Philippe Clement: «Non, je ne suis pas champion avec Bruges à 90%»

Entre deux réunions d’après-saison, c’est un Philippe Clément déterminé et toujours aussi affable qui nous accordé un entretien depuis son bureau à l’AS Monaco. Arrivé sur le Rocher le 3 janvier dernier, le coach belge a réussi en quelques semaines à imprimer sa griffe. Derrière l’intouchable PSG, Monaco a finalement lutté avec Marseille jusqu’à la dernière seconde pour la deuxième place… Quel bilan tirez-vous de votre demi-saison à Monaco ? A quelques secondes près, vous aviez cette deuxième place au général, place permettant un accès direct à la Ligue des champions… Le bilan est très positif. Nous avons obtenu 40 points au deuxième tour, un résultat identique à celui du PSG. Bref, sur le deuxième tour, nous sommes premiers à égalité avec Paris. Et ce, avec la deuxième équipe la plus jeune de Ligue 1. Et puis, les 9 victoires d’affilée que nous avons réalisé, c’est la 4e meilleur série en France sur ces 20 dernières années. Naturellement le but qu’on encaisse à la 95e minute à Lens et qui nous renvoie à la 3e place au général, c’est un coup dur. Mais, avec du recul, le bilan des 5 derniers mois, je le considère comme positif. Cette saison, vous avez battu le PSG, Marseille, Nice, Lyon, Rennes, Lille… L’AS Monaco est donc candidat au titre la saison prochaine ? Ce n’est aussi simple que cela. Nous n’avons pas toujours été les meilleurs dans tous les matches remportés mais nous avons su forcer la réussite. Vous savez, il y a de grands clubs en Ligue 1 et rien n’est acquis. Lyon a terminé 8e et Lille, champion il y a un an, n’est pas non plus dans le top 6 cette saison. Il y des clubs comme Rennes, Lens, Strasbourg, Marseille… et naturellement le PSG qui est un peu hors catégorie. A Monaco, on veut travailler avec l’objectif de faire encore grandir cette jeune équipe. Vous parlez du PSG hors catégorie. Ce club a, une fois encore, fait l’actu avec la reconduction de contrat de Kylian Mbappé. Quel est votre avis sur ce sujet qui fait polémique en raison notamment des sommes d’argent évoquées, à savoir plusieurs centaines de millions ? Mon père est artiste peintre et moi aussi je suis intéressé par l’art et je vois là aussi des prix incroyables pour certaines peintures. Mais c’est la loi de l’offre et la demande. Si PSG a décidé de débourser les montants cités, c’est qu’il pense qu’il va avoir un retour sur un tel investissement. Ce sont des sommes folles et cela reste des sommes folles mais une peinture de Picasso, cela vaut aussi des fortunes, c’est la loi de le l’offre et de la demande. Un tel joueur qui reste en Ligue 1, c’est sans doute une bonne chose pour le championnat français ? Il y a certainement beaucoup d’entraîneurs en France qui regrettent que Mbappé reste car c’est tout sauf évident de maîtriser un tel joueur sur le terrain (rires). Il est clair que pour l’image du championnat de France, c’est bien qu’un tel joueur reste. La France est vraiment un bon championnat et il y a de plus en plus d’investissements réalisés dans les clubs. Il y a 5 ou 10 ans, il n’y avait pas autant de clubs de haut niveau en Ligue 1. Cela se voit non seulement au niveau de la qualité des joueurs mais aussi au niveau des infrastructures. Quand tu vois les stades à Metz ou à Bordeaux alors que ces clubs évolueront en Ligue 2 la saison prochaine, tu te dis que la Belgique doit vite s’inspirer de ce qui se fait ici et investir dans les infrastructures. Pourquoi avoir choisi ce club ? Comment s’est passé votre passage de Bruges à Monaco ? Je tiens à souligner que pour les entraîneurs belges, il n’existe pas beaucoup d’opportunités d’entraîner dans des grands championnats. Il y a une raison à cela. Ce n’est pas lié à la qualité des entraîneurs mais il n’y a pas de directeur sportif belge à l’étranger. Les Néerlandais, les Espagnols ou encore les Portugais, ils sont partout et ils prennent logiquement des entraîneurs qu’ils connaissent. C’est normal. Un joueur, tu peux le juger sur les matches qu’il réalise. Un entraîneur, c’est plus difficile. Tu vois seulement comment l’équipe évolue mais tu ne sais pas pour quelles raisons : que fait-il à l’entraînement ? Comment gère-t-il un groupe ?