Un café équitable pour une juste rémunération des producteurs

L’aventure du café équitable Chorti commence au début des années 90. Dimitri Lecarte, jeune ingénieur agronome tropical et forestier, termine son service militaire et part au Guatemala. Il rejoint un missionnaire qui a le projet de développer des potagers en permaculture dans une région de 3000 km2. Une septantaine de communautés souffrent alors de famine dans cette aride zone montagneuse. « Mon rôle était de mettre une association en place et de la structurer en tant que gestionnaire de projet. Au fil des ans, on me demandait pourquoi on ne s’occupait pas des producteurs de café. Dix ans auparavant, toutes les populations avaient été approchées par des grands groupes financiers et des organismes internationaux pour les convaincre de produire du café, parce que l’offre était alors insuffisante pour répondre à la demande internationale. On leur avait fait miroiter la possibilité de gagner de l’argent tandis qu’elles vivaient de troc jusqu’alors. Certains remboursent encore aujourd’hui des dettes contractées fin des années 80. Progressivement, l’association pour laquelle je travaillais a créé une organisation commerciale sous la forme d’une coopérative et on s’est lancé dans le commerce équitable. On l’a appelée « Cuna Chorti ». Cuna signifie berceau en espagnol et Chorti est le nom d’une des 23 ethnies mayas du Guatemala. » [scald=29279303:sdl_editor_representation] Des producteurs réels acteurs de l’activité commerciale En 1999, Cuna Chorti réunit 560 microproducteurs de café. Aujourd’hui, sur les quelque 1200 producteurs, 30 seulement ont plus de 20 hectares de plantations et la moyenne des superficies cultivées pour la production de café est de moins d’un hectare. « Certains produisent deux à trois sacs par an sur une vingtaine d’ares. La moyenne annuelle des revenus est de 2400 euros. » Dans la coopérative, les producteurs sont des réels acteurs de l’activité commerciale. Leur statut d’entrepreneurs a révolutionné leur ancienne position de paysans exploités par le système local, dépendant lui-même du marché capitaliste international. [scald=29279304:sdl_editor_representation] En 2005, Dimitri Lecarte, qui a fondé une famille au Guatemala, rentre en Belgique et crée une SPRL dans le but d’importer et de commercialiser le café des producteurs guatémaltèques sans intermédiaire, via une cinquantaine de boutiques alternatives et de magasins de coopératives de producteurs. Il l’installe à Ciney, non loin des torréfacteurs de Gedinne et de Dinant. Devenue coopérative à finalité sociale en 2012, Chorti garantit que minimum 35 % du prix de vente final revient à ses producteurs associés, contre 6 à 8 % seulement dans le marché traditionnel. Cette différence de prix permet aux producteurs de ne pas devoir chercher ailleurs des compléments de revenus. Ils peuvent ainsi rester près de leurs familles et de leurs terres, améliorer leur lieu de vie et de production, mais aussi renforcer le lien social de leur communauté. Reboiser Pour Dimitri Lecarte, le café est un outil. « Il y a 30 ans, tout était déboisé. Le café a permis aux coopérateurs de Cuna Chorti de reboiser. Tant qu’on fait de la subsistance en cultivant du maïs, deux ou trois légumes et la fève noire, on survit. Mais si on produit du café pour faire de l’argent, on s’endette, par hypothèque. C’est presque du travail d’assistant social que l’on fait avec les producteurs. » Indépendamment de la coopérative guatémaltèque de producteurs de café, une structure de microcrédit comptant 160.000 membres s’est développée pour leur permettre de ne pas dépendre des subsides et interventions externes, nationales ou internationales. « Au Guatemala, 15 à 20 % de la population font partie de coopératives d’épargne et de crédit qui constituent le moteur économique des régions. C’est comme une banque, sauf que les dividendes sont répartis dans des projets sociaux. Quand la coopérative prête de l’argent à une personne, elle l’accompagne pour définir la quantité du crédit et comment il sera remboursé en incluant la famille. » [scald=29279305:sdl_editor_representation] Quant à la structure belge, qui compte 156 coopérateurs détenant environ 130.000 euros de parts sociales, il lui faudrait encore 120.000 euros pour financer le projet sans aides extérieures. Elle a contracté des emprunts auprès de F’in Common, coopérative de financement solidaire, et de W.Alter (ex-Sowecsom), outil financier public, qui financent des projets de l’économie sociale et coopérative.

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