Formule 1: Monaco, la bataille du rail

Il y a d’abord Sainte-Dévote. Au pied de laquelle certains viennent immanquablement se prosterner, conséquence d’un freinage mal calibré. Là au moins, il y a généralement la place – mais pas toujours – pour s’en sortir sans mal. Puis il y a Beau Rivage, le gauche interminable de Massenet, la droite du Casino, Mirabeau, le Grand Hôtel, le Portier qui mène au tunnel, la nouvelle chicane, le Bureau de tabac, la Piscine, la Rascasse et enfin Antony Noghès qui lance la ligne droite de départ. Cet enchaînement de 3,3 km, les pilotes se le sont offert encore et encore, vendredi, au gré des deux séances d’essais libres du Grand Prix de Monaco dont le départ sera donné dimanche à 15 heures. « C’est le circuit sur lequel on tente de passer le plus de temps en piste lors des essais libres afin d’habituer notre cerveau à cet enchaînement qui demande une concentration sans faille », explique Alex Albon qui, vendredi en 1ère séance, a bouclé la bagatelle de 39 tours chronométrés en passant ainsi un peu plus de 54 minutes hors de son box. Rien à voir avec ces vendredis où l’on attend parfois 15 ou 20 minutes avant de voir la première monoplace montrer le bout de son museau. Alors que les essais libres (une 3e séance aura lieu ce samedi à 13 heures, et la qualif 3 heures plus tard) servent généralement aux ingénieurs pour peaufiner les réglages préétablis, à Monaco, on laisse un peu plus de temps aux pilotes afin qu’ils s’aguerrissent aux subtilités de ce tracé millimétré, tellement différent de ces circuits modernes ceinturés de mers d’asphalte qui pardonnent tant de fautes. « Ici plus qu’ailleurs, on n’a pas le droit à l’erreur, car qu’elle survienne aux essais ou en course, elle sonne souvent le glas d’un bon résultat », se souvient David Coulthard, double vainqueur du Grand Prix de Monaco (2000-2002). Cette vérité, les deux pilotes qui se disputent la tête du championnat du monde cette année, y ont goûté durement. L’année dernière, Charles Leclerc pensait pourtant avoir enfin vaincu le signe indien quand il avait signé la pole position sur « son » circuit de Monaco sur lequel il a toujours connu la poisse. L’an dernier donc, il avait signé la pole provisoire, mais avait ensuite touché ce rail à la sortie de la Piscine. Un millimètre peut-être, ou même moins : assez pour endommager sa suspension avant droite, perdre tout contrôle sur sa monoplace, et aller échouer, impuissant, dans le rail suivant ! « J’ai voulu essayer d’améliorer mon temps, car je me disais que Max était en mesure d’aller plus vite. Et puis j’en ai fait trop, c’est tout ! » Ferrari allait ensuite faire le pari de ne pas remplacer la boîte de vitesses, sans doute touchée dans le choc, pour éviter d’écoper de 5 places de pénalité. Le verdict du tour de mise en grille fut bien plus cruel : boîte endommagée, impossible de rouler ! Nouvelles voitures Max Verstappen, lui, en a tâté du rail à Monaco ! Dès sa première année (2015) à Sainte-Dévote, puis l’année suivante en qualif et en course, et surtout en 2018, quand il s’est loupé à Massenet lors de la dernière séance libre, que ses mécanos n’ont pas le temps de réparer pour la qualif où son équipier Ricciardo signe la pole avant de remporter la course le lendemain ! Ses patrons ne le ménagent pas : « Max va devoir admettre qu’il n’est pas utile de rouler à fond tout le temps ! », s’emporte le peu délicat Helmut Marko. Plus tard, le principal intéressé admettra que cet incident aura « changé beaucoup de choses dans mon approche… » Cette année, certains redoutaient cependant qu’aborder l’exercice de ce délicat seul-en-piste serait encore plus périlleux au volant des nouvelles monoplaces, plus lourdes, aux ailerons avant plus larges, et au sous-virage accentué par la nouvelle donne aérodynamique. Sans oublier des roues qui sont plus hautes de 6 cm par rapport à l’année dernière, et limitent encore un peu plus la visibilité au moment de viser la corde des virages. « Je ne pense pas que ce sera plus délicat », estimait Charles Leclerc, tandis que Pierre Gasly est venu appuyer le propos en disant que « dans les enchaînements rapides de Djeddah, cela n’a pas été un plus gros challenge que l’an dernier. Donc, ça devrait aller. » Vendredi, seul Daniel Ricciardo est venu tempérer cet optimisme en perdant le contrôle de sa McLaren à la Piscine. Ce samedi cependant, l’exercice promet malgré tout d’être plus périlleux que partout ailleurs. Car en plus de la traditionnelle lutte contre le temps, il faudra aussi remporter la Bataille du rail !

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