… Moi, j’ai eu la chance que Monaco soit propriétaire du Cercle de Bruges. Je suis arrivé sur les radars du club monégasque grâce à la connexion avec le Cercle et les datas disponibles là-bas. Vous voilà à Monaco grâce au club rival du FC Bruges ? Monaco avait un profil en tête et je correspondais en tous points à ce qu’il cherchait. Nous avons été directement sur la même longueur d’ondes. Dans un entretien qu’il nous accordé, Jan Ceulemans, a souligné que « le changement d’entraîneur a été bénéfique à Clement et au Club »… Que répondez-vous à cela ? Ce qui a fait la différence, ce sont les transferts qui étaient nécessaires en janvier. Au premier tour, nous avions connu quelques difficultés à certains postes comme celui d’ailier droit. Bruges a acquis deux joueurs (Tajon Buchanan et Andreas Skov Olsen, ndlr) à cette position. Le raisonnement était le même au niveau des postes de milieu défensif et d’attaquant. J’étais certain qu’avec ces renforts ciblés, Bruges allait émerger. De mon côté, on m’a offert la chance d’être coach dans un grand club dans le top 5 des plus grands championnats européens. C’est un immense défi de pouvoir bénéficier d’un tel rôle sachant que, comme je vous l’ai dit, c’est rare pour un Belge d’obtenir une telle opportunité. Je suis très content que Bruges soit champion et je suis heureux aussi pour Alfred Schreuder que je connais bien. Je l’ai rencontré jadis à Twente lors de ma licence pro. Il était assistant là-bas et on resté en contact. Cela me réjouit aussi pour les joueurs, les dirigeants et les supporters car j’ai passé 19 années de ma vie à Bruges et ce club, c’est tout simplement ma deuxième famille. Bruges champion de Belgique, c’est un peu votre titre aussi ? Non… Pour l’histoire, c’est le titre d’Alfred et c’est mérité pour lui car il a magnifiquement bossé au Club ces derniers mois. Je ne suis pas champion à… 90 % ou autre (rire). Les dirigeants et Alfred ont fait le boulot en janvier et les mois suivants pour décrocher le titre. C’est leur titre. Quelle est la méthode Philippe Clement ? Car partout où vous passez, cela marche (Waasland-Beveren, Genk, Bruges et maintenant Monaco) ! Combien de temps avez-vous ? Impossible d’expliquer cela en quelques minutes. C’est énormément de travail en équipe. Ce n’est pas le fruit d’un seul homme. Tous les détails ont leur importance que ce soit au niveau de la connexion entre les membres du staff, avec les joueurs, sur le plan mental, dans la manière de préparer les matches et les entraînements… Ce que je tiens aussi à dire c’est que je suis un entraîneur avec une mentalité de vainqueur et je prépare chaque match comme si c’était une finale de Ligue des champions. Quel entraîneur a-t-il eu le plus d’influence dans votre manière de travailler et de voir le football ? J’en pointerai trois… à trois périodes différentes de ma carrière. Le premier, c’est Aimé Anthuenis que j’ai connu à Genk. J’étais alors un jeune étudiant qui combinait le foot et des études pour devenir ingénieur industriel. Aimé, c’est le premier entraîneur qui m’a donné beaucoup de responsabilités dans le vestiaire. Il parlait énormément des aspects tactiques avec moi. J’aimais aussi chez lui son côté paternaliste dans le vestiaire. Sur le plan mental, il était très fort. Le deuxième coach qui m’a marqué, c’est le Norvégien Trond Sollied. C’était quelqu’un de très structuré avec une vision très claire du football. Et enfin, il y a évidemment Michel Preud’homme parce que j’ai grandi comme entraineur avec lui. On a travaillé ensemble pendant quatre années et il m’a donné de plus en plus de responsabilités dans le club et à la fin, tout le monde disait que je n’étais plus T2 mais T1 et demi. Ce sont trois périodes avec des coaches aves lesquels j’ai eu la chance d’être champion de Belgique. Pourtant, lorsque Michel Preud’homme a quitté Bruges, vous n’avez pas endossé le rôle de T1 du Club et vous êtes parti à Waasland-Beveren… Cela vous a touché ? Bruges n’avait pas été champion l’année du départ de Michel Preud’homme. Or, à Bruges, quand tu n’es pas sacré une saison, tu dois l’être l’année suivante. Les dirigeants cherchaient la sécurité et donc un entraîneur avec plus d’expérience que moi. Ils craignaient que la pression ne soit trop forte. Finalement, les premiers choix n’ayant pas pu se concrétiser pour telles ou telles raisons, Bart Verhaeghe et Vincent Mannaert ont opté pour Ivan Leko. Avant de le nommer, ils ont tenu à m’expliquer leur choix car c’était un profil proche du mien. Il avait juste un peu plus d’expérience. Cela s’est fait avec beaucoup de respect et ils n’étaient pas obligés de le faire sachant que cela faisait déjà deux semaines que j’avais rejoint Waasland-Beveren. Un tel respect a fait que cela a été plus facile de revenir à Bruges quelques années plus tard. Quand on voit votre évolution, votre réussite… difficile de ne pas parler des Diables rouges ? Devenir sélectionneur de la Belgique, c’est dans un coin de votre tête ou pas ? Dans quelques années, cela pourrait être une possibilité mais pas pour le moment. J’ai encore cette énergie, cette motivation et cette ambition de travailler au quotidien avec mes joueurs et mon staff. Avec l’équipe nationale, c’est un autre rythme. Et puis, j’ai encore beaucoup de défis à relever à l’étranger avant de penser à l’équipe nationale belge.

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