Arts plastiques: retrouvez toutes nos critiques d’expos

Aline Bouvy : Cruising Bye *** Jusqu’au 18 septembre au Mac’s du Grand Hornu, rue Sainte-Louise 82, Hornu, www.mac-s.be Dans la vaste salle-pont du Mac’s, Aline Bouvy présente une série de grandes créations en linoléum. Une matière souvent méprisée qu’elle transforme magistralement à travers une succession de découpages et de collages, créant de véritables tableaux abstraits d’une très grande beauté formelle et dégageant une poésie étrange et déroutante. Travaillant le lino comme de la marqueterie, elle crée des œuvres de grand format, incrustant dans une pièce de base d’autres petites ou grandes formes découpées. Explorant de multiples manières les questions de sexualité, et particulièrement de l’homosexualité masculine, elle introduit aussi dans ses tableaux des photos mêlant corps mâles dénudés et végétaux. Un ensemble impressionnant qu’elle invite à regarder en prenant son temps. Pour s’en assurer, elle parsème le parcours de casse-vitesse, ce qui permet de s’arrêter pour observer d’étonnants bas-reliefs de chiens en train de copuler. Une sorte d’introduction à la dernière vaste salle aux allures de temple subversif avec ses figures de policiers dénudés alanguis et ses urinoirs inversés rappelant certaines architectures dominatrices. Anto-Carte. De terre et de ciel *** Jusqu’au 21 août au Bam à Mons, 8 rue Neuve, www.bam.mons.be De terre et de ciel coiffe d’un titre on ne peut plus adéquat l’œuvre d’Anto-Carte (1886-1954) telle qu’elle se manifeste après la Première Guerre, enracinée dans la vie des paysans borains et dans une religiosité dont le mystère n’est pas entièrement élucidé. Fusion étonnante, aujourd’hui encore, du sacré et du social. Convoquant des images de paix, de pardon, de partage et de compassion en autant de paraboles, l’exposition pourrait décourager le visiteur d’aujourd’hui en lui donnant le sentiment d’une œuvre « bondieusarde », impression qui s’efface vite devant sa puissance émotionnelle, son envergure plastique et poétique. La construction le plus souvent, très audacieuse et tendue, privilégie les ruptures d’échelle, les plongées et les contre-plongées, la mise en scène abrupte de figures monumentales en regard desquelles le décor fait effet de jouet. Tant et si bien que la peinture d’Anto-Carte apparaît bien plus moderne que ne le laisse supposer son iconographie, du moins pour nombre d’œuvres antérieures à 1925/1930. Très bien accrochée et pensée, l’exposition montre combien les œuvres, certaines très connues, naviguent à la lisière de différents concepts sans cesser d’être elle-même. Delphine Deguislage : Archétype Canon *** Jusqu’au 24 juillet au Centre de la gravure et de l’image imprimée, 10, rue des Amours, La Louvière. www.centredelagravure.be Au rez-de-chaussée du Centre de la gravure qui présente actuellement les résultats de trois résidences d’artistes, Delphine Deguislage travaille, explique-t-elle, « sur le corps, sa représentation, les faits que cela révèle ». Impression sur papier, créations textiles, installations, sculptures, son projet Archetype Canon brasse les genres les plus divers. « J’ai choisi de travailler avec les collections du musée et plus spécifiquement avec les œuvres d’artistes femmes », précise-t-elle. Elle a ainsi édité huit posters imbriqués dans l’installation avec des œuvres de la collection (Louise Bourgeois, Annick Blavier, Françoise Petrovitch…). On découvre aussi une série de draps de bains porteurs de mots ou d’expressions interpellantes. Ainsi l’un d’eux porte la mention « Artiste femme non ». À chacun de l’interpréter… Denicolai & Provoost : La stagione dell’amore *** Jusqu’au 24 juillet au Centre de la gravure et de l’image imprimée, 10, rue des Amours, La Louvière. www.centredelagravure.be