11 milliards en 2100: combien d’habitants la terre peut-elle supporter?

Passer de 2,5 milliards d’humains en 1950 à 8 milliards cette année, puis à 9,7 en 2050 et près de 11 en 2100 : est-ce tenable ? Y a-t-il un nombre maximum de personnes que la planète peut supporter ? « Il faut d’abord s’entendre sur le concept de tenable : est-ce par rapport aux ressources naturelles disponibles ? A l’évolution climatique ? », s’interroge Marie Vandresse, démographe et économiste au Bureau fédéral du Plan. « C’est sans doute un ensemble de différents éléments. J’entends souvent le discours qui affirme que, pour sauver la planète, il faut faire moins d’enfants. Il semble évident que s’il y a moins d’habitants sur terre, ils vont moins consommer. Mais regardons par exemple l’Europe. Le taux de fécondité y est très faible (1,5 enfant par femme), mais les émissions de CO2 par habitant y sont extrêmement élevées. Si on ne touche pas à ces émissions, jusqu’où faudrait-il aller ? Vers un enfant par femme ? 0,5 ? Cela aurait peut-être un impact sur les émissions, mais serait-ce suffisant ? D’autant que des études ont montré que l’empreinte carbone augmente avec l’âge. » « Cette question clé du nombre d’habitants souhaitable a toujours intéressé les démographes qui ont fourni énormément d’estimations », enchaîne Bruno Masquelier (UCLouvain). « Mais c’est une fausse question, parce que ce nombre d’habitants “supportable” dépend évidemment du mode de vie des individus : alimentation, déplacement, etc. La terre s’accommode très bien d’un grand nombre d’individus ayant un mode de vie préindustriel. Mais c’est lorsque le mode de vie occidental se généralise que cela devient intenable : on dépasse déjà plusieurs des limites planétaires du système terre. » Mieux répartir les ressources Avec un problème majeur, celui des inégalités. « Ce n’est en effet pas tant le nombre absolu de personnes dans le monde qui compte que les inégalités d’accès aux ressources », ajoute Philippe Bocquier, docteur en démographie (UCLouvain). « Une partie du monde consomme énormément et gaspille alors qu’une autre partie peine même à se nourrir. Des progrès ont cependant été réalisés, mais ils restent fragiles : la crise en Ukraine a mis en lumière la dépendance d’une grande partie du monde aux importations d’aliments à bas prix produits sur d’autres continents. On peut se demander si ce système est vraiment durable… Effectivement, on a la capacité de subvenir aux besoins de 8 milliards d’individus et même plus, probablement, mais il faudrait réviser sérieusement le système de répartition des ressources en général. » Face à cette question, certains prétendent qu’il faudrait accélérer la baisse des naissances dans les pays d’Afrique subsaharienne. « D’abord, même si le taux de fécondité y est en baisse, il y aura encore dans les prochaines années et décennies un nombre important de femmes en âge de procréer et donc beaucoup de naissances », reprend Marie Vandresse. « Mais les émissions de CO2 par habitant sont actuellement très faibles dans ces pays. Donc, une réduction du nombre d’habitants n’y serait, dans les conditions actuelles, pas déterminante. » « Avec le nombre d’habitants qu’on a aujourd’hui sur terre », conclut la démographe, « une des solutions passe par une modification de nos comportements, pas par une hypothétique modification des tendances démographiques : c’est trop tard, il y a en démographie une certaine inertie qui rend les changements de caps quasi impossibles. »

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