Législatives françaises: «Une majorité relative peut être bénéfique pour la démocratie» (ULB)

Le premier tour de ces législatives montre un président français affaibli par rapport à 2017. Awenig Marié est chercheur au Centre d’études de la vie politique (Cevipol) à l’ULB et fondateur du Datan, un site qui suit l’activité parlementaire française. [scald=29182252:sdl_editor_representation] L’Assemblée nationale a-t-elle repris du pouvoir ? L’Assemblée nationale a un pouvoir assez limité si on compare le parlement français avec d’autres en Europe. Mais il faudra attendre les résultats finaux pour mieux comprendre les rapports de force. Cette question pose aussi celle du regain d’intérêt pour les élections législatives. Il est difficile d’apporter une réponse définitive mais elles sont souvent considérées comme des élections de second ordre, qui visent à valider le choix déjà fait lors de la présidentielle. Les enjeux sont aussi assez faibles. Depuis 2002, on a toujours eu une Assemblée nationale aux couleurs du président élu. Or, cette année, avec la dynamique de la coalition à gauche, il y a peut-être eu un regain d’intérêt de la part des médias pour ces élections. Le taux de participation est assez faible, mais les sondages s’attendaient à une abstention plus importante. Si Emmanuel Macron loupe la majorité absolue, il faudra imposer une culture de la négociation, que l’on connaît bien en Belgique. Mais la France est-elle capable de ça ? Construire des coalitions, trouver des points de consensus marche bien dans des systèmes comme la Belgique ou le parlement européen. Mais la France n’a pas du tout cette culture-là. La Ve République a été créée pour régler les couacs de la IVe et sa grosse instabilité. Dans cette Ve République, il est assez facile pour le gouvernement de travailler : il propose et le parlement dispose. Cela crée un niveau important d’insatisfaction pour des députés qui voient leur rôle amoindri. [scald=29182253:sdl_editor_representation] S’il n’y a pas de majorité absolue, le gouvernement devra nouer des accords (avec d’autres formations politiques, NDLR). Mais est-ce qu’il s’agira d’accords texte par texte ou d’une stratégie plus systématique avec un groupe particulier ? On ne le sait pas. Et la France n’est pas du tout habituée à ça. En cas de majorité relative, si cinq voix manquent à la majorité présidentielle, ce ne sera pas pareil que si 40 voix lui manquent. Le groupe LR (Les Républicains) pourrait être sollicité à droite, mais il ne donnera pas ses voix gratuitement. On peut émettre des doutes sur la facilité à adopter une nouvelle stratégie. Mais il faudra regarder la composition finale de l’assemblée. Emmanuel Macron peut-il adopter le même mode de gouvernement que lors de son premier quinquennat ? Les résultats d’une élection donnent une information de l’état de l’opinion. Et l’on voit qu’Emmanuel Macron n’est pas dans la même situation qu’en 2017, quand cette personnalité assez neuve était élue haut la main. Il avait quand même réussi à avoir une majorité absolue à l’Assemblée nationale, pour une formation politique toute neuve et sans ancrage local. En 2022, c’est totalement différent. Il a été moins bien élu lors du deuxième tour. Sur les plateaux télés, les instituts de sondage ne savent pas qui mettre en tête de ces législatives. C’est nouveau pour un président élu de voir ce doute au premier tour, il n’a pas du tout la même légitimité. Le rôle du parlement dans le système politique va être renforcé. Les députés auront aussi un rôle totalement différent. D’un point de vue d’observateur, ça ne peut être que bénéfique pour la démocratie et l’intérêt des citoyens dans le système politique. Pour que les citoyens ne voient pas seulement le parlement comme un lieu d’enregistrement des décisions prises à Matignon ou à l’Elysée. Se pose aussi la question de la loyauté au sein des groupes. Les Républicains, tiraillés entre différents courants, sont l’un des groupes qui a le taux de cohésion le plus faible (les députés du groupe ne votent pas toujours dans le même sens, NDLR). Si Macron va chercher des appuis sur sa droite, cela peut être compliqué. [scald=29182254:sdl_editor_representation] L’alliance de la gauche peut-elle tenir pendant cinq ans ? C’est un revirement par rapport à 2017. LR était la force d’opposition principale : ça ne sera plus le cas dans quelques semaines. Cela aura un impact sur les débats et les thèmes mis en avant. On aura un inversement du rapport de force complet dans le parlement. Comment va fonctionner cette coalition ? On n’en sait pas beaucoup. Sur certains thèmes, on voit les proximités idéologiques des socialistes, des Insoumis, des verts et des communistes. Mais ils ont aussi des points d’achoppement, qui ont pour l’instant été mis sous le tapis. Que va-t-il se passer autour de textes sur le nucléaire, par exemple ? Ou sur la politique internationale – même si sur ce point, ils ont l’avantage qu’elle ne soit que peu discutée à l’Assemblée nationale ? L’alliance peut fonctionner d’un point de vue parlementaire. Même si les stratégies de travail sont différentes, comme entre les socialistes et la France insoumise. [scald=29182255:sdl_editor_representation] Toutefois, ce qui se passe dans le parlement n’est pas ce qui se passe hors du parlement, avec des rapports de force médiatiques et des personnalités aux stratégies contraires. Avec des personnalités, des relations interpersonnelles parfois assez compliquées entre hommes et femmes politiques.

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