Typhanie Afschrift: «J’ai toujours été une femme, enfermée dans un corps d’homme»

En poussant la porte du cabinet d’avocat « Afschrift Tax & Legal », on ne sait pas vraiment ce qui nous attend. La seule certitude : c’est qu’une interview est prévue avec Typhanie Afschrift, qui s’appelait jusqu’ici Thierry. L’incontournable avocate fiscaliste, grande habituée des médias, a changé de genre. Dès le 7 juillet, elle prendra le nom de Typhanie et souhaite raconter sa transition. [scald=29249494:sdl_editor_representation] Voilà à peu près tout ce que l’on sait, avant la rencontre. On ignore si les deux personnes de l’accueil, qui nous invitent à patienter dans le sas, sont au courant. On ignore si c’est déjà Typhanie qui sera en face de nous (l’interview a lieu le 5 juillet). On ignore si elle souffre ou si elle est heureuse, si sa famille la soutient… Puis elle arrive. Baskets blanches, petite robe à fleurs printanière, crinière blonde, rouge à lèvres auquel elle fait une petite allergie. Rayonnante, Typhanie Afschrift commence par nous transmettre sa nouvelle carte de visite et le recueil de ses « chroniques pour la liberté », signées de son nouveau prénom. S’ensuit une discussion animée d’une heure et demie, sans le moindre temps mort, où l’avocate se livre avec sincérité et humour, dans un registre bien moins austère que ses traditionnelles logorrhées fiscales. Vous dites « je suis une femme » ou « une femme transgenre » ? Je suis une femme. Si on me demande comment je le suis devenue, je réponds que je suis transgenre mais mon idée est que j’ai toujours été une femme enfermée dans un corps d’homme, et qui n’apparaissait pas, y compris à mes propres yeux. Je dois bien admettre que pendant longtemps, ce n’était pas quelque chose qui était évident pour moi, ce ne fut pas facile d’arriver à cette conclusion. Ce n’est pas une renaissance, c’est une libération. Mais c’est surtout pour moi une continuité : je suis la même personne. Pourquoi cette date butoir du 7 juillet ? C’est un choix familial, car vous vous doutez que ce sont des choses qui ne sont pas faciles du tout à gérer. J’ai eu quatre enfants, trois adoptés avec ma première épouse, le quatrième non adopté avec ma seconde épouse. Malheureusement, l’un d’eux est décédé il y a un an. Les deux grands, Nina (25 ans) et Henri (20 ans), m’ont donné un soutien extraordinaire quand je leur ai annoncé ma décision. C’était très stressant pour moi de leur dire, parce que c’était important de savoir ce que mes enfants allaient penser. Et ils m’ont soutenue de façon merveilleuse. J’ai mis beaucoup plus de temps à le dire à mon fils cadet, qui a 14 ans maintenant. Mon épouse n’avait pas envie qu’on le dise trop vite, en tout cas pas avant sa bar-mitsva. La cérémonie religieuse a eu lieu pour ses 13 ans. Mais on a dû reporter la partie festive à cause du covid. C’est une fête à laquelle les enfants de cet âge accordent beaucoup d’importance. Puis il faut savoir ce que ça représente : la bar-mitsva, c’est le père qui transmet la Torah, donc la position de chef de famille, à son fils. Mon épouse tenait beaucoup à ce que je ressemble encore à un père ce jour-là, et pas seulement que je me redéguise en homme pour l’occasion. J’ai trouvé ça normal. Ça fait des mois que j’attendais, je pouvais encore prolonger cette attente pour le bien de notre fils. Cette fête a fini par avoir lieu en octobre dernier. Puis de fil en aiguille, on s’est dit qu’il était préférable d’attendre la fin de l’année scolaire pour faire l’annonce. Il a pris les choses comme une non-nouvelle, pour lui cela paraît normal, il est peu disert sur le sujet, il faudra suivre. Il m’a vue une fois en femme, cela ne l’a pas du tout dérangé. Ici, il va me voir dans les journaux, il le sait. Ce 7 juillet pour moi, c’est un jour de fête. On a prévu un certain nombre de choses, comme un spaghetti avec les collègues de bureau. Vous êtes prête pour franchir ce cap ? Très franchement, oui. Grâce au fait que depuis cinq ans, j’ai déjà pu vivre une demi-vie entièrement en tant que femme épanouie en Suisse. Dans mon bureau de Genève, la plupart de mes clients n’ont jamais connu que Typhanie. Ils pensent peut-être en me voyant qu’il y a dû y avoir un Thierry avant (elle rit). Mais ça a été très important pour moi, cette forme d’adolescence : pouvoir vivre tranquillement en Suisse en tant que femme, sans avoir à régler trop de soucis familiaux, tout en vivant l’autre moitié du temps en Belgique, homme, avec ma famille. