Un coup de patte magique pour lancer l’Euro français

Dimitri Payet est une énigme. Comment un tel artiste peut-il ne compter, depuis vendredi, que 20 sélections (et 4 buts) en équipe de France, alors qu’il a déjà 29 ans ? Le fait est que le Réunionnais s’est souvent cherché, et régulièrement perdu. Longtemps écorché vif, il a multiplié les dérapages, assenant un terrible coup de boule à… Blaise Matuidi voici quelques années lors d’un sulfureux Nantes – Saint-Étienne, se battant avec Valbuena à l’entraînement de l’OM, et taillant plusieurs fois Didier Deschamps dans les médias. Plus pragmatique que jamais, ce dernier l’a longtemps boudé mais l’a enfin rappelé en mars dernier, alors que plus personne ne le voyait à l’Euro. Mais, miné par les coups durs en cascade (blessures de Debuchy, Varane, Mathieu, Diarra et Fekir, suspension précipitée de Sakho pour dopage finalement non avéré, affaire de la sex-tape provoquant le burn-out de Valbuena et la mise au ban de Benzema), le sélectionneur des Bleus a craqué, devant son irrésistible ascension et ses stats stratosphériques (9 buts et 12 assists cette saison avec West Ham en championnat, 17 buts et 21 assists l’année d’avant avec Marseille). [scald=1273773:sdl_editor_representation] Assagi, apaisé, mort de faim, Payet est apparu vendredi comme le moins inhibé de bien pâles Bleus, offrant d’abord à Giroud son 8e but en 8 matchs, avant de délivrer tout un peuple à une minute de la fin, d’un somptueux tir du gauche filant dans la lucarne. Du très grand art, pour sauver une équipe poussive et toujours fébrile en défense, à l’image d’un Rami emprunté et d’un Evra concédant un penalty finalement sans conséquence. Les larmes de Dimitri Payet, devant la standing-ovation du Stade de France saluant sa sortie, faisaient chaud au cœur. Il s’en expliquait : « Mon émotion vient de mon travail, de mes sacrifices, et de la présence de ma famille, venue de la Réunion. J’ai directement embrassé mon fils. Ce sont des moments incroyables ! » Le nouveau Zidane des Bleus ? L’équipe de France tient-elle son Platini, qui l’avait menée sur le toit de l’Europe en 1984, ou son nouveau Zidane, qui l’avait fait monter plus haut encore en 1998, puis encore en 2000 ? Payet est Payet, tout simplement. Mais s’il peut soutenir la comparaison avec ses glorieux prédécesseurs, on cherche, vainement, en revanche, quelques molécules d’un Bossis, d’un Tigana, d’un Fernandez ; d’un Thuram, d’un Blanc, d’un Desailly, d’un… Deschamps, nécessaires points d’équilibre des grandes formations bleues du passé. La victoire inaugurale de vendredi ne doit pas, en effet, faire oublier le pauvre contenu d’un décevant match d’ouverture. Cette France-là n’est pas prête au combat contre l’Allemagne, l’Espagne, l’Angleterre ou… la Belgique. Bien sûr, la Roumanie était réputée solide, n’ayant encaissé que deux buts en éliminatoires. Mais, vendredi, son gardien a bien aidé les Bleus en loupant complètement sa sortie sur le but d’ouverture de Giroud, sur un centre de l’inévitable Payet. Et les Français ne doivent pas oublier que, s’ils ont battu un record vendredi, c’est celui du nombre de pertes de balles en une mi-temps : 96, en première période. leur pire total depuis… six ans ! Bref, il reste du boulot pour Deschamps et ses hommes. La faiblesse de leur poule (avec l’Albanie, qu’ils affronteront mercredi, et la Suisse), leur laisse le temps de continuer à se roder. Mais il faudra que le reste de l’équipe se hisse au niveau de Payet, qui ne pourra pas tout faire tout seul jusqu’au bout. A Didier Deschamps de trouver la bonne composition, les bonnes associations et, surtout, les bons mots pour fluidifier le jeu et consolider une défense qui continue d’inquiéter. S’il semblait avoir perdu sa légendaire patte de lapin au cours des derniers mois, entre les défections de tous ordres et les saillies incongrues de Cantona, Benzema and co, il pourrait bien l’avoir retrouvée vendredi. C’est Payet qui la lui a rendue, lui qui avait entamé sa carrière internationale le 9 octobre 2010 contre… la Roumanie, en offrant un but à Yoann Gourcuff. Celui-là même qui devait être le nouveau Zidane et ne joue plus que des bouts de matchs avec Rennes. A quoi tient le destin ? Payet est en train, en tout cas, de forcer le sien. Et peut-être celui de tout un pays…

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