Giorgia Meloni, la pasionaria de la droite radicale italienne, à deux pas de la victoire

Giorgia Meloni n’a jamais été aussi prête. Elle est aujourd’hui si résolue, si proche de la ligne d’arrivée, qu’elle a voulu transformer un état d’âme personnel en un slogan de campagne. « Prêts à relever l’Italie », peut-on lire sur les affiches électorales de son parti, Fratelli d’Italia (FdI), tapissant les villes de la Péninsule. Une affirmation intrépide, accompagnée de son visage souriant sur lequel des opposants anonymes ont parfois dessiné une moustache en brosse à dents. [scald=29457359:sdl_editor_representation] [scald=29454165:sdl_editor_representation] Toute sa trajectoire politique n’a été qu’une lente mais inexorable conquête du pouvoir, une ambition irrépressible ayant régi sa vie entière. Après avoir été si souvent huée dans la rue, méprisée par ses adversaires et négligée par la presse officielle, elle semble désormais savourer sa revanche. Elle est, en effet, en tête dans tous les sondages. Son parti, fondé en 2012, incarnant une droite radicale, conservatrice et souverainiste, est crédité de 25 % des intentions de vote, alors que l’alliance des droites – constituée de FdI, de la Ligue de Matteo Salvini et de Forza Italia de Silvio Berlusconi – pourrait rafler, selon les dernières enquêtes d’opinion, jusqu’à 46 % des voix. « Je n’ai pas peur, je suis prête. Mais vous, Italiens, l’êtes-vous aussi ? », a-t-elle récemment lancé au cours d’un meeting politique. Admirée mais aussi crainte, voire détestée, Meloni, qui a toujours divisé l’opinion publique nationale, pourrait, après le scrutin anticipé du 25 septembre prochain, devenir la première femme à occuper le Palais Chigi et remplacer, ainsi, le chef du gouvernement démissionnaire, Mario Draghi. [scald=29454166:sdl_editor_representation] Une ascension irrésistible dont la toute dernière étape s’est accomplie en un temps record : aux dernières élections législatives de 2018, FdI n’avait, en effet, obtenu que 4,3 % des voix. Depuis, Meloni a, néanmoins, réalisé un sans-faute. Alors qu’au mois de février 2021, tous les grands partis italiens acceptaient avec enthousiasme de participer à l’exécutif d’unité nationale dirigé par l’ancien gouverneur de la Banque centrale européenne, elle décidait alors de rester seule dans l’opposition. Une traversée du désert hasardeuse, mais qui a porté ses fruits : aux yeux d’un électorat désabusé et en colère, FdI est désormais le seul parti à n’avoir jamais exercé directement le pouvoir, le seul qui ne peut être accusé de négligence, d’errements ou de trahison. Or, cette enfant du quartier populaire de la Garbatella, fièrement romaine et attachée à ses racines, est parfaitement consciente de cette « exceptionnalité » fragile et, peut-être même, éphémère. « Contrairement aux autres, nous ne trahissons pas les citoyens ! Nous n’avons pas de patrons qui nous donnent des ordres, essaient de nous corrompre ou nous acheter ! », a-t-elle déclaré devant une foule de fervents militants. « Si j’étais fasciste, je l’avouerais sans hésiter » « Si Giorgia Meloni devait remporter les prochaines élections, cela ferait certainement le bonheur de Donald Trump, de Vladimir Poutine et de Viktor Orbán ! », nous a déclaré, non sans inquiétude, Enrico Letta, secrétaire du Parti démocrate (centre-gauche) et son principal adversaire dans cette course électorale fébrile. La leader de FdI, qui a commencé sa carrière politique en adhérant, à seulement 15 ans, au Front de la jeunesse du Mouvement social italien (MSI), un ancien parti d’extrême droite, est, en effet, parfois accusée de nostalgies fascistes. La flamme tricolore du MSI, qui, selon certains, symbolise l’esprit du dictateur Benito Mussolini émergeant de son tombeau, est en effet encore bien présente dans le logo de FdI. Dans une vidéo, en français, anglais et espagnol, adressée, au mois d’août, à la presse étrangère, Meloni a