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir une transition pareille. J’ai eu le temps de m’adapter, petit à petit. J’ai lu plus de 100 livres sur les périodes de transition. La plupart ne marchent pas, ou se terminent dans des désastres avec des tentatives de suicide. Je n’ai jamais pensé à ça, moi. Je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis que je me sens femme. J’ai lu beaucoup de ces histoires, et souvent quand ça se passe mal, c’est parce que tout arrive brutalement, comme un énorme chambardement. Pouvoir le vivre doucement, avec des proches qui écoutent, c’est une chance. Il faut avoir quelqu’un dans le domaine médical ou psy, et au moins une personne qui vous appuie dans la famille. Vous vous sentez femme depuis toujours ? Ou c’est arrivé sur le tard ? Quand j’étais petite, j’avais un mal-être important. Je détestais mon corps. Mais je ne me suis pas dit que j’étais transgenre, parce que personne ne savait ce que c’était. Cette notion n’existait pas. Vers l’âge de 14-15 ans, j’allais très mal psychologiquement. J’aurais pu me suicider, tomber dans l’alcool ou la drogue. Mais je n’en parlais pas. Sans se rendre compte de rien, mes parents m’ont poussée à bien travailler. Ça a été une espèce de drogue, mais plus positive. Vous ne vous êtes jamais confiée, à l’époque ? Non. Pendant un certain temps, on a honte. Aujourd’hui, je suis fière et je suis heureuse, parce que j’ai passé le cap. Mais pendant beaucoup de temps, il y a un sentiment de honte : on ne peut pas dire qu’on a envie de s’habiller en fille. C’était pourtant ce que je voulais, mais j’avais l’impression que c’était honteux, que les parents n’avaient pas à savoir. Car la société n’acceptait pas cela. Mais l’évolution est énorme. Dans des pays comme la Belgique et la Suisse, on voit une acceptation du phénomène transgenre très importante. En Suisse, je n’ai jamais eu de soucis liés au fait que je suis transgenre, quels que soient les milieux fréquentés. L’acceptation a été totale. Quand comprenez-vous, pour la première fois, ce qui se passe en vous ? Petit à petit. Vers 20-25 ans, je me disais « pas de chance d’être né homme, j’aurais voulu être une femme ». Mais j’étais résignée. Puis quand on a commencé à parler de transidentité, je me suis documentée. Le sujet m’intéressait, mais je n’étais pas prête à passer le cap. Il y avait beaucoup de confusion autour de ces notions. Encore aujourd’hui, d’ailleurs. Certains croient que quand on est femme transgenre, c’est qu’on aime les hommes. Ce n’est pas mon cas, j’ai toujours aimé les femmes et je continue, ça ne change pas. Au départ, l’admissibilité était assez faible, aussi. Je sais qu’on peut toujours se battre contre tout, mais pendant longtemps, ça m’a paru quasiment insoluble car considéré comme ultra-marginal. J’aurais peut-être pu avoir plus de courage. Ça vous faisait peur ? Bien sûr qu’on a toujours peur, au début. On se demande si on est prête à complètement bouleverser sa vie. Il y a un moment où on raisonne… puis un moment où l’on ne raisonne plus. Quel a été le déclic ? Il y a six ou sept ans, je me suis réellement dit : « Est-ce que ça vaut la peine de devenir une vieille femme ? » J’ai pensé que c’était trop tard, vu mon âge. Et là, je me suis révoltée contre moi-même ! Il est toujours temps. Je ne voulais pas me sentir larguée, sans vie qui vaille la peine. Je voulais que ça bouge. J’ai rencontré une psychologue extraordinaire, Coralie Deladrière, à Bruxelles. Il fallait que ce soit une femme, c’était indispensable. La communication passait bien. C’est moi qui prenais les décisions, jamais elle. Mais elle m’ouvrait les portes, et je décidais de les franchir ou pas. Il y a eu un moment avec la psy – j’ai toujours cru que ça n’existait