Festival de Cannes: les critiques des films en lice pour la Palme d’or

R.M.N., de Cristian Mungiu **** Le pitch. Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal, multiethnique, de Transylvanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il s’inquiète pour son fils, Rudi, qui grandit sans lui, pour son père, Otto, resté seul et il souhaite revoir Csilla, son ex-petite amie. Quand l’usine que Csilla dirige décide de recruter des employés étrangers, la paix de la petite communauté est troublée, les angoisses gagnent les adultes. Les frustrations, les conflits et les passions refont surface, brisant le semblant de paix dans la communauté. Ce qu’on attend. Palme d’or en 2007 avec son deuxième long-métrage 4 mois, 3 semaines, 2 jours, Prix du scénario pour Au-delà des collines en 2012 et Prix de la mise en scène en 2016 pour Baccalauréat, le Roumain Cristian Mungiu revient en Compétition avec un long métrage qui évoque l’acceptation de l’autre dans le microcosme très codifié et défiant envers l’étranger d’un petit village. Ce qu’on en pense. Au centre du film, il y a un magistral plan-séquence de près de dix minutes montrant des habitants d’un village de Transylvanie qui s’affrontent verbalement sur l’acceptation ou non de trois travailleurs étrangers. Ils ont réussi à chasser les Roms et les voici face à trois braves Sri-lankais engagés dans la boulangerie industrielle du coin car elle ne trouve pas de main d’œuvre locale. La plupart des villageois travaillent en Allemagne, donc sont eux-mêmes des étrangers sur leur lieu de travail. Mais il y a étrangers et étrangers et les trois Sri-Lankais semblent porteurs de tous les maux. Cette scène contient la bêtise humaine, la peur de l’étranger, le rejet de l’Europe, le racisme, la crise économique et sociale. Elle interroge la question identitaire et montre comment l’effet de masse peut devenir un danger. Elle dit aussi à quel point la Roumanie est écartelée entre traditions et modernité. Malgré un héros pas nécessairement attachant, une fin qui laisse perplexe et des digressions surnaturelles, R.M.N. a tout d’un grand film qui tend un miroir aux pays de l’Union européenne de plus en plus tentés par le repli sur soi, laissant gonfler la xénophobie ordinaire. La haine monte en puissance partout et pendant ce temps, le vieux se suicide et l’enfant devient muet. Les Amandiers, de Valeria Bruni-Tedeschi ** Pitch. Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies. Ce qu’on attend. En compétition en 2021 comme actrice dans La Fracture, de Catherine Corsini, Valeria Bruni-Tedeschi entre pour la première fois en lice pour la Palme d’or en tant que réalisatrice. Et ce, avec son cinquième long métrage qui raconte son expérience auprès de Patrice Chéreau et son école de théâtre qu’il dirigea dès 1982. Ce qu’on en pense. Les traits de la jeune Nadia Tereszkiewicz sont d’évidence ceux fictionnels de Valeria Bruni-Tedeschi jeune, et sa manière fiévreuse de jouer, toujours au bord du précipice, souvent proche de l’hystérie, lui colle effectivement bien à la peau. Valeria Bruni-Tedeschi se souvient du temps où elle fréquentait l’école d’acteurs créée en 1986 par Patrice Chéreau et Pierre Romans au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Ce temps de l’absolue envie d’aimer et de jouer. L’actrice-réalisatrice qui a réuni une jolie brochette de jeunes comédiens (d’où émerge le ténébreux Sofiane Bennacer, très charismatique) filme les élans de cette jeunesse habitée par sa passion, tourmentée par les sentiments, confrontée à la peur du sida et vouée à cette famille de travail. La figure de Chéreau, sous les traits de Louis Garrel qui l’incarne en multipliant tics et mimiques sans parvenir à communiquer toute l’envergure du personnage, est présenté dans ce qu’il pouvait représenter d’iconique, de moderne, de révolutionnaire aux yeux de toute une génération de comédiens, avec ses complexités, ses coups de sang et ses défauts. Dans une énergie joyeuse, le film rattrape des souvenirs qui reprennent vie joyeusement. Et au final, on a l’impression d’avoir vu une tranche de vie dont le décor est les Amandiers. Holy spider, de Ali Abbasi ** Pitch. Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s’apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue. Ces crimes seraient l’œuvre d’un seul homme, qui prétend purifier la ville de ses péchés, en s’attaquant la nuit aux prostituées. Ce qu’on attend. En 2018, son très original Border lui avait valu le Prix Un Certain Regard. Le voici en compétition avec une enquête sur une série de féminicides au cœur de l’Iran. Ce qu’on en pense. Installé au Danemark depuis vingt ans, Ali Abbasi revient en Iran pour raconter l’histoire d’un père de famille au-dessus de tout soupçon qui élimine les prostituées au nom d’Allah pour purifier la ville. La dynamique du film n’est pas dans la quête du serial killer mais bien dans les entraves que la journaliste rencontre dans son enquête parce qu’elle est une femme dans un monde d’hommes, parce qu’elle doit se confronter au pouvoir des religieux. Ali Abbasi a fait le choix discutable de montrer les féminicides mais quand c’est le fils du tueur, fier de la démarche de son père, qui raconte les meurtres de ces femmes dispensables, il glace le sang et démontre concrètement les racines de l’intégrisme naissant. Decision to leave, de Park Chan-wook *** Pitch. Hae-Joon, détective chevronné, enquête sur la mort suspecte d’un homme survenue au sommet d’une montagne. Bientôt, il commence à soupçonner Sore, la femme du défunt, tout en étant déstabilisé par son attirance pour elle. Ce qu’on attend. Grand Prix en 2004 pour Old Boy et du Prix du Jury en 2009 pour Thirst, Ceci est mon sang, le Sud-Coréen Park Chan-wook revient en Compétition six ans après Mademoiselle, avec un film hitchcockien où se mêle polar et romance maudite. Ce qu’on en pense. Le crime était presque parfait. Park Chan-wook abandonne l’ultra-violence mais garde son sens de la tension dans le récit à partir de la fascination entre un flic méthodique et une veuve intrigante. Il y a quelque chose d’hitchcockien dans tout cela. Le jeu du chat et de la souris qui s’opère entre eux tout au long du film est mis en scène avec maîtrise et élégance. Park Chan-wook ne va pas plus loin que ça mais là où il est, c’est presque parfait. Boy from Heaven, de Tarek Saleh **** Pitch. Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays. Ce qu’on attend. Après avoir décortiqué les prémices de la révolution égyptienne de manière haletante dans Le Caire confidentiel en 2017, Tarik Saleh est présent pour la première fois en Compétition. Cinéaste, journaliste et plasticien suédois, il retourne en Égypte pour y décrypter les ficelles politiques et religieuses qui dirigent la plus grande université du pays. C’est Le nom de la rose, d’Umberto Eco qui lui a inspiré cette histoire. Ce qu’on en pense. Tarek Saleh fait un cinéma haletant et passionnant. Pour évoquer les tentatives d’emprise du pouvoir sur la célèbre université islamique Al-Azhar lors de l’élection du prochain grand Iman, il signe un thriller d’espionnage en milieu religieux avec infiltration, manipulation, complot, trahison. La mise en scène est efficace, le jeu des acteurs, dont celui du jeune Tawfeek Barhom, parfait et le film offre des scènes d’une grande beauté graphique qui souligne le sacré du lieu. On plonge au cœur de luttes intestines au nom du pouvoir et de la religion. Eo (Hi-Han), de Jerzy Sholimowski **** Pitch. Le monde est un lieu mystérieux, surtout vu à travers les yeux d’un animal. Sur son chemin, EO, un âne gris aux yeux mélancoliques, rencontre des gens bien et d’autres mauvais, fait l’expérience de la joie et de la peine, et la roue de la fortune transforme tour à tour sa