Comment la ville de Binche va accueillir le Tour de France

L’idylle entre Binche et le vélo n’en finit pas. Ce jeudi, le Tour de France s’élancera de la cité des gilles pour une étape qui conduira les coureurs à Longwy, 220 kilomètres plus loin. On ne parlera pas encore de routine, mais la petite ville hennuyère sait y faire : elle avait déjà accueilli la caravane et les champions en 2019, pour un départ d’étape également. Bis repetita en 2022, donc Depuis plusieurs semaines, Binche vit à nouveau au rythme de la Grande Boucle, le jaune est devenu partout la couleur dominante. Des silhouettes de cyclistes et des photos de champions d’hier et d’aujourd’hui s’affichent partout. Des animations originales, dont une « dictée du Tour », ont mobilisé les habitants, toutes générations confondues. Tout est prêt. Mais les autorités communales ont eu chaud, cette fois : le 10 juin, un incendie a gravement endommagé l’église de Récollets, à l’ombre de laquelle le peloton devait se mettre en route. Impossible de lui faire courir le moindre risque alors que l’édifice est en piteux état et qu’une polémique enfle sur la nécessité ou non de le restaurer. Cinquante mètres plus loin Le Tour 2022 s’élancera donc (départ fictif)… cinquante mètres plus bas, toujours à la rue Wanderpepen, mais à hauteur de la salle du Kursaal. Pour les coureurs, cela ne changera évidemment rien à la course. Mais l’anecdote nourrira le grand livre des souvenirs binchois consacré au cyclisme et au Tour de France en particulier. La ville entretient un lien particulier avec le vélo. En octobre dernier, alors qu’il révélait le parcours du prochain Tour, Christian Prudhomme, le patron d’ASO, n’en avait pas fait mystère : « Il y a un amour immodéré des Binchois pour le cyclisme », avait lancé le directeur de course sous l’oeil enamouré du bourgmestre Laurent Devin et de l’ancien député provincial Richard Willame, passionnés de vélo et chevilles ouvrières de ce rapprochement avec la Grande Boucle. Dans les années 1920 déjà, Omer Taverne était une vedette locale. Ses bons résultats le pousseront à s’inscrire au Tour comme coureur indépendant. Son palmarès mentionne deux victoires d’étapes en 1929 et 1930, au nez et à la barbe de Charles Pélissier, rien de moins. Les membres des cinq clubs cyclotouristes que compte aujourd’hui l’entité binchoise sont en quelque sorte les héritiers de ce héros d’un autre temps. Aujourd’hui, Binche peut être considérée comme une des capitales du vélo wallon, au même titre que Liège avec sa Doyenne ou Huy avec son Mur. La Flèche wallonne a pris son envol à deux reprises de la cité des gilles où les cyclistes de chez nous ont disputé un mémorable championnat de Belgique en 2018. Chaque année, la course Binche-Chimay-Binche attire les champions dans le sud du Hainaut. Et ce n’est pas fini : avant la fin de la décennie, la ville accueillera à nouveau des championnats de Belgique, à quatre reprises... En attendant, le nom de Binche est inscrit en lettres d’or sur le parcours du Tour 2022. Le bourgmestre Laurent Devin en est fier : « D’autres villes attendent cela pendant des années. Depuis 2019, nous entretenons d’excellentes relations avec Christian Prudhomme. Il y a trois ans, il nous avait annoncé 20.000 personnes pour le départ en cas de pluie et 40.000 par beau temps. Nous en avons accueilli 70.000 ! Le patron du Tour a été impressionné et ému. Nous avons à nouveau posé notre candidature. Il sait que Binche adore le vélo. » C’est peu de le dire : avec le soutien de la Wallonie, la ville va investir plus d’un million d’euros dans le maillage cyclable de son territoire. Les Binchois se passionnent aussi pour la compétition : le groupe Wanty-Gobert, dont le siège se situe à Péronnes-les-Binche, affiche ses couleurs sur les maillots d’une équipe professionnelle à succès, qui participe au Tour. Faire rayonner la ville « On peut parler d’alignement des planètes », confesse le maïeur. « Il y a à la fois le succès de 2019, notre expérience donc, notre politique favorable au vélo, mais aussi, avouons-le, le besoin qu’avaient les organisateurs de trouver un point de chute entre le nord et l’est de la France. Ils auraient pu choisir Maubeuge ou Jeumont. Ils ont préféré passer par la Belgique et nous étions sur leur route. » Dès mercredi, les Binchois devront s’accommoder de la présence du Tour. Des dizaines de milliers de personnes se rassembleront autour du village-départ et le long des premiers kilomètres du parcours. Avec à la clé, on s’en doute, des difficultés de circulation, de parking et une vie dans le centre-ville largement perturbée. Mais c’est pour la bonne cause, estime Frédérique Dever, la présidente de l’association des commerçants : « Le Tour est une excellente chose pour le rayonnement de Binche, notamment à travers la retransmission en télévision. Binche, ce n’est pas que le carnaval, c’est aussi une belle petite ville où les gens peuvent revenir ensuite. Cette semaine, c’est surtout le secteur Horeca qui va profiter de la présence de la foule. Mais la ville a mis des éléments de décoration à disposition de tous les commerçants. » Pour obtenir ce départ d’étape, Binche a déboursé au total 150.000 euros, intégralement subsidiés par la Région et la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il faut y ajouter les frais inhérents à une manifestation de cette ampleur : la police et les ouvriers communaux sont en première ligne, comme lors du carnaval. Mais le coeur y est : les pavés sont peints en jaune, les restaurants affichent complet. Le Tour de France, pour l’image et la réputation, cela n’a pas de prix.

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