essayé de clarifier sa position : « La droite italienne a depuis longtemps livré le fascisme aux poubelles de l’Histoire, en condamnant sans aucune ambiguïté les violations de la démocratie du passé et les infâmes lois antisémites. » Un plaidoyer qui n’a aucunement convaincu ses adversaires du centre-gauche, qui ne cessent d’évoquer une autre vidéo où la leader de FdI, regard et verbe enflammés, s’adresse, en Andalousie au mois de juin dernier, à des militants du parti néofranquiste Vox. Un discours, longuement applaudi, par lequel Meloni a réitéré, dans un singulier mélange de thématiques et de priorités, toute son opposition « aux lobbies LGBT, à l’idéologie du genre, à la culture de la mort, à la violence islamiste, à l’immigration de masse, à la grande finance internationale et aux bureaucrates de Bruxelles. » Radicale, donc, habitée par une inébranlable foi conservatrice, partisane d’un souverainisme décomplexé, mais se déclarant réfractaire à toute sorte d’extrémisme politique. Elle qui, depuis le début de la campagne électorale, ne cesse de donner des gages aux partenaires internationaux s’en est de même expliquée dans une interview publiée par l’hebdomadaire anglais The Spectator : « Quand je suis quelque chose, je le déclare publiquement, sans me cacher. Si j’étais fasciste, je l’avouerais sans hésiter… mais la vérité est que je ne le suis pas. » Antonio Tajani, coordinateur de Forza Italia, n’a, d’ailleurs, pas hésité à voler au secours de son alliée, qui, depuis 2020, préside aussi le Parti des conservateurs et réformistes européens. « Giorgia Meloni n’a rien à voir avec le fascisme : si elle était d’extrême droite, nous ne pourrions bien évidemment pas faire partie de la même alliance », a-t-il déclaré, avant d’ajouter, dans l’espoir de rassurer ultérieurement partenaires européens et internationaux : « La présence de Forza Italia est une garantie du profil libéral, chrétien, européiste et atlantique de notre coalition. » Des affirmations qui semblent avoir convaincu Washington. Au début de la campagne électorale, le Département d’Etat des Etats-Unis a affirmé que, « indépendamment de l’issue du prochain scrutin, l’Italie restera un pays ami ». Meloni, proche du parti républicain américain, a accueilli cette prise de position avec un grand soulagement. « Cela signifie vraiment beaucoup pour moi », a-t-elle confié. « Fratelli d’Italia, c’est elle et rien d’autre ! » A ceux qui l’accusent de vouloir « enfermer l’Italie entre les barbelés d’une culture nationaliste », elle répond, sans états d’âme, qu’elle est une « patriote ». « Un ouvrier qui se réveille à 4 heures du matin pour aller à l’usine est un patriote, tout comme un entrepreneur qui décide de ne pas délocaliser sa production, ou une maman qui, au risque de perdre son emploi, met au monde son enfant… », avait-elle expliqué il y a quelques années au cours d’une interview télévisée. Une rhétorique extrêmement efficace auprès de ses toujours plus nombreux militants, qui rappelle parfois les élans verbaux de certains populistes de l’extrême gauche sud-américaine, un univers politique dont elle se dit pourtant très éloignée. Celle qui vient d’avouer « qu’elle a appris bien plus en travaillant comme serveuse que pendant ses années au Parlement », guide d’une main de fer son parti. « Fratelli d’Italia, c’est elle et rien d’autre ! », déplorent ses adversaires. Pour cette raison, elle a entamé sa tournée électorale dans la petite ville d’Ancône, chef-lieu de la région des Marches, dirigée par un représentant de FdI. « Je suis venue ici pour rappeler que nous avons bien une classe dirigeante capable de gouverner une Nation », a-t-elle expliqué. Une classe dirigeante mais, surtout, un programme. Meloni, 45 ans, a passé les trente dernières années à peaufiner sa vision stratégique et sa conception du pouvoir. « La politique ne sait plus aller au profond des choses », vient-elle de dénoncer. Son