chance en désastre et son désespoir en bonheur inattendu. Mais jamais, à aucun instant, il ne perd son innocence. Ce qu’on attend. Auteur d’une trentaine de films, primé à Cannes (Moonlighting, Prix du Scénario en 1982 et The Shout, Grand Prix Spécial du Jury en 1978), Jerzy Sholimowski réalisa son premier film à l’ouest du Rideau de fer en Belgique. Le départ remporta l’Ours d’or au Festival de Berlin en 1967. Le cinéaste polonais de 84 ans n’avait plus tourné depuis 2015. Son nouveau film Eo est un hommage à Au hasard Balthazar (1966) de Robert Bresson, le seul qui l’a profondément bouleversé. Ce qu’on en pense. Le monde vu à travers le regard d’un petit âne gris arraché à sa jolie écuyère à cause de militants anti-animaux de cirque. C’est pas joli, joli toute cette bêtise humaine. Dans ce monde chaotique, ce sont les hommes qui sont des bêtes. Le Polonais offre des plans magnifiques, tantôt psychédéliques, tantôt renvoyant à la naissance du cinéma. Dans la sélection cannoise, ce film fait office d’OVNI. Petit plus. Victime d’une chute et forcé au repos, le réalisateur n’a pu être présent à Cannes et s’est exprimé dans une courte vidéo diffusée lors de la conférence de presse. Leila’s Brothers, de Saeed Roustaee *** Pitch. Leila a dédié toute sa vie à ses parents et ses quatre frères. Très touchée par une crise économique sans précédent, la famille croule sous les dettes et se déchire au fur et à mesure de leurs désillusions personnelles. Afin de les sortir de cette situation, Leila élabore un plan : acheter une boutique pour lancer une affaire avec ses frères. Chacun y met toutes ses économies, mais il leur manque un dernier soutien financier. Au même moment et à la surprise de tous, leur père Esmail promet une importante somme d’argent à sa communauté afin d’en devenir le nouveau parrain, la plus haute distinction de la tradition persane. Peu à peu, les actions de chacun de ses membres entraînent la famille au bord de l’implosion, alors que la santé du patriarche se détériore. Ce qu’on attend. C’est le troisième long métrage du cinéaste iranien de 32 ans qui a marqué les esprits et rencontré le succès avec La loi de Téhéran, sur la lutte contre les trafics de drogue en Iran. Ce qu’on en pense. Près de trois heures (c’est long) dans des vies de misère, entre traditions, politique en place et sanctions internationales. La famille pourrait être le refuge, le fait est qu’elle est tiraillée. Le poids du patriarcat est pesant tout comme les vieilles traditions. Le chômage plombe des vies. La réalité est désespérée et désespérante. Seule à y faire face une sœur courage qui tente de garder tout le monde (ses quatre frères au chômage) la tête hors de l’eau en s’opposant aux décisions du vieux père. Le cinéaste ouvre le film avec une scène d’arrêt d’usine puissante et à partir de là, il ne lâche rien et décrit de manière implacable son pays miné de l’intérieur comme de l’extérieur. Broker, de Kore-Eda Hirokazu **** Le pitch. Par une nuit pluvieuse, une jeune femme abandonne son bébé. Il est récupéré illégalement par deux hommes, bien décidés à lui trouver une nouvelle famille. Lors d’un périple insolite et inattendu à travers le pays, le destin de ceux qui rencontreront cet enfant sera profondément changé. Ce qu’on attend. Sixième en Compétition pour le Japonais Kore-Eda Hirokazu, lauréat de la Palme d’or en 2018 pour son drame familial Une affaire de famille, Prix du Jury en 2013 pour Tel père, tel fils, et Prix d’interprétation masculine à Yūya Yagira en 2004 pour Nobody Knows. Ce qu’on en pense. Kore-Eda a fait de la famille le centre de ses préoccupations de cinéaste et le regard qu’il pose sur les enfants, les marginaux, les laissés-pour-compte est d’une justesse implacable et d’une bienveillance bouleversante. Broker s’inscrit totalement dans la veine de Une affaire de famille et signe magnifiquement de retour avec