Guerre en Ukraine: l’accablant journal de guerre d’un militaire russe

Si la mise en page est familière, le propos l’est beaucoup moins. Dans son journal de guerre, l’ex-parachutiste russe Pavel Filatyev détaille de longs mois d’un conflit harassant et injuste. Les 141 pages de son récit racontent les méfaits d’une armée russe, trompeuse et violente, dans une guerre qu’il condamne. En brisant l’omerta, l’homme en fuite assène un coup à la Russie, en pleine guerre de la communication. [scald=29374468:sdl_editor_representation] « C’est la guerre » ZOV. Ce sigle militaire, peint sur les véhicules de l’armée russe, est devenu un symbole pro-guerre en Russie. C’est également le titre du livre de Pavel Filatyev, auto-édité et publié le 1er août sur le réseau social russe Vkontakte. Son récit commence ainsi : « Je sais que je ne peux pas dire le mot “guerre”. C’est interdit. Mais je le dis quand même : c’est la guerre. Les soldats des deux camps meurent, tout comme les civils qui ont la malchance de vivre dans un pays contre lequel on a lancé cette guerre, appelée “opération militaire spéciale”. J’ai 33 ans maintenant et toute ma vie je n’ai dit que la vérité. » Il lui aura fallu 45 jours pour écrire ses mémoires du conflit. L’homme y raconte son parcours avec le 56e régiment d’assaut aérien, envoyé prendre possession du port de Kherson, peu de temps après le début de la guerre. Il y décrit une armée russe sous-équipée, mal logée, mal nourrie, qui envoie ses hommes au front avec du mauvais matériel pour augmenter leur désir de vengeance : « De cette façon, ils font de nous de vrais sauvages ». Il décrit les pillages systématiques, y compris des frigos car les troupes sont affamées, et affirme également que ses compagnons d’armes et lui n’étaient pas au courant des raisons de l’opération lorsqu’ils ont commencé à se battre : ils croyaient défendre la Russie, ignorant qu’ils attaquaient l’Ukraine… Après Kherson, il a passé plus d’un mois dans une tranchée à Mykolaïv, ville portuaire à quelques dizaines de kilomètres au nord. Sous les balles de l’armée ukrainienne : l’une a provoqué une éclaboussure de boue qui est venue se loger dans son œil, provoquant une sévère infection. Il a été évacué et hospitalisé. « A l’hôpital, j’ai vu les survivants de l’attaque à la roquette sur le croiseur Moskva. Ils ont dit qu’ils n’avaient toujours pas reçu d’indemnisation. De plus, de nombreuses familles n’ont pas encore été informées que leur fils a été tué sur le champ de bataille. » Depuis la publication de son journal, l’ex-parachutiste n’a plus aucune nouvelle des membres de son unité. Il reste néanmoins convaincu qu’au moins 20 % d’entre eux le soutiennent. Même si les autorités russes annoncent un soutien total à leurs forces armées, il a, lui, pu observer colère et ressentiment dans les rangs militaires. Après le feu des projectiles viendra celui des projecteurs Mais pour l’instant, personne ne sait où se trouve Pavel Filatyev. Sauf peut-être Vladimir Osechkin, activiste pour les droits humains et fondateur de Gulagu.net (site internet russe anti-torture et anti-corruption), qui a aidé l’ex-parachutiste à fuir le pays. Au mois de mars, le Kremlin a adopté une loi prévoyant quinze ans de prison pour toute divulgation délibérée d’« informations mensongères » visant à « discréditer » l’armée russe. L’annonce de cette loi a forcé de nombreux médias étrangers à suspendre leur activité en Russie. Pourtant, bien conscient des risques encourus, Pavel Filatyev ne pensait pas quitter son pays de sitôt : il prévoyait de se rendre à la police après la publication de son récit. C’est Vladimir Osechkin, l’activiste, qui l’a convaincu de fuir coûte que coûte. [scald=29374467:sdl_editor_representation] L’ex-militaire a tout de même passé deux semaines à Moscou, voguant discrètement d’hôtel en hôtel, avec pour seule compagnie sa peur et son lourd sac à dos noir. Enfin, quelques jours avant de quitter le pays, il a accordé une interview au journal britannique The Guardian. Il lui a raconté son périple, de son engagement à la rédaction de ses mémoires de guerre. Le journal britannique n’a pu vérifier chaque élément de son récit, mais l’ex-militaire a fourni de nombreuses photos, prouvant ainsi son poste dans le régiment, et son hospitalisation due à une infection. Au Guardian, Pavel Filatyev a affirmé ne plus pouvoir se taire. Sa fuite en fait le premier soldat russe à avoir ostensiblement quitté la Russie en opposition à la guerre. Il n’est pourtant pas le premier à se confesser. Cette semaine, le site d’investigation russe iStories a publié la confession d’un soldat admettant avoir tué un civil dans la ville d’Andriivka, au sud de Kharkiv. [scald=29373124:sdl_editor_representation] Ces récits prouvent que la parole se libère peu à peu dans une guerre de l’information où chaque mot compte. Ceux de Pavel Filatyev résonnent fort par-delà les fronts.

Votre compte

Guerre en Ukraine: l’accablant journal de guerre d’un militaire russe

« C’est la guerre »

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

1 Commentaire

Aussi en Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine: Zelensky réagit à l’aide militaire de la Belgique

La Belgique se joint au sursaut pour la défense de l’Ukraine

Guerre en Ukraine: l’Allemagne accuse la Russie de déformer ses propos pour de la «propagande»

Polémique à l’Open d’Australie: l’Ukraine demande aux organisateurs d’interdire de stade le père de Djokovic

Des chars pour l’Ukraine: pour la «coalition des Leopard», la meilleure défense, c’est l’attaque

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Analyse Vainqueur à Charleroi, l’Union peut continuer à rêver

Arrestation fatale de Tyre Nichols: une mobilisation moins importante que pour George Floyd?

Liège Airport: le gouvernement wallon s’accorde sur le renouvellement du permis unique de l’aéroport

Coupe du monde de hockey: les Red Lions proches d’un nouvel exploit

Grand format Les Racines élémentaires de Christiane Taubira: «Tout est possible quand on fait sauter les entraves»

Disparition d’un jeune garçon de 12 ans

Une employée canadienne licenciée car elle n’exécutait pas ses tâches à domicile !

Top Employer : un concept mondial

Quels bénéfices pour l’employeur ?

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel