Charly Musonda Jr: «J’ai envie que mon histoire soit très spéciale»

Il y a dix ans, presque jour pour jour, Charly Musonda Jr, alors âgé de 15 ans, quittait Anderlecht pour rejoindre Chelsea avec, dans le dos, l’étiquette de phénomène du football mondial, de grand talent en devenir, sur base d’un potentiel et d’une précocité loués par tous. Dix ans plus tard, sa carrière n’a toujours pas décollé. En cause, une grave blessure au genou qui lui a fait vivre un véritable calvaire et l’a contraint à postposer à de multiples reprises son retour aux affaires. S’appuyant sur la passion qu’il voue depuis toujours au football, le médian offensif belgo-zambien n’a pourtant jamais rien lâché, s’accrochant tant et plus à ses espoirs et à ses rêves. Rentré en Belgique pour la première fois depuis trois ans, blessure et Covid obligent, auprès d’une famille qui lui a beaucoup manqué, Charly Musonda (25 ans) nous a accordé une longue interview, lors de laquelle il a abordé, sans fard, son actualité : sa longue rééducation, la fin de son aventure à Chelsea, mais aussi sa volonté de rebondir et d’écrire, comme il le dit, une nouvelle page de son histoire. Charly Musonda, vous êtes aujourd’hui libre de contrat, mais il se dit que vous auriez pu rester plus longtemps à Chelsea. Est-ce exact ? Tout à fait. Chelsea m’avait proposé, l’année dernière, de prolonger mon contrat d’un an, avec l’intention de me prêter. Mais j’ai préféré, après dix ans passés à Londres, couper le cordon ombilical et retrouver une liberté totale pour mieux me relancer. À 25 ans, je me voyais mal repartir en prêt, comme je l’avais fait à trois reprises lorsque j’étais plus jeune. J’aurais préféré jouer gratuitement à Chelsea que d’être à nouveau cédé pour quelques mois. Dans quel état êtes-vous aujourd’hui ? Je suis physiquement et mentalement très bien. Je m’entraîne avec un coach personnel et je joue, avec des amis, de petits matches en cinq contre cinq. Avec l’ambition de pouvoir trouver rapidement un nouveau point de chute et d’être prêt pour reprendre la préparation avec une équipe. Je suis en tout cas très excité à l’idée de prendre un nouveau départ, en sachant que je suis en pleine santé et que je n’ai plus de souci avec mon genou. Un genou qui, davantage encore lorsqu’on mise comme vous sur sa vitesse et sa mobilité vous a fait vivre un véritable calvaire… Oui parce que la déchirure du ligament croisé postérieur du genou dont j’ai été victime en 2018, lors d’un match amical disputé avec Vitesse Arnhem face à l’Antwerp, est rarissime en football. C’est plutôt une blessure qu’on voit en rugby. Durant un an, on a tenté d’éviter l’opération, avant d’y recourir, ce qui m’a mis douze mois de plus sur la touche, et d’entamer une longue rééducation. Certains avaient alors prédit que vous n’auriez que 20 % de chances de rejouer au football… Exact. Les médecins de Chelsea et trois autres, indépendants, étaient sur la même longueur d’ondes. Ils m’avaient dit qu’il n’y aurait aucun souci pour rejouer en division 3, mais qu’il faudrait un miracle pour revenir au top niveau. C’était leurs mots. Heureusement, Koen Lagae, un chirurgien orthopédique réputé qui a effectué avec moi un super boulot, m’a tenu un autre discours. Selon lui, tout était entre mes mains. « Cela va être très compliqué », m’a-t-il affirmé, « mais si tu travailles bien, tu pourras encore pratiquer le football à un excellent niveau ». Cela m’a reboosté et m’a rendu confiance. Je me suis accroché et j’ai continué à bosser. J’ai eu de la chance de le croiser. Car trois ans, c’est long. J’aurai pu ne jamais revenir. Vous avez douté ? Jamais, même si tout cela a été très compliqué à vivre. Tout le monde s’attendait à me voir évoluer, à mon âge, dans un grand club et au top niveau. Moi, je me dis que je n’ai que 25 ans et que malgré une longue absence forcée, il me reste encore beaucoup de temps pour réaliser de belles choses. Je