pas, ou alors seulement dans les films et les écrits de Freud – où tout s’éclaircit, où on arrive en ne sachant rien et où on ressort en ayant toutes les solutions. Je me souviens de la date précise et du lieu. C’était dans les anciens bâtiments d’Edith-Cavell, quand je passe là, j’ai encore un petit serrement au cœur. C’était fin 2017. On est quasiment aux cinq ans. Le courage est venu tout d’un coup ? J’étais déjà convaincue avant, mais pas convaincue que j’allais être capable d’arriver jusqu’au bout. Il y a quelque chose entre le penser puis le vivre vis-à-vis de tout le monde. Et là, je me suis rendu compte que le vivre seule dans son coin, ça n’avait pas beaucoup de sens. Comment vos parents ont-ils réagi ? Mon père est mort quand j’étais très jeune, donc lui n’a jamais su. Et ma mère est morte il y a quelques mois, mais elle avait un Alzheimer très poussé. Depuis cinq ans, elle ne me reconnaissait quasiment plus. Je me suis dit que je n’allais rien lui dire. Cela aurait été très égoïste. Moi, j’aurais eu une libération, car le dire à sa mère, c’est quelque chose de très important. Mais elle, soit elle n’aurait pas compris, soit ça lui aurait troublé l’esprit. Mais je l’ai dit à ma sœur, qui était enthousiaste. Votre maman ne se doutait de rien ? Je ne sais pas. Elle avait chez elle une photo de moi qu’elle adorait, quand j’avais deux ans, avec des superbes longs cheveux bouclés. Les gens qu’elle rencontrait disaient toujours « Oh la belle petite fille ! » Mais mon père n’aimait pas ça du tout. Elle m’a raconté avoir pleuré très fort le jour où elle a été obligée de me faire couper les cheveux… C’est l’époque où les femmes se soumettaient, ça ne va pas du tout (elle rit) ! Pendant toute ma vie, j’ai regardé ce tableau avec envie et regret. Il était à une place d’honneur dans son appartement, et chaque fois je le regardais, j’avais l’impression d’être déjà au féminin à l’époque, bien avant de m’être rendu compte de mon propre état. Comment votre épouse vit-elle cette situation ? Elle sait depuis le jour où j’ai été convaincue, à la sortie de ce rendez-vous chez la psy, que j’allais aller jusqu’au bout. Je trouvais normal de ne pas la mettre devant un fait accompli, de discuter avec elle de la façon dont ça se ferait. Cela a été une surprise pour elle ? Pas tellement, je crois. Mais je ne me sens pas en droit de parler à sa place, je respecte le fait que sa position est compliquée. Elle a un choix à faire, je préférerais de loin que nous restions ensemble mais la question n’est pas tranchée aujourd’hui. C’est pour elle que c’est le plus difficile. Pour moi, il y a le choc du changement mais je l’ai voulu et je vais vers une identité que je souhaite. Mais mon épouse, elle, se trouve dans un processus où il n’y a pas grand-chose à gagner. Elle a épousé un homme et on dirait en droit civil qu’il y a désormais un problème de conformité de la chose (elle rit). Vos enfants vous appellent « maman » ? Non. Je suis « papa ». Je resterai toujours « papa ». Leurs mères sont là. C’est leur place. Et mes choix n’ont pas à les priver d’un père. Je ne suis pas maman, même si j’ai toujours été très maternelle, pas très autoritaire avec eux. Mon fils Henri dit « ma papa ». En famille, vous avez votre apparence féminine ? A la maison toujours pas, car il y a le petit dernier. Par contre, quand je vais chez ma sœur voir mes neveux et nièces ou voir mes grands enfants – rouler à vélo avec mon fils en forêt –, je suis Typhanie. Au début, je m’interrogeais : Henri m’accepte mais va-t-il accepter vis-à-vis de tout le monde d’être avec « sa papa » ? C’est lui qui m’a dit « Tu ne vas pas te déguiser en homme maintenant ! » Vous avez subi une opération ? Non, j’ai préféré ne pas le faire. Je n’ai pas l’impression que ce soit vital. Mais je prends des hormones depuis plusieurs années. D’ailleurs, dans la conception moderne de transidentité, plus personne n’exige qu’il y ait une opération. Je sais qu’un certain nombre de transgenres se considèrent plutôt transsexuels, et tant qu’ils ont un organe sexuel mâle, ils sont hommes. Mais après, il reste quand même une prostate, des