Le duo Denicolai & Provoost boucle l’actuel programme du Centre de la gravure consacrée aux résultats de trois résidences d’artistes. Alors qu’ils avaient rêvé d’un immense panneau d’autoroute installé dans la ville, ils ont dû abandonner ce projet dont ils rêvent depuis des années. Mais un contact était pris avec une entreprise spécialisée dans la création de panneaux routiers réfléchissants. Un matériau qui leur est apparu comme une possibilité nouvelle pour leur travail de dessin à quatre mains. « On avait la possibilité de détourner un support informatif pour y présenter des dessins abstraits qui ne disent rien du tout », s’amusent-ils. Après avoir créé une véritable palette de couleurs numériques, ils ont donc réalisé toute une nouvelle série de dessins où l’index remplace le crayon ou le pinceau. Ceux-ci ont ensuite été imprimés sur des panneaux de différentes dimensions en utilisant une encre transparente « pour laisser passer la texture réfléchissante du matériau ». Le résultat est aussi étonnant que séduisant. Et on rêve de le découvrir un jour, ou plutôt une nuit, dans les phares des voitures au beau milieu de la ville. Elena Kamma : Qui who êtes are vous les Louvièrvoix ? *** Jusqu’au 24 juillet au Centre de la gravure et de l’image imprimée, 10, rue des Amours, La Louvière. www.centredelagravure.be A l’issue d’une résidence d’un an au Centre de la gravure (dans le cadre du programme Un futur pour la culture), Eleni Kamma présente l’exposition qu’elle a réalisée autour de l’identité de La Louvière et de ses habitants. Originaire d’Athènes et vivant à Bruxelles et Maastricht, elle a voulu découvrir La Louvière à travers ses artistes et ses habitants. « J’ai cherché la possibilité de créer un espace social de dialogue autour du passé et du futur de La Louvière », explique-t-elle. « Je me suis aperçue que la notion de “masque” était très présente dans l’inconscient collectif. À travers le carnaval, bien sûr, mais aussi par exemple du Daily Bul où le pseudonyme est une autre forme de masque. » Partant d’une publication de ce même Daily Bul, elle pose donc la question « Qui who êtes are vous les Louvièrvoix ? ». Un parcours où elle inclut son propre travail et celui de nombreux artistes présents dans les collections (Alechinsky, Bury, le Daily Bul…), mais où elle donne surtout la parole aux habitants, tissant un étonnant portrait de la ville à travers poèmes ouvriers, coutumes festives et créations collectives réalisées durant sa résidence. En dilettante **** Jusqu’au 18 septembre au Musée de la photographie, 11 avenue Paul Pastur, Charleroi, www.museephoto.be Avec « En dilettante », le Musée de la photographie propose un parcours passionnant, plein de charme, de poésie, d’humour, d’émotions et de surprises. À travers environ 250 photographies, nous sommes invités à redécouvrir l’histoire de la photographie amateur. Le parcours débute à la fin des années 1880 avec l’invention des premiers boîtiers Kodak qui démocratise une pratique jusque-là réservée à quelques esthètes nantis. Du format rond au rectangulaire, du panoramique au stéréoscopique, du noir et blanc à la couleur, des anonymes aux artistes et aux grands de ce monde, la photographie amateur est partout. Mais bien sûr, elle est surtout pratiquée en famille. Où qu’on soit, on se fabrique des souvenirs qui iront s’insérer dans de gros albums, on mitraille les naissances, les mariages, les communions, les vacances, les fêtes de Noël… On fait des pitreries devant l’objectif, on prend la pose, on photographie les photographes… Les événements tragiques sont aussi de la partie et singulièrement la guerre. Sans oublier ces histoires qui dérapent, ces couples qui se défont, ces familles qui se déchirent et dont les photographies sont alors