Egypte: l’âpre combat de Sanaa Seif pour son frère Alaa Abdel Fattah

Sanaa Seif est en mission. Avec sa sœur Mona, elle se bat pour la libération de l’aîné de la famille, Alaa Abdel Fattah, 40 ans, en prison en Egypte et qui observe une grève de la faim depuis… 88 jours. Toute la famille est d’ailleurs mobilisée puisque leur mère, Laila, professeur de mathématiques, déploie depuis Le Caire tous les efforts possibles dans le même but. Invitée à Bruxelles par Human Rights Watch, Sanaa, monteuse et productrice de films, a déjà payé de sa personne. Au total, à 28 ans à peine, elle a déjà passé environ trois ans en prison. Sa dernière libération a eu lieu en décembre dernier après 18 mois d’incarcération. Tout cela parce qu’elle se bat pour son frère. Dont elle nous donne les dernières nouvelles. « Il a entamé sa grève de la faim le 2 avril. Il boit juste de l’eau avec une solution salée et un peu de miel. Soit 100 calories par jour au lieu des 2.000 nécessaires. Il avait obtenu un premier succès à la mi-mai en étant transféré dans une autre prison, que le régime présente comme un modèle. Il n’est plus seul en cellule et peut enfin dormir sur un matelas. Mais la lumière ne s’éteint jamais et il n’a droit qu’à 30 minutes de promenade par jour tout en étant privé de radio et de montre. » [scald=29225542:sdl_editor_representation] « Ma sœur a vu Alaa en prison, elle était dévastée » La dernière condamnation d’Alaa Abdel Fattah date du 20 décembre 2021 : cinq ans de prison ferme, sans appel possible. « Pour avoir relayé un post sur Facebook décrivant un cas de torture dans une prison, la même où ils l’ont ensuite envoyé et où il a été battu », rappelle Sanaa. « Ma sœur Mona l’a vu récemment, elle l’a trouvé comme anorexique et elle était dévastée. Elle a entamé une grève de la faim il y a 17 jours pour que la grève de son frère soit reconnue. » [scald=29225541:sdl_editor_representation] Parce que les autorités égyptiennes refusent d’admettre cette grève. Tout en étant incapables, malgré les caméras qui le filment 24 heures sur 24, de le montrer en train de s’alimenter. Depuis onze ans, ce militant laïque de la démocratie a passé la plupart du temps en prison, près de dix ans, de condamnation en condamnation. Comme si la tête du régime, le président Abdel Fattah al-Sissi, en faisait une affaire personnelle. Comme si son sort était scellé une fois pour toutes : pour l’exemple, il restera en prison à vie… Alaa, Mona et Sanaa ont obtenu la nationalité britannique en décembre 2021 grâce au fait que leur mère était née à Londres, il y a 65 ans. « Jusqu’ici on lui refuse les visites consulaires auxquelles il a droit de la part de l’ambassade de Grande-Bretagne, qui s’est mobilisée. Mais les choses bougent. La ministre britannique des Affaires étrangères en a parlé à la Chambre des communes pour la première fois le 21 juin. Liz Truss a assuré que son département travaillait durement pour obtenir la libération d’Alaa et qu’elle soulèverait son cas devant le ministre égyptien des Affaires étrangères qui sera bientôt à Londres. » « Bien sûr, je vais rentrer au Caire » Mais Sanaa Seif sait que le combat risque d’être long. « Je viens plaider la cause d’Alaa, ici, à Bruxelles, y compris auprès des autorités belges, dont Alexander De Croo, ministre des Affaires étrangères par intérim, et européennes, dont Charles Michel, président du Conseil européen. Nous savons bien que les dirigeants politiques ont d’autres priorités et que le gaz égyptien représente un enjeu, mais il y a urgence vu l’état de santé de notre frère. La prochaine Cop 27 (conférence sur le climat, NDLR) aura lieu en Egypte en novembre, et pour Le Caire, ce n’est pas tant le climat qui compte que la grande publicité internationale que cet événement incarne. Il y a déjà de nombreuses réunions pour préparer la conférence, il faut en profiter pour mettre les droits de l’homme en Egypte au menu. Le président Al-Sissi tient beaucoup à sa bonne réputation, parlons de ce sujet. Je suis persuadée qu’on peut garder de bonnes relations avec un pays tout en faisant pression pour les droits de l’homme ! » Malgré les risques personnels qu’elle encourt, Sanaa compte bien retourner prochainement au Caire. « Bien sûr, je vais rentrer ! Je n’ai pas le choix. Je ne peux m’empêcher de me battre pour la libération d’Alaa. Ils ne veulent pas de compromis ? Eh bien ! Alaa, lui, n’arrêtera pas sa grève de la faim. »

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