suis en tout cas terriblement confiant. J’ai passé dix années à Anderlecht, de 5 à 15 ans, et dix autres à Chelsea. Il me reste donc à écrire les dix dernières. Comment voyez-vous votre avenir, à court terme ? Dans ma situation, je vois les choses au jour le jour. Mon ambition, comme je l’ai dit, c’est d’être prêt pour entamer la présaison. Et donc choisir le meilleur projet, qui ne sera pas lié à la notoriété du club, la valeur du championnat ou l’aspect financier. Ce que je veux, c’est trouver un club qui me permettra de prendre du plaisir et de me faire progresser et revenir à mon meilleur niveau, pas à pas, sans brûler les étapes. Après, les qualités feront le reste. Ce que vous vous apprêtez à faire, c’est un peu recommencer en bas de l’échelle ? C’est exactement ça. J’ai eu de bonnes bases et j’ai beaucoup appris à Chelsea, dans un environnement idéal avec de bons coaches et des joueurs de classe mondiale. Ici, le seul doute est lié au fait que je n’ai pas joué pendant quatre ans, mais au niveau de mon niveau physique, je ne pense pas qu’il y aura de problème. Il faut repartir de zéro. Je suis très excité à l’idée de montrer à tout le monde que je suis toujours là. Et surtout de me prouver à moi-même que je peux encore évoluer à un bon niveau. Jouer en division 4, j’aurai le temps de le faire plus tard. Je sais que je ne vais pas signer à Barcelone, au Real Madrid ou au Bayern Munich demain, mais j’ai envie de travailler pour revenir à un très bon niveau. Vous prenez ça comme un challenge personnel ? C’est tout à fait cela. Cela fait quatre ans que je n’ai plus joué un match professionnel. Qui est revenu après ça ? Personne. J’ai envie que mon histoire soit très spéciale. C’est un très gros défi, je ne vais pas dire le contraire, mais c’est d’autant plus beau. Là, je suis dans la peau d’un boxeur qui s’est entraîné longtemps et qui va remonter sur le ring. Prêt à se battre, à rendre coup pour coup, à aller au bout de soi-même pour écrire une histoire qui, je l’espère, durera dix ans encore. Vous semblez bien optimiste… Je dois l’être. Je le répète, je n’ai que 25 ans et rien n’est perdu. J’ai de l’appétit et je me sens bien. Et le football reste ma passion. Si cela n’était pas le cas, ou si je n’avais joué que pour l’argent, je n’en serais pas là aujourd’hui. Revenir dans le coup après six mois ou un an, c’est facile, si je puis dire, mais trois ans… Trois ans au cours desquels je me suis entraîné quasiment tout seul, sans ne jamais rien lâcher. Je suis fier d’avoir eu cette force de caractère. Un club belge pourrait-il être le meilleur endroit, offrir la meilleure terre d’expression, pour revenir aux bases ? Tout dépend du projet. Je ne suis fermé à rien. Il y a des discussions en cours, on verra. En Belgique, Anderlecht est mon club de cœur et représente beaucoup à mes yeux. Du coup, sur le plan émotionnel, ce serait difficile d’évoluer dans un club du même niveau que le Sporting, même s’il n’y en a pas, malgré le fait que les Mauves n’ont plus décroché le titre depuis cinq ans. Pour tout vous dire, le premier jour que je suis revenu ici, je suis parti courir autour du stade, du Lotto Park comme on dit maintenant. Lorsque vous parlez de projet, vous faites référence à quoi exactement ? À un club et à des gens qui puissent comprendre d’où je viens et qu’il faut prendre les choses graduellement. Et qui acceptent, à l’arrivée, que mon retour aux affaires puisse prendre un peu de temps. Cet aspect-là, relatif à la gestion de mon cas, est essentiel, tout autant que le volet sportif. Me retrouver sur le banc dans un grand club ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est jouer, retrouver au plaisir. J’ai travaillé durant les trois dernières années pour avoir cette opportunité-là. Cela fait bientôt dix ans, puisque c’était le 8 juin 2012, que vous avez quitté Anderlecht pour Chelsea. À refaire, vous prendriez la même décision ? Sans hésiter. Chelsea, c’était la meilleure option. Je n’éprouve aucun regret. Si je n’ai pas joué davantage, ce n’est pas pour une question de niveau, mais parce qu’il y a eu ces blessures qui m’ont empêché de prendre mon envol. Et mes débuts professionnels au Betis Séville, où Chelsea m’avait prêté en 2016, c’était aussi le meilleur choix. Que retenez-vous de ces dix années passées à Stamford Bridge ? La qualité de la formation que j’y ai reçue. J’ai appris énormément à Chelsea, qui restera à tout jamais un énorme coup de cœur, mais le plus important, c’est que je sais aujourd’hui ce qu’il faut pour évoluer à ce niveau-là, au sein d’un club qui a remporté, lorsque j’y étais, la Premier League. Pour avoir eu le privilège de m’entraîner avec des joueurs du calibre de Fabregas, Eden (Hazard) et Diego Costa, je sais exactement ce qu’il va me falloir pour espérer rejouer à ce niveau, le travail à effectuer au quotidien et le niveau d’exigence à afficher. Tout le monde vous promettait un avenir flamboyant. C’est difficile de s’en souvenir ? Non, l’atterrissage n’a pas été difficile. Le plus compliqué, cela a été de m’entraîner seul tous les jours pendant trois ans pour pouvoir rejouer au football. Lorsqu’on m’a affublé de la réputation de grand talent, c’était quand j’étais jeune. Aujourd’hui, je suis dans le monde professionnel. Le regard des gens a peut-être changé, mais je suis le même Charly lorsque je joue à Chelsea ou dans la rue avec des potes. Ce qui est essentiel pour moi, c’est de jouer. Je suis prêt pour une nouvelle étape. Où cela va-t-il me mener ? Je ne sais pas. Je dois être réaliste, mais aussi ambitieux, parce que je connais mon potentiel. Le futur, j’en suis sûr, est encore brillant. Je suis un garçon confiant et j’ai toujours de bonnes pensées. Je regarde devant moi et je sais que plein de bonnes choses peuvent encore se passer. OK, je n’ai pas joué pendant quatre ans, mais ce n’est pas la fin, c’est un nouveau début. Et si tout se passe bien, pourquoi ne pas songer aux Diables ? Au cours de ces dernières années, j’ai pu repenser à ce que j’avais envie de faire. Et la réponse a toujours été la même : rejouer au football. C’est ce que je vais faire, sans me mettre de pression. Avez-vous toujours des rêves ? Bien sûr. C’est essentiel d’en avoir. Pas trop grands certes dans un premier temps, mais j’aimerais rejouer un jour dans une grosse équipe et dans un grand championnat. Ce jour-là, je pourrai être fier de moi après tout ce que j’ai vécu. C’est un objectif et un challenge à la fois. Dans les épreuves traversées, votre papa, Charly Musonda, qui a connu une belle carrière pendant… dix ans à Anderlecht (1987-1997), a-t-il un rôle important ? Il est toujours resté une source d’inspiration et de motivation. Sa carrière s’est terminée précipitamment, à cause d’une blessure. À cette époque-là, la médecine n’était pas aussi pointue qu’elle ne l’est aujourd’hui. Par rapport à lui, j’ai de la chance d’avoir affaire aux meilleures spécialistes. Je n’oublie pas non plus que Michel Verschueren (alors manager général d’Anderlecht) lui a permis de vivre en insistant pour que mon père fasse l’impasse sur un match au Sénégal (en 1993) avant que l’avion transportant l’équipe de Zambie ne s’écrase en mer. Sans quoi… Tout cela pour dire que dans la famille, on écrit de fameuses histoires (il rit). Mon père a toujours vécu pour que je puisse jouer au football. C’est donc à moi de tout donner pour ne pas refermer ce chapitre trop tôt. Il sera très fier de moi lorsqu’il me verra à nouveau fouler un terrain. C’est donc à moi de tout donner pour ne pas clôturer mon histoire trop tôt. Je l’ai dit, rien n’est perdu pour moi et il me reste un bon chapitre de dix ans à écrire. Je ne dis pas que je vais jouer 100 matches avec les Diables Rouges, mais j’espère jouer un jour pour la sélection belge.

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