tailladées, amputées des membres qui s’en sont allés… Car la photographie amateur est porteuse d’histoires, de souvenirs, d’émotions comme le montrent également ces petits messages écrits à la main au dos de certaines images envoyées par la poste à ceux qui sont au loin. Gaillard & Claude : A Certain Decade ** Jusqu’au 18 septembre au Mac’s du Grand Hornu, rue Sainte-Louise 82, Hornu, www.mac-s.be Vous qui entrez ici, abandonnez idées toutes faites et préjugés. Dans le parcours du Mac’s où se succèdent le duo Gaillard & Claude et Aline Bouvy, on va de surprise en surprise, même lorsqu’on croit que tout est terminé. Dès la première salle, on trouve de quoi s’interroger. Dans de grands cadres sous verre, des comprimés géants de paracétamol accompagnent des images aux allures de délire psychédélique. Ces feuilles de papier marbré, réalisées chacune à la main par Gaillard & Claude en les passant sur des pigments colorés flottant à la surface de l’eau, rappellent les voyages hallucinogènes des années 70. Associées à ces comprimés démesurés, elles deviennent comme une évocation de cette société devant recourir à toutes sortes de pilules et remèdes pour soigner sa gueule de bois généralisée. On retrouve le même type de motifs dans la petite salle en sous-sol mais, cette fois, imprimés sur des survêtements de sport. Changement total dans la troisième salle avec L’orchestre , étonnante série d’instruments de musique en plâtre blanc, directement inspirés de véritables instruments anciens et peu connus, repérés par le duo au MIM à Bruxelles. Autour de cet orchestre, on trouve une série de bas-reliefs en polyuréthane, tordus comme des ballons gonflables et accompagnés à leur extrémité du mot « Non ». Une référence aux discours alambiqués de certains se heurtant à un « non » clair et définitif. Le tout dans un matériau aussi populaire dans les années 70 que mal vu aujourd’hui. Le Petit Prince parmi les hommes *** Jusqu’au 6 novembre au Palais 2 de Brussels Expo, www.expo-petitprince.com Dans une vaste salle plongée dans la pénombre, sous une pluie d’étoiles jaunes et de petites lumières bleues, les différents personnages du Petit Prince attendent le visiteur, chacun debout sur sa planète. Ces sculptures d’une blancheur éclatante nous plongent, comme souvent avec les manifestations organisées par Tempora, dans un univers, une atmosphère, et pas uniquement un parcours d’exposition. Cette atmosphère, on la retrouvera en fin de parcours avec L’un e(s)t l’autre, espace immersif dans lequel on voyage au milieu des livres de Saint-Exupéry en taille XXXXL. Entre ces deux moments magiques, le visiteur serpente d’une salle à l’autre à la découverte de la vie de l’écrivain. Un grand tableau chronologique permet de resituer les grandes étapes de sa vie parallèlement à la parution de ses différents livres, tandis qu’une carte géante montre ses innombrables voyages. Des reconstitutions de l’intérieur d’un avion, d’une bicyclette volante et de quelques autres inventions emportent le visiteur dans un monde où le réel le plus dramatique (les accidents, la guerre…) croise constamment l’imaginaire, la rêverie. Si la très grande majorité des dessins, écrits et photos sont de simples copies des originaux, on découvre quelques objets véritables provenant de la succession Consuelo de Saint-Exupéry, de la succession Saint-Exupéry mais aussi d’Air France ou du Musée Air + Espace. Lucy Raven. Another Dull Day *** Jusqu’au 14 août au Wiels, avenue Van Volxem 354, www.wiels.org Au Wiels, l’artiste américaine Lucy Raven occupe tout le troisième étage (et la petite salle du quatrième pour ses photographies) avec deux grandes installations. Dans la première salle, on découvre Demolition of a Wall (Album 2), pièce de 2022 présentée ici pour la première fois. Pour