objectif prioritaire est de montrer que, contrairement à ses prédécesseurs, elle saura le faire. Son programme économique est prêt : soutien aux plus démunis par des subventions ciblées, défense décomplexée des intérêts économiques nationaux, allégements fiscaux aux entreprises qui créent de nouveaux emplois, mais aussi, promet-elle, la poursuite de la politique budgétaire avisée menée par Mario Draghi. « L’endettement public représente la solution de dernier recours », a précisé le sénateur Giovanbattista Fazzolari, très proche de Meloni. Pour cette raison, elle s’insurge contre toute forme « d’assistanat politique » et, en particulier, contre le revenu de citoyenneté, fer de lance du Mouvement 5 Etoiles. « Personne ne pourra faire mieux que nous » Son cheval de bataille reste le thème sécuritaire, qu’elle relie systématiquement à la question migratoire. Elle propose « un blocus naval, une mission européenne menée avec les autorités des pays nord-africains, pour limiter les départs vers l’Italie et les victimes des traversées ». Elle préconise, de même, le retour à un lien direct entre le vote des citoyens et le pouvoir, en défendant une réforme constitutionnelle dans un sens présidentialiste « à la française ». « Avec un Etat politiquement fragile et instable », il est important, précise-t-elle, de garantir aux partenaires internationaux la présence à Rome « d’un interlocuteur institutionnel fiable et durable ». Convergeant sur l’essentiel, les trois partis de l’alliance des droites s’éloignent, néanmoins, sur des terrains glissants. Fièrement atlantiste et défendant toute l’architecture politique mise en place par Bruxelles depuis le début de la guerre sur le front ukrainien, Meloni aura, en cas de victoire, du mal à faire accepter à son allié Matteo Salvini la pertinence des sanctions imposées à Moscou. Elle devra, de même, favoriser l’adoption d’une politique fiscale prudente alors que ses compagnons de route de la Ligue et de Forza Italia promettent déjà l’application d’une flat-tax généralisée. Mais cette apôtre du triptyque « Dieu, Patrie et Famille » ne semble pas avoir peur. Abandonnée, dès sa plus tendre enfance, par son père, elle conçoit l’existence comme une suite ininterrompue d’antagonismes, de revers et de combats. « Cette Nation ne va pas bien. En cas de victoire, rien ne nous sera pardonné… mais personne ne pourra faire mieux que nous », vient-elle d’affirmer à la presse. Fermement convaincue qu’elle sera la vraie protagoniste d’un possible séisme électoral, Meloni attend ainsi, forte de son inébranlable volontarisme, la légitimité que seules les urnes pourraient lui conférer.

Votre compte

Giorgia Meloni, la pasionaria de la droite radicale italienne, à deux pas de la victoire

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Monde

Hadja Lahbib bientôt à Kinshasa, juste après le pape François

Proche-Orient: à Jérusalem-Est, la tension monte d’un cran

Migration: le gouvernement italien accroît la pression sur les ONG

Du nouveau pour le futur train de nuit qui reliera Bruxelles à Barcelone

Un tremblement de terre a frappé le nord de la France ce lundi

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Qatargate, trafic de drogue... le Roi salue une Belgique «à la pointe de la lutte contre la corruption»

Sammy Mahdi charge Paul Magnette sur les pensions: «C’est un signe d’égoïsme et un doigt d’honneur à tous les jeunes»

Info « Le Soir » La justice enquête sur les dépenses du parlement wallon

Les deux Iraniens menacés d’expulsion vont être libérés

Standard, Anderlecht, Charleroi... suivez la dernière journée de mercato en direct

Le sort du plan alcool interfédéral sera décidé pendant la Tournée minérale

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Quels sont les avantages du travail intérimaire ?

Comprendre l'indexation des salaires en Belgique

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel