Quand natalité rime avec culpabilité

Explosion de ballons bleus et roses sur les réseaux sociaux et dans les foyers romands ! Stars, starlettes ou anonymes, nombreuses sont les futures mamans à afficher leur nouvel état sur la Toile et souvent même avant que leur ventre ne s’arrondisse. Venues des Etats-Unis, des célébrations comme la gender reveal party (la fête de la révélation du genre du bébé) ou la baby shower (où on couvre la future maman et le futur bébé de cadeaux sur fond de sucreries pastel) sont propices à tous les excès de décoration (gâteaux énormes, centaines de ballons, mises en scène grandioses) et de publications sur les réseaux (lire ci-contre). [scald=29270763:sdl_editor_representation] Si certaines font preuve de bon sens et attendent le dernier trimestre de leur grossesse pour afficher leur bonheur, d’autres n’hésitent pas à brûler les étapes, voire à documenter chacune d’entre elles à outrance. Un test de grossesse positif, la photo de la première échographie, les premiers chaussons miniatures achetés… Il est normal de se réjouir, de vouloir partager son impatience et sa joie avec ses amis (ou sa communauté !), mais si tout ne devait pas se passer comme prévu ? Muriel Heulin, psychologue-psychothérapeute FSP et fondatrice du Centre Périnatal de Genève en 2010 et de celui de Lausanne sept ans plus tard, est présente dans la vie des futures et nouvelles mamans depuis longtemps. Leur prise en charge se divise entre deux pôles : bien naître et bien grandir, et elle s’adresse aussi bien à l’enfant – à venir ou arrivé – qu’à ses parents et à tout leur entourage. On y propose toutes sortes de services en mode pluridisciplinaire – ostéopathie, acupuncture, psychologie, sophrologie, hypnose, consultation en allaitement, physiothérapie et sexologie notamment – mais comment aborde-t-on une fausse couche, une interruption thérapeutique de grossesse, un accouchement traumatique ou une dépression postnatale ? Sentiment de culpabilité « La plupart de mes patients viennent justement nous voir parce qu’ils ne vont pas très bien », relativise-t-elle avec douceur. « Ce sont les gynécologues et les maternités qui les orientent vers nous. Je me spécialise dans le soutien de couples qui ont des soucis de procréation, dans l’accompagnement du deuil périnatal, dans les consultations de dépression en post-partum. Nous sommes là pour soutenir aussi bien l’homme que la femme dans une suite qui peut s’avérer très problématique. Ils arrivent traumatisés, souvent avec un fort sentiment de culpabilité, et je fais avec eux un travail de désensibilisation qui les aide souvent énormément. » Un travail qui passe par la mise en mots de ce que le couple a vécu, de manière séparée et par écrit. « Cela se passe sur trois à cinq séances. On commence par quelques minutes de relaxation, puis je leur relis leur récit et le corps réagit, car on réactive sa mémoire du trauma. On accompagne ce moment où on arrive à faire sortir du corps tout ce négatif pour qu’il enregistre une nouvelle mémoire émotionnelle, apaisée cette fois-ci. On peut ensuite, si les patients le souhaitent, procéder à la visualisation d’une prochaine grossesse. » La spécialiste en convient : le regard extérieur est extrêmement difficile à gérer dans une société qui tourne autour du contrôle et de la maîtrise de tout. Mais le fait que les fausses couches soient encore un tabou en 2022 est tout de même sidérant. « Totalement. Heureusement, la parole se libère petit à petit », confirme Muriel Heulin. « Il existe des blogs, où les femmes partagent leur douleur et se sentent moins seules. Dans les familles aussi on apprend soudain que d’autres femmes ont souffert du même mal, souvent à répétition. Partager fait du bien, même si les mots de soutien souvent maladroits peuvent parfois blesser. » Alors, doit-on taire sa grossesse de peur de devoir affronter le regard des autres en cas de pépin ? « Chaque future maman doit le vivre comme elle le ressent, en accord avec elle-même », reprend la psychologue-psychothérapeute FSP. « Certaines sont très heureuses de l’avoir dit car elles ont pu être soutenues dans ces moments terribles. » On l’aura compris, le tabou est petit à petit en train de tomber, grâce aux stars qui prennent la parole – Michelle Obama, Beyoncé, Ingrid Chauvin parmi tant d’autres ont toutes souffert d’une ou de plusieurs fausses couches, Céline Dion ou la princesse Diana de dépression post-partum – et à une littérature (Un cri du ventre d’Enora Malagré autour de son endométriose, T’as le blues, baby ? d’Alessandra Sublet autour de sa dépression, entre autres) sans chichis qui ose dire les choses. Enfin. [scald=29270762:sdl_editor_representation]

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