celle-ci, Lucy Raven s’est rendue au Nouveau-Mexique à Socorro, région où ont été effectués de nombreux essais nucléaires et servant aujourd’hui à des expérimentations de charges explosives et d’armes hypersoniques. Difficile d’imaginer cela au vu des paysages paisibles et majestueux filmés par l’artiste en plan fixe. Quelques secondes… puis un bruit énorme et une image étrange remplaçant le paysage. À chaque fois, il s’agit des conséquences d’une explosion : les ondes de chocs invisibles à l’œil nu mais captées par des caméras à très haute vitesse. Avec Ready Mix, elle nous entraîne dans le cycle complet de fabrication du béton. Tout le processus est capté en plongée par des drones évoluant à la même vitesse que les camions, les pelleteuses, les tapis roulants transportant le gravier. À travers le mouvement et le son, Lucy Raven invite ainsi à reconsidérer le paysage américain, son utilisation par l’homme et la violence qui lui est faite, mais aussi à explorer la manière dont les images sont produites et restituées sous nos yeux. Omar Ba, « Voyage au-delà de l’illusion » *** Jusqu’au 7 août aux Musées royaux des beaux-arts, www.fine-arts-museum.be Aux Musées royaux des beaux-arts, le peintre sénégalais présente une série de nouvelles toiles qui invitent à aller de l’avant et à prendre en main son destin. « Cette fois, j’ai voulu quelque chose de positif, une invitation à se bouger », explique-t-il. « On vit beaucoup dans le rêve de partir ailleurs, d’aller voir si l’herbe y est plus verte. Par ailleurs, on attend trop souvent que tout vienne de l’extérieur. Et on laisse partir tout ce qu’on a de bien plutôt que d’en prendre la responsabilité. C’est tout cela que j’ai voulu aborder avec cette série. Le voyage au-delà de l’illusion, c’est l’envie de voyage mais aussi le fait de regarder les choses en face plutôt que de rêver sans agir. » Un thème qu’il traite à travers la couleur, utilisant une palette assez douce dans les tons, des couleurs peu habituelles comme le rose et une succession de couches mêlant les formes, les textures (acrylique, gouache, crayon, huile, encre de chine, stylo bille…) pour créer de grandes toiles qui frappent d’abord par l’ensemble de la composition avant de révéler leurs multiples facettes. Ce voyage au-delà de l’illusion est ainsi, également, celui de notre regard qui croit avoir vu, puis découvre petit à petit tout ce qui se cache derrière les apparences. Oussama Tabti : Alien *** Jusqu’au 16 septembre à la Centrale Box, place Sainte-Catherine 44, www.centrale.brussels En 2018, suite à la découverte d’un intrigant portrait d’homme algérien réalisé par Augustus Frederick Sherman, fonctionnaire de l’administration d’Ellis Island, la petite île dans la baie de New York où débarquaient les immigrants entre 1892 et 1954, Oussama Tabti se prépare à embarquer pour les États-Unis, invité pour une résidence d’artiste à Triangle Brooklyn. Tout se présente pour le mieux jusqu’à ce que sa demande de visa lui revienne avec la simple mention : « refusé ». Au lieu de ruiner son projet, ce refus va le nourrir. Oussama Tabti cherche à comprendre qui est l’homme de la photographie, comment fonctionnait le bureau de l’immigration d’Ellis Island. À travers lui, il cherche aussi à comprendre pour quelle raison, lui, artiste algérien formée à Alger et Aix-en-Provence et désormais installé à Bruxelles, se voit refuser un visa. Dans le petit espace de la box, il livre une série d’éléments permettant de plonger au cœur de ces questions : livres, journaux, documents divers sur papier, sur écran… Oussama Tabti construit petit à petit un passionnant parcours entre passé et présent, interrogeant la notion de libre circulation et de méconnaissance de l’autre engendrant la peur et le repli sur soi. Une autre