L’Europe du rail patine sur la sécurité

Créer une zone unique pour le rail en Europe, y harmoniser la sécurité, supprimer les barrières techniques, simplifier l’accès des consommateurs… c’est le credo de l’Europe du rail à travers son agence européenne. Un des moyens d’y arriver, c’est en imposant l’« European Train Control System », l’ETCS, le système de freinage automatique qui doit démontrer les bienfaits et le bien-fondé de cette stratégie ferroviaire où les trains, sûrs, circuleront plus facilement, donc moins cher, à travers une Europe qui aura banni les protectionnismes nationalistes. On n’en est visiblement encore loin… [scald=1419841:sdl_editor_representation] Pour rappel, le système ETCS intervient automatiquement dès que le train dépasse la vitesse maximale autorisée à un endroit. C’est une priorité depuis l’accident de Buizingen. Qui doit être généralisée pour 2023. Lundi en commission parlementaire, Jo Cornu, le patron de la SNCB, a rappelé le chemin de (fer) croix que représente l’équipement des trains en ETCS. Il souligne l’instabilité des normes : la version pour les lignes à grande vitesse, la « 2.3.0 Corridor » date de 2007, elle a été suivie de la 2.3.0.d en avril 2008, de la 3.3.0 en novembre 2012, de la 3.4.0 en janvier 2015, de la 3.5.0 en juin 2016. La 3.6.0 est annoncée prochainement. « Dans chaque version, il y a plusieurs « interprétations » qui dépendent des choix techniques des gestionnaires et/ou des constructeurs. Au total, plus de 50 versions incompatibles de l’ETCS sont développées par les fournisseurs, ce qui explique en partie les coûts élevés de tous ces développements et les retards dans leur mise en place. » Des versions incompatibles parce que chacun tient compte de ses propres contraintes dans les marges d’interprétation des systèmes… tout l’inverse du credo de l’Europe et de Karel Vinck, ancien patron de la SNCB unitaire qui a longtemps dirigé l’harmonisation du système de sécurité. Avec un flou constant dans la programmation : en février dernier, la ministre fédérale Jacqueline Galant répondait à une question du député Marcel Cheron (lire ci-contre) où, si on décrypte bien, elle annonçait que les spécifications de la baseline 2 et 3 étaient « stables et compatibles » et que la version 3.5.0 pourrait être testée pour la fin 2016. Sauf que, concrètement, l’actuel patron de la SNCB relevait ce 20 juin que la « baseline 3 » qui doit permettre d’équiper les locomotives et automotrices n’est toujours pas stable ni disponible sur le marché. Et qu’il n’y a toujours pas d’offre acceptable de Siemens pour équiper les nouvelles automotrices Desiro en ETCS de niveau 2 (les informations entre la loco et le réseau sont transmises par ondes GSM) alors qu’elles ont été mises sur les rails depuis 2012 seulement, mais équipées d’un ETCS de niveau 1 (les informations sont transmises via des balises). Idem pour équiper les locomotives Traxx de Bombardier, prises en location de manière impromptue pour remplacer les Fyra entre Bruxelles et Amsterdam (elles ne seront équipées en TBL1+ qu’à partir d’octobre de cette année). Autant de trains et de locomotives qui fonctionnent également dans d’autres pays mais… chaque équipement sur chaque matériel doit être validé par chaque autorité nationale de sécurité, on multiplie donc les opérations. [scald=1419840:sdl_editor_representation] Compliqué ? Plus encore lorsqu’on ajoute que chaque gestionnaire des réseaux voisins à la Belgique suit sa propre stratégie (France, Luxembourg), ou ne l’ont pas encore définie (Pays-Bas, Allemagne). Les trains qui passent d’un système à l’autre doivent donc être équipés de tous les systèmes, agréés dans chaque pays avec une mise au point chez les constructeurs pour éviter les interférences d’un système sur les autres. Tout cela coûte évidemment beaucoup d’argent et prend excessivement de temps et d’énergie. Jo Cornu ne s’attend cependant pas à une migration vers le système européen que lorsque la baseline 3 sera stabilisée (2018 ?) et que les équipements de bord seront disponibles sur le marché/chez les constructeurs. La facture qui accompagne cette migration s’élève à 385 millions d’euros !

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