui a été perçu comme de l’impuissance de certaines autorités, « certaines associations ont pris le parti de court-circuiter les canaux de communication locaux et de s’adresser en direct à la population via les réseaux sociaux » et que « l’avantage des associations est qu’elles connaissent la réalité de terrain et les besoins effectifs des habitants, alors que des organisations plus centralisées vont exiger des documents pour donner accès à l’aide proposée, documents qui supposent une charge administrative supplémentaire pour les victimes. » Et suggère de « revoir le partage et de la définition des rôles entre secteur public et associatif pour éviter le développement d’une méfiance croissante entre ces deux entités. » Marie Vercaempst, à Verviers, est le relais belge de l’association française Partagence qui sert généralement de référence comme implication utile et efficace du secteur associatif/citoyen face aux catastrophes. Cette association a vu le jour en 2014, au lendemain d’inondations dans le sud de la France et, depuis, a été structurée en « association d’intérêt général » prête à venir en aide aux victimes de catastrophes naturelles (réhabilitation d’habitat sinistré, conseil et soutien psychologique). Mais elle est aussi active, pour l’instant, dans l’aide aux sinistrés en Ukraine. Le principe de fonctionnement de l’association est de s’appuyer « sur un réseau d’entreprises partenaires et le concours des collectivités territoriales ». Elle dispose de stock de matériels indispensables après une catastrophe naturelle et peut arriver très rapidement et efficacement sur place ; ce qui a été le cas en juillet 2021 dans les vallées de la Vesdre et de l’Ourthe notamment. « Quand Partagence se lance dans une mission, une des premières choses est de chercher, sur les lieux de la catastrophe, des personnes impliquées dès le début dans l’aide aux citoyens et, à travers elles, de former des petites équipes qui se répartissent des missions ou des zones », explique Marie Vercaempst. L’objectif de l’intervention est de venir en aide où et quand que ce soit, sans couleur politique. La procédure consiste à une visite sur place chez un sinistré, l’évaluation des besoins et la recherche dans les stocks ce qui peut convenir. Des stocks qui sont notamment constitués grâce au fonds des calamités français, des dons d’entreprises (déstockage…). « On tient compte de ce qui est nécessaire mais rien de superflu », rappelle la Verviétoise, « mais surtout, on s’engage pour un an auprès des personnes, on n’abandonne personne, on les accompagne sur du plus long terme ». [scald=29131111:sdl_editor_representation] Que faire de cette expérience ? Cet exemple d’implication citoyenne, coordonnée par une association spécialisée dans l’aide citoyen d’urgence en cas de catastrophe a suscité des envies de pérenniser une organisation semblable. « J’étais boucher traiteur indépendant à la retraite quand les inondations ont ravagé la région », explique Patrick Grosjean qui, avec son épouse, s’est lancé dans la confection de repas durant des semaines. « On n’a pas jeté un gramme de ce qu’on nous a donné. Et comme il n’y avait pas de chef, pas d’argent, il n’y a pas eu une dispute. » Mais aujourd’hui, il le reconnaît, la mobilisation citoyenne de l’après inondations est devenue plus compliquée. « On a soudé tout un groupe de personnes qui sont venues en aide mais aujourd’hui, qu’est-ce qu’on fait de cette expérience ? » Avec l’association Citizens Can, Charlotte Matelar qui habite à Hamois, près de Marche-en-Famenne, mais dont les membres sont répartis en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles plaide pour l’implication citoyenne dans la gestion de crise. Bénévole dans l’associatif depuis l’adolescence, elle n’a pas été directement touchée par les inondations mais pas insensible non plus. « Deux semaines après les inondations, on s’est retrouvé à plusieurs qui s’y connaissaient en communication, à constater un chaos d’informations aussi bien entre les sources officielles qu’entre les citoyens. On s’est donc impliqué dans le moyen d’aider les gens à partager des informations par groupes Facebook. Fin juillet, on a eu une première réunion, on était 15 ou 20 à gérer différents groupes Facebook. On a constaté que le plus dur n’était pas de se coordonner entre nous mais avec les services officiels (communes, armée, Croix-Rouge…). On a publié une lettre ouverte en août assez critique sur le chaos de l’organisation. En septembre, on a contacté les deux commissaires à la reconstruction et la cellule de crise du gouvernement. » De fil en aiguille, un mode de fonctionnement s’est établi, ainsi qu’une certaine relation de confiance dans les deux sens. « Nous, on souhaitait avant tout conserver notre indépendance et notre liberté avec ces autorités mais servir de liens vers les citoyens concernés. » Au quotidien, pour Citizens Can, il s’agissait avant tout de tisser un lien potentiel vers les milliers de bénévoles qui, à un moment ou l’autre, voire toujours (tout le monde continue à parler de groupes de bénévoles flamands qui continuent, 10 mois après les inondations, à venir tous les week-ends pour aider), sont ou ont été sur le terrain et veulent faire remonter des informations. Au fur et à mesure, la structure de l’association s’est confirmée, comme ses objectifs : coordination avec d’autres structures et meilleur respect des citoyens en cas de crise car ils peuvent apporter beaucoup de chose, à commencer par une énergie contagieuse. [scald=29131113:sdl_editor_representation] La recommandation existe, la volonté associative aussi et le constat de Patrick Grosjean reste évident : que fait-on de toute cette mobilisation citoyenne liée aux inondations ? Lui donner une place légitime dans la gestion des catastrophes paraît une réponse attendue. Combien de temps pour la mettre en pratique ? [scald=29131130:sdl_editor_representation]

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