image de l’Amérique. À distance. Portrait of a Lady ** Jusqu’au 4 septembre à la Villa Empain, avenue Franklin Roosevelt 67, 1050 Bruxelles, www.villaempain.be Avec Portrait of a Lady, la Fondation Boghossian brosse un portrait de « la » femme en 85 œuvres. Les plus anciennes remontent à la préhistoire avec une série de moulages de statuettes de Vénus. Bien d’autres visions de la femme nous sont proposées ensuite à travers cinq grandes thématiques : À l’origine, Femmes dans un intérieur, Nue : modèle, muse, Portraits et autoportraits et La question du genre. Si le parcours est très féminin, il reste essentiellement forgé par le regard masculin, celui-ci ayant été longtemps dominant. Les femmes artistes sont cependant présentes, surtout du côté le plus contemporain avec Rosemary Trockel, Joanna Vasconcelos, Cindy Sherman, Elina Brotherus, Valérie Belin, Ariane Loze… La section Femmes dans un intérieur est particulièrement riche avec de nombreux tableaux venus du Musée d’Ixelles. La question du genre et la multiplicité des approches actuelles sont également convoquées, notamment dans la vidéo de Rosalind Nashashibi et Lucy Skaer commentant la vision de la femme polynésienne par Gauguin. Un parcours aux nombreuses œuvres de qualité mais manquant d’un vrai point de vue à force de vouloir tout aborder. Raffaella Crispino : Open Field *** Jusqu’au 18 septembre au Musée des beaux-arts de Tournai, www.mba.tounrai.be Au départ d’un tableau historique, Raffaella Crispino propose un parcours entre passé et présent, ses nouvelles créations mettant en valeur les superbes collections du Musée. Point de départ : un gigantesque tableau de Louis Gallait, L’abdication de Charles Quint. Réalisée en 1841, l’œuvre va s’offrir un vrai voyage à travers l’Europe, servant de carte de visite à une toute jeune Belgique bien décidée à vanter ses multiples qualités. Et ce voyage va s’effectuer en train, moyen de locomotion en pleine expansion… Dans le cadre d’Europalia Trains & Tracks, Raffaelle Crispino part de ce périple pour évoquer une multitude de questions telles que la botanique, les luttes féministes, les notions d’entraide dans le monde végétal, la colonisation et l’esclavage, les déplacements de populations… Vidéos et installations dialoguent avec les œuvres des collections, démontrant magistralement à quel point tous nos actes sont liés. Tout au long du parcours, le chant médiéval Morire Bisogna, interprété par le groupe de jeunes filles que l’on retrouve dans les différentes vidéos, accompagne la visite comme un lointain murmure envoûtant. Un parcours édifiant et passionnant dont l’audioguide permet d’apprécier toutes les facettes. Sol Lewitt. Wall Drawings, Works on Paper, Structures (1968-2002) **** Jusqu’au 31 juillet au Musée juif de Belgique, rue des Minimes 21, www.mjb-jmb.org Ça tangue, ça vibre, ça éblouit, ça hypnotise… Dans la première grande salle de l’exposition Sol LeWitt, un long Wall Drawing accueille les visiteurs en brouillant instantanément le regard. « C’est drôle, on dirait que ça bouge », s’étonne un adolescent accompagné de ses parents. « Je ne sais pas si ça bouge, mais moi en tout cas, j’ai l’impression de tanguer », rétorque le père. Ils sont nombreux à éprouver le même genre de sensations face à l’œuvre colorée du géant américain de l’art conceptuel. Dès la fin des années 60, celui-ci bouscule le petit monde de l’art contemporain avec ses peintures gigantesques réalisées directement sur les murs des lieux qui l’accueillent. Né en 1928, il a tout juste quarante ans lorsqu’il écrit en 1968 un texte essentiel (Sentences on Conceptual Art) dans lequel il revendique le fait que le concept d’une œuvre soit plus important que l’œuvre elle-même. Et il le prouve avec ses Wall Drawings pour lesquels il rédige