Le psy: «Le covid est finalement ce que l’on maîtrise le plus»

Olivier Luminet est psychologue à l’UCLouvain, spécialiste des émotions collectives. Les chiffres repartent à la hausse. Le virus omicron BA-5 est peut-être moins anodin qu’il n’y paraît. De telles informations sont-elles à même de réveiller de façon disproportionnée nos angoisses ? C’est la troisième édition pandémique et cela devient compliqué pour les gens. A chaque fois, l’espoir de maîtriser les choses s’amenuise. Nous avons longtemps vécu dans un univers qui semblait contrôlable. Depuis, nous sommes entrés dans une période où se pressent les incertitudes : le covid, la crise climatique, la guerre en Ukraine. Chez certaines personnes, cela va générer une anxiété extrêmement importante. Or, il faut préciser que le covid est finalement ce que l’on maîtrise le plus, bien davantage aujourd’hui que lors des deux premières années, que cela passe par le vaccin ou les gestes-barrières. Il est important de communiquer dans ce sens. Les gens devraient être prêts à accepter de revenir vers une hygiène fréquente des mains et vers le masque dans les endroits fréquentés. Mais là, j’ai l’impression que les autorités lâchent trop facilement. Avec quels risques ? A l’automne 2020, la hausse des infections a croisé le relâchement des mesures. Cela a créé un épisode d’anxiété massive dans la population. Il faut rappeler au politique que « mesures strictes » n’implique pas automatiquement « désaveu des autorités ». L’essentiel réside dans l’explication. Quand la situation est comprise comme étant difficile, les gens sont prêts à faire un effort. Quand les gens voient que la situation s’améliore, ils sont demandeurs d’avoir plus de liberté, et il faut la leur accorder. Mais j’ai toujours l’impression que le politique a peur de mécontenter l’opinion et donc que, dès que c’est possible, il rouvre toutes les vannes. C’est méconnaître certains processus psychologiques. Prévoir, anticiper et garder ce fameux contrôle, ça rassure aussi énormément les gens. Chacun est capable de comprendre que le port du masque va peut-être permettre d’avoir un automne plus agréable que les deux précédents. C’est donc le moment de préparer psychologiquement la population ? Malheureusement, chaque fois que ça va mieux, les politiques ont tendance à se dire que c’est fini, qu’il faut passer à autre chose. Ce n’est pas vrai. Les dégâts sont là. Ils doivent être réparés dans des groupes très fragilisés. Il faut sortir du modèle classique qui veut que le psychologue n’arrive que quand des gens vont très mal. Il faut davantage de prévention, à l’école notamment. Pour éviter la démotivation scolaire, le risque de dépression et d’addiction. C’est le moment où le politique doit montrer qu’il prend en charge ceux qui sont vraiment mal – les files d’attentes actuelles sont inquiétantes et éloquentes. L’encadrement du décrochage scolaire, par exemple, est en souffrance. Il faut s’en préoccuper dès maintenant, dans ces moments d’accalmie, pour ne pas se retrouver encore une fois à prendre des mesures dans l’affolement général. De leur côté, les gens doivent aussi réaliser que le covid a changé la vie, qu’il va falloir vivre avec, mais que cela ne veut pas dire que leur existence sera pour autant mauvaise. Il faut créer quelque chose d’autre, où sont garanties les relations sociales, qui sont fondamentales, afin d’éviter le retour des mesures extrêmes comme le confinement de 2020.

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