cette histoire émouvante qui décline son thème de prédilection en partant du phénomène des « baby boxes », qui permettent d’abandonner son bébé tout en sachant qu’il va être pris en charge. Initiative qui a vu le jour à Séoul en 2010 à l’initiative d’un pasteur. C’est tragique mais plein de grâce. Si le cinéaste japonais plante son histoire en Corée, il ne perd rien de sa force narrative et émotionnelle pour décrire ses personnages (deux petits voyous, un gamin, une prostituée et son bébé) confrontés à l’abandon, à l’adoption, au lien familial. Pétri de bienveillance mais aussi plein d’humour et de pertinence sociale, Kore-Eda les suit dans leur débrouille maladroite pour garder la tête hors de l’eau, nous embarque avec eux et dit beaucoup de la misère sociale des sociétés asiatiques performantes. On ne dirait certainement pas non de voir l’acteur coréen Song Kang-ho, mémorable dans Parasite, de Bong Joon-ho, recevoir un Prix d’interprétation. Nostalgia, de Mario Martone ** Pitch. Près 40 ans d’absence, Felice retourne dans sa ville natale : Naples. Il redécouvre les lieux, les codes de la ville et un passé qui le ronge. Ce qu’on attend. Evoluant dans l’ombre de cinéastes italiens beaucoup plus en vue comme Nanni Moretti et Marco Bellochio, Mario Martone, qui est aussi homme de théâtre et d’opéra, vient dans la lumière internationale avec cette sélection en compétition. Mais il tourna son premier film, Mort d’un mathématicien napolitain, en 1992. Ce qu’on en pense. Le film nous emmène dans les petites rues de la Sanità, un quartier très particulier de Naples, où la criminalité s’invite régulièrement. Il y a un côté documentaire dans sa façon de nous présenter les lieux et les habitants. Il y a les couleurs, les atmosphères, les odeurs, la jeunesse désœuvrée, le prêtre militant et la camorra jamais très loin. On déambule avec le personnage qui repart sur les pas de sa jeunesse. Labyrinthe de souvenirs, d’histoires vécues et de remords. On regarde le personnage s’y perdre. On est invité à partager des moments intimes touchants comme lorsque Felice prend sa mère dans ses bras pour la baigner, la laver. Puis on bascule dans une atmosphère moins douce quand Felice veut retrouver son ami d’enfance devenu un caïd cruel redouté par tous. On se dit que Pierfranceso Favino, vu notamment dans Le traite, est un immense acteur. Un petit frère, de Léonor Serraille * Pitch. Rose, d’origine ivoirienne, arrive en France et emménage en banlieue parisienne avec ses deux fils, Jean et Ernest. Construction et déconstruction d’une famille, de la fin des années 80 jusqu’à nos jours. Ce qu’on attend. Remarquée dès son premier long métrage, Jeune femme, retenu dans la section Un Certain Regard, lauréat de la Caméra d’or en 2017, la cinéaste française formée à la Fémis se retrouve en compétition avec son deuxième film. Ce qu’on en pense. On sent tous les intentions du film qui s’articule en chapitre, veut dessiner le portrait de chaque personnage, veut parler de la nécessité de vivre intensément, de la solitude et du sentiment de se sentir légitime, du mal du pays, de la difficulté de grandir et de se confronter aux réalités. Le film traverse le temps et les époques, de 1989 à nos jours. Léonor Serraille nous rend complice de cette mère et ses deux fils arrivés en France pour mieux vivre mais elle a du mal à dominer son sujet, perdant le fil ici, le récupérant là et ne parvenant jamais à avoir la rigueur de ses ambitions. Dommage car les acteurs, Annabelle Lengronne en tête dans le rôle de la mère, vivent tous intensément leur personnage. Pacifiction, de Albert Serra * Pitch. Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l’État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français. Ce qu’on attend. Le réalisateur espagnol qui présenta La mort de Louis XIV en séance spéciale à Cannes en 2016 avait obtenu le Prix spécial du jury Un certain Regard avec Liberté en 2019. Le voici en compétition avec un thriller exotique mené par Benoît Magimel dans le costume d’un haut-commissaire, et Sergi López dans la peau d’un patron de boîte de nuit miteuse. Ce qu’on en pense. Albert Serra a choisi un décor de rêve pour parler d’enjeux contemporains, se référant à la politique nucléaire de la France dans le Pacifique, ce qui lui permet aussi de montrer que le rapport colon/colonisé est bien loin d’être mort. On pourrait se croire dans un tableau de Gauguin dans sa représentation du « bon sauvage », avec ces relents d’époque coloniale. Ce sentiment étrange est amplifié par un autre, celui de la fin du monde. Et cette noirceur contraste avec la beauté naturelle de l’île. Il y a quelque chose de profondément sociologique dans ce film avec ses ambiances moites, glauques, néocoloniales et mystérieuses. Mais le parti pris de faire jouer de façon monocorde toutes les scènes qu’il tire en longueur plonge le spectateur dans l’ennui même si le tableau est travaillé, pensé, magnifié. On sort épuisé mais on n’est pas loin de croire que c’était la volonté du réalisateur et la réussite du film. Showing up, de Kelly Reichardt * Pitch. Avant le vernissage de son exposition, le quotidien d’une artiste et son rapport aux autres. Le chaos de sa vie va devenir sa source d’inspiration. Ce qu’on attend. Treize ans après Wendy et Lucy, sélectionné au Certain regard, la réalisatrice américaine est en compétition pour la première fois et y emmène Michelle Williams. Figure du cinéma américain indépendant depuis River of Grass (1994), elle signe là son neuvième long métrage. Ce qu’on en pense. Kelly Reichardt donne l’impression d’avoir digéré maintes fois la Jeanne Dielman de Chantal Akerman et d’en donner sa version en remplaçant la thématique du quotidien par celle de l’art et ses tourments. Elle transforme son actrice fétiche, Michelle Williams, en artiste tourmentée, préoccupée par son exposition à venir et l’absence d’eau chaude à cause d’une panne de chauffe-eau. Avec un look de vieille fille, concentrée sur ses gestes et son obsession, Michelle Williams assure face à la matière et aux petits aléas de son existence. Kelly Reichardt qui prête autant d’attention à la sculptrice qu’à un pigeon blessé, défend l’art comme refuge avec un humour minimaliste et une approche acerbe. On est bien d’accord et pourtant, on en sort déprimée. Star at noon, de Claire Denis * Pitch. Une jeune journaliste américaine en détresse, bloquée sans passeport dans le Nicaragua d’aujourd’hui en pleine période électorale (Margaret Qualley), rencontre dans un bar d’hôtel un voyageur anglais (Joe Alwyn). Il lui semble être l’homme rêvé pour l’aider à fuir le pays. Elle réalise trop tard qu’au contraire elle entre à ses côtés dans un monde plus trouble, plus dangereux. Ce qu’on attend. En Compétition en 1988, dès son premier film Chocolat, Claire Denis s’impose depuis plus de vingt ans avec un cinéma très personnel questionnant à l’infini les relations humaines. Son quinzième long métrage n’y échappe pas mais sans Robert Pattinson. Ce qu’on en pense. Liaison passionnelle et peut-être dangereuse dans une atmosphère moite, poisseuse. Claire Denis adapte le roman « Des étoiles à midi » de l’écrivain et poète Denis Johnson et en fait un thriller amoureux u cœur d’une guerre civile, celle de la révolution sandiniste nicaraguayenne de 1984. La belle Américaine Margaret Qualley (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019) et le Britannique Joe Alwyn (La Favorite, 2018), tous les deux troubles et troublants, enchaînent les scènes « torrides ». C’est bien incarné mais répétitif, lassant. On a du mal à s’intéresser à eux, on a du mal à s’inquiéter pour eux, peut-être tout simplement parce que l’ensemble ne dit pas grand-chose et ennuie.

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