systématiquement un protocole précis permettant à d’autres que lui de réaliser l’œuvre en l’adaptant chaque fois aux spécificités du lieu où elle doit être présentée. Respectant scrupuleusement les indications du protocole, des étudiants de trois écoles d’art bruxelloises ont travaillé à la réalisation de plusieurs de ces Wall Drawings dans les différents espaces du Musée juif. Le résultat est superbe et instantanément reconnaissable. Mais il y a beaucoup plus dans ce parcours qui permet de comprendre vraiment le travail de l’artiste à travers ses œuvres, une vidéo relatant l’aventure de la construction d’une synagogue dans le Connecticut et de nombreux documents et réalisations directement liés à la Belgique où l’artiste américain travailla souvent, en lien notamment avec l’architecte Charles Vandenhove. Sans oublier les superbes gouaches sur papier réalisées, elles, de la main de l’artiste et lui permettant de déborder de son cadre habituel. On découvre ici des lignes ondulantes, soit colorées, soit noires sur fond noir pour une des pièces les plus fascinantes d’un parcours permettant véritablement de toucher du doigt la réalité de l’art conceptuel au vingtième siècle. Tanya Goel. Optics and Duration ** Jusqu’au 7 août aux Musées royaux des beaux-arts, www.fine-arts-museum.be Dans le patio des Musées royaux des beaux-arts, une petite exposition temporaire permet de découvrir l’étonnant travail de Tanya Goel sur la couleur, le temps et la géométrie. Ses grands tableaux et petits dessins rappellent l’abstraction géométrique, l’art cinétique et les recherches sur la couleur d’Anni et Josef Albers. C’est en s’approchant des œuvres qu’on découvre pleinement le travail de cette jeune femme née en 1985 à New Delhi. Dans les plus anciennes, le travail sur la couleur domine avec une série de grands tableaux soigneusement construits sur la base de formules mathématiques mais réalisés avec des pigments fabriqués à partir de végétaux et de matériaux récupérés sur des chantiers de démolition à New Delhi : béton, verre, plastique… Dans ses créations les plus récentes, la série Mechanisms réalisée en 2022, elle multiplie les couches, mêlant peinture, crayon, branchages et autres matériaux collés les uns sur les autres, comme les strates de différentes époques. Troublant. (un)common values ** Jusqu’au 18 septembre, salle des guichets de la Banque Nationale, 3 boulevard Berlaimont, 1000 Bruxelles. Entrée gratuite (du lundi au samedi de 10 à 18 heures) Après Building a Dialogue qui, en 2019, mêlait les œuvres des collections de la Deutsche Bundesbank et de la Banque Nationale de Belgique, celle-ci profite du cinquantième anniversaire de sa collection d’art contemporain pour réitérer l’exercice avec la Banco de España. Sous le titre à double sens (un)common values (valeurs (non)communes) le parcours veut mettre en évidence la manière dont les créations d’art contemporain peuvent illustrer les changements de société et refléter le monde dans lequel nous vivons. Dans une scénographie tout en blancheur et en lumière, les lieux présentent un visage inédit, tout en conservant, çà et là, des traces de leur passé. Du côté des artistes, Peter Buggenhout, Charles-Henry Sommelette, Marcel Mariën, Jacques Charlier, Ria Pacquée, Els Dietvost, Honoré d’O, Pol Pierart, Jacqueline Mesmaeker, Emmanuel Van der Auwera, Michaël Borremans et beaucoup d’autres sont de la partie côté belge tandis que la sélection espagnole, moins centrée sur les artistes nationaux, rassemble notamment Carlos Aires, Alfredo Jaar, Willie Doherty, Candida Höfer. Wolfgang Tillmans ou encore Jonathan Monk. Autant d’artistes qui explorent notre monde et, dans plusieurs cas, les rapports complexes entre l’homme et l’argent.

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