chromosomes… Moi je n’en voyais pas la nécessité. J’y ai sérieusement réfléchi. C’est une opération très très lourde, qui peut laisser des séquelles. Et je me suis dit que je n’allais pas prendre des risques aussi importants, qui pourraient gâcher le bonheur que je vis maintenant. On m’a toujours dit dans les organisations LGBT à Genève que c’était plus facile d’assumer la transition pour les transgenres FTM (Female To Male). Si on est une femme qui veut être un homme, on coupe ses cheveux, on change un peu de modèle de jeans et de t-shirt, on met les mêmes baskets et on doit seulement écraser sa poitrine si elle est trop opulente. Tandis que pour l’homme qui veut être une femme, il faut vraiment changer. Il y a d’abord l’énorme problème de la barbe : les poils continuent à pousser, les hormones aident un peu à réduire cette repousse, mais pas assez. Je n’en ai pas fini avec ça : il y a 6.000 poils de barbe sur le visage, il faut les enlever un par un. Le laser aide mais on ne peut le faire qu’une fois par mois. Il faut enlever les autres à l’électrolyse en les arrachant un par un. C’est ce que je fais mais pour en arracher 6.000, il faut le temps. Beaucoup d’hommes n’assument pas ces difficultés. Les hormones ont rendu votre voix plus aiguë ? Ma voix a toujours été plutôt féminine. La plus grave des voix féminines mais féminine quand même, ma mère me confondait toujours avec ma sœur au téléphone. J’ai vu des tas de médecins, y compris un ORL, qui m’a demandé si je voulais faire une opération. Mais avoir la voix de la Castafiore, ça ne m’intéresse pas. Surtout, c’est important que mes enfants me reconnaissent. Je suis la même personne. Donc je n’ai pas voulu la modifier. Par contre, j’ai fait une chose que j’ai toujours pensé être incapable de faire : chanter. J’ai vu une logopède qui m’a dit qu’on pouvait rendre la façon de parler plus féminine via le chant. Depuis lors, je suis des cours. Et je le fais avec beaucoup de tranquillité. J’ai toujours eu l’habitude d’une vie où l’on cherche la performance, où il faut gagner des procès. Et là, je chante juste pour moi et je suis contente, même si je sais que je ne ferai pas l’Olympia la semaine prochaine. Du lyrique ? Non. J’avais une envie folle d’apprendre La solitudine de Laura Pausini. Vous allez devoir nous chanter un extrait… Non, non. Ou en duo, alors (elle rit). J’adore cette chanson, qui n’est pas facile car elle monte à chaque couplet un niveau plus haut. Ça m’a pris six mois de parvenir au dernier degré. Mais j’y suis arrivée. Je voulais me sentir bien en chantant. C’est un nouveau plaisir que je ne connais que parce que je suis aujourd’hui dans mon identité. Vous vous découvrez d’autres caractéristiques ? Se sentir soi-même, c’est aussi renoncer à être obsédée par certains éléments qu’on m’avait inculqués : il faut être la meilleure, il faut se battre, il faut gagner. Ça a son importance dans la vie, je ne vais pas renier tout le reste et je continuerai à faire mon métier de la même façon. Mais il y a d’autres choses à côté, aussi. Et je le vois maintenant beaucoup mieux, parce que je suis moi-même. J’ai toujours eu l’impression, avant, que j’avais quelque chose à cacher. Sans savoir quoi. Dans ma relation avec les autres, j’avais l’impression que ce n’était pas entier, que je ne me livrais pas assez. Maintenant je me sens beaucoup plus à l’aise. Y a-t-il des choses que vous n’auriez pas faites si vous aviez vécu cette transition plus tôt ? Quand je me dis que j’aurais dû faire ça 40 ans plus tôt, j’arrive toujours à la conclusion que les choses ne se seraient pas passées de la même façon. Ça ne sert à rien de refaire l’histoire. Je suis heureuse dans ma situation, alors on ne va pas se poser plus de problèmes. Je n’ai pas de regrets. Vous disiez que jeune, vous n’aimiez pas votre corps. Ce sentiment a disparu ? Oui. On peut toujours rêver qu’il soit autrement. Avec les hormones, on espère avoir une belle poitrine, puis ça n’arrive pas nécessairement. On gagne un petit peu… puis c’est tout. Mais bon, il y a moyen d’être une femme sans être Pamela Anderson. Je préfère même ne pas l’être (elle rit). Des modèles féminins qui vous inspirent ? Il y a des modèles qui sont le genre de femmes que j’aime, mais ce n’est pas pour ça que je dois leur ressembler. Je veux être moi, pas le sosie d’Angelina Jolie. Je serai plus jolie en étant quelqu’un de libre. Un Hummer, la barbe, l’ours comme emblème de votre cabinet : tous des signes de virilité, non ? Je jouais un peu la comédie. C’était mes dernières tentatives de jouer le jeu de la virilité. J’en suis arrivé moi-même à un moment à cette conclusion. Pourquoi faisais-je cela ? Pourquoi j’avais cette barbe ? C’était tout un problème pour mon entourage que je la coupe, or elle était l’obstacle décisif à tout ce que je voulais faire. Impossible d’être une femme avec une barbe ! Quand je l’ai coupée, cela correspondait à la période où je rompais progressivement. Il fallait d’abord m’en débarrasser. Vous avez l’impression d’avoir fondamentalement changé ? Oui et non. J’ai changé pour l’extérieur. La plupart des gens qui me voient me disent que j’ai changé, pas seulement parce que je suis habillé autrement, mais parce que je suis beaucoup plus ouverte et que j’ai perdu le côté « avocate sévère ». Vieux ronchon ? Voilà, vous l’avez dit (elle éclate de rire). J’ai perdu ce côté vieux ronchon, effectivement, et je suis beaucoup plus ouverte à tout le monde, beaucoup plus sincère aussi. Cela a toujours été en moi, mais je n’osais simplement pas encore l’exprimer, il y avait une base de timidité que j’ai surmontée maintenant parce que je suis moi-même. Cela a demandé quelques efforts mais quand on les a faits, on se sent forte. Pourquoi « Typhanie » ? On ne fait pas toujours des choix cartésiens. Je voulais un prénom clairement féminin, pas Claude ou Dominique ou des prénoms qui créent la confusion : j’avais assez vécu dans la confusion moi-même. J’aimais aussi que ce soit un prénom qui se termine par « ie », car c’est féminin. J’avais aussi une petite préférence pour garder mon initiale. Cela permet de garder un peu de continuité et sur le plan professionnel, c’était plus simple. Cela m’a permis en Suisse de signer des conclusions « T. Afschrift » tant que le processus n’était pas encore tout à fait bouclé, tout en étant Typhanie pour les clients. Parfois, je me suis retrouvée devant un tribunal qui s’attendait à se trouver avec Thierry, car c’était l’inscription de départ, et était face à Typhanie. Cela s’explique facilement, mais quand on représente les intérêts de quelqu’un, ce n’est pas idéal de commencer par des questions qui portent sur l’avocat. J’ai donc opté très vite pour changer le prénom au niveau officiel. Vous avez changé d’état civil ? Pour l’instant, c’est encore Thierry. Mais j’ai bouclé toutes les démarches prévues par la loi belge. Et j’attends le changement au registre national. C’est une question de jours. Typhanie Samantha Marie, tout ça est acté. Je trouve d’ailleurs le système très intelligent. Il faut faire une première déclaration à l’administration communale, puis une deuxième au moins trois mois plus tard pour s’imposer un petit délai de réflexion. Je l’ai faite la semaine passée. Maintenant, il faut que la bureaucratie suive. Dans mon cas, l’administration de Rhode-Saint-Genèse doit obtenir le changement au registre national, qui me permettra d’obtenir la carte d’identité. Je pense que l’employé communal se trompe et qu’il ne me faut pas de nouveau numéro, car je suis la même personne, je ne deviens pas une femme, je suis une femme. Qu’est-ce que vous avez envie de dire à Thierry ? J’ai aussi été Thierry. J’étais déjà Typhanie quand j’étais Thierry. Thierry aurait peut-être pu se décider un peu plus tôt, pas quarante mais peut-être cinq ou dix ans plus tôt. Mais il faut faire les bonnes rencontres au bon moment, on ne choisit pas toujours, c’est fonction de tout un contexte. C’était plus difficile plus jeune. Je ne vais ni l’accuser ni lui trouver des excuses. Je ne condamnerai pas Thierry. Je pense que je suis à bon port maintenant, je suis arrivée à ce que je voulais. [scald=29250611:sdl_editor_representation]

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