Le Mont-de-Piété bat des records de prêts

Deux colonnades en pierre traversent la salle des guichets. Face aux différents comptoirs, plusieurs vitrines contiennent des bijoux et une peinture à vendre. Assises sur un banc, deux personnes attendent leur tour. « En réalité, cela ne désemplit pas. Le flux est continu et il y a toujours quelqu’un qui arrive », explique Sandrine*, experte au Mont-de-Piété. Voilà une dizaine d’années que cette ex-bijoutière travaille au sein de cette institution financière. Le Mont, qui dépend de la Ville de Bruxelles, propose un service unique en Belgique : le prêt sur gage. Concrètement, les particuliers peuvent troquer un bijou, une bouteille de vin, un sac de marque ou encore leur vélo contre une somme d’argent. Le procédé doit aider à parer à un besoin urgent de liquidités. Ce jour-là, Sandra* et Lisa* viennent ainsi pour des raisons médicales. « On échange un peu d’or pour payer l’implant dentaire de ma belle-fille. Moi, je suis déjà venue pour mon loyer », explique la première. Le Mont-de-Piété, qui existe depuis 400 ans, n’a jamais prêté autant d’argent qu’actuellement, explique son directeur général, Etienne Lambert : « Notre encours s’élève à 24 millions d’euros. C’est historique. » Echelonner la dette Le montant total des prêts a bondi ces dernières années. De 20,4 millions en 2015, le chiffre est passé à 21,6 millions en 2016, 22,5 en 2019 et 23,1 en 2021. « On remarque que les mouvements de notre activité sont très peu prévisibles d’une manière générale. Notre expérience est que les crises ont plutôt un effet retard sur les prêts chez nous. La hausse ici est donc probablement un reliquat de la crise du covid plutôt que de celle du pouvoir d’achat, qui va venir plus tard », indique Etienne Lambert. Le taux de récupération des biens par leurs propriétaires a, lui aussi, tendance à augmenter. Il tourne aujourd’hui autour de 95 %. L’objectif du Mont n’est certainement pas de vendre le bien mais de rendre service, souligne son directeur général. « On a mis en place une série de dispositifs pour que les gens ne perdent pas leurs gages. On sait qu’engager des bijoux n’est pas neutre pour les gens. Ce sont des objets auxquels ils tiennent. Ils ont donc envie de les récupérer en général. Du coup, on leur envoie un rappel avant le terme de l’échéance. On leur propose aussi d’échelonner leur dette sur six mois plutôt que tout payer à la sortie. » 70 % de la valeur du bien Comment se déroule une opération au Mont-de-Piété ? Le particulier intéressé passe d’abord au guichet « expertise ». Il présente à l’employé l’objet qu’il souhaite mettre en gage. La valeur peut s’avérer faible. « Le plus petit prêt débute à 30 euros. En moyenne, le chiffre monte à 700 euros », explique le président de l’institution, Jean-Louis Péters (Défi). Le prêt n’excède pas 70 % de la valeur du bien. Le Mont veut s’assurer de récupérer le montant en cas de revente afin que le particulier ne se retrouve pas endetté. L’organisme bruxellois, qui exerce une activité à but non lucratif, possède deux sources de revenus. « Notre activité est financée pour le moment à 82 % par nos intérêts et à 18 % par nos frais de vente », explique Etienne Lambert. L’institution octroie les prêts pour une durée de six mois à un taux de 6,5 %. L’emprunteur peut toutefois récupérer l’objet mis en gage quand il le souhaite. Le taux effectif se calcule au prorata de la durée réelle du prêt. « On a des gens qui viennent gager une petite bague pour boucler la fin du mois et qui la récupèrent quelques jours plus tard en payant quelques cents d’intérêt. » Reste à voir l’impact des crises de l’énergie et du pouvoir d’achat sur la future activité du Mont-de-Piété. Le covid a en tout cas certainement joué un rôle dans la récente hausse des montants prêtés. « L’an dernier, notre encours est monté de 7 % et, rien que sur le mois d’avril, on est monté de 3 %. Ces augmentations sont significatives. » * Prénom d’emprunt

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