Le patron de Brussels Airport sur les attentats: «24h pour trouver une solution pour redémarrer»

Meilleur aéroport européen pour Brussels Airport, « Leader of the year » pour son patron Arnaud Feist : le congrès annuel de l’Airports Council International (ACI), qui vient de s’achever à Athènes, a fait de l’aéroport national belge un véritable centre d’intérêt. Indépendamment des prix, Arnaud Feist a été invité à faire une présentation de la gestion des attentats auprès de ses pairs et à répondre à leurs interrogations. Une manière de préciser les « leçons » à retirer d’une expérience, par définition, imprévisible et inattendue. [scald=1437024:sdl_editor_representation] Comment avez-vous présenté les choses à vos collègues patrons d’aéroports ? Il y a eu deux présentations, une au conseil d’administration de l’ACI et une à tous les membres. Dans les deux cas, j’ai commencé par rappeler le contexte de l’avant 22 mars, où tout allait bien, de mieux en mieux, ces dernières années, tant en matière de trafic passager, cargo, des résultats financiers, des développements, des récompenses et awards reçus… Dans ces cas-là, on sait que ça ne peut pas durer éternellement, on imagine toujours une crise financière, des problèmes pour les compagnies aériennes, le prix du pétrole qui explose… Mon premier message a donc été qu’il faut toujours tenir compte des impondérables, ne rien considérer comme acquis, toujours pouvoir réagir rapidement. Et au-delà du contexte ? J’ai expliqué ce qui s’est passé, l’intervention rapide des secours, l’aide aux victimes, bien sûr, mais aussi comment gérer 5.000 personnes qui sont à l’intérieur de l’aéroport, dans les jetées, dans les avions… et qui n’ont plus aucun moyen pour rentrer chez elles puisque les transports publics sont à l’arrêt, les parkings sont inaccessibles, les taxis ne peuvent plus arriver, etc. Expliquer qu’on a ouvert trois centres d’accueil, qu’il faut s’occuper de personnes qui étaient en transit qui se retrouvent hors de l’aéroport sans permis de séjour, ou qui ont dû laisser leurs bagages et leurs papiers dans le terminal d’embarquement… Que tout cela doit être géré en parallèle avec toutes les autres opérations d’urgence. Puis, après coup, gérer 10.000 bagages, des milliers de voitures bloquées dans les parkings, etc. J’ai aussi attiré l’attention sur un point important, celui qui nous a permis la détection de la troisième bombe. C’est parce qu’un de nos collaborateurs, en regardant les images vidéos, a remarqué que les terroristes étaient arrivés à trois et a pu rapidement identifier l’existence d’une troisième bombe. Et heureusement, elle était très instable et elle a explosé quand le robot-démineur l’a à peine touchée. Tout ça, c’est parce qu’à un moment, on a rapidement isolé deux personnes pour qu’ils regardent toutes les images vidéos. Ce type de décision, c’est inscrit dans une procédure, c’est de l’intuition ? Tout n’est pas écrit noir sur blanc mais on sait qu’à chaque problème, on a chaque fois des gens rivés sur les écrans pour vérifier si quelque chose nous a échappé et qu’il est important, le plus vite possible, de reconstituer fidèlement ce qui s’est passé et voir au-delà des simples faits, immédiatement, en temps réel. Puis il y a les imprévus qui s’ajoutent à la réalité… C’est ce qu’on a vécu avec les systèmes de télécommunication puisque les GSM étaient en rade après l’attentat au métro Maelbeek. Notre centre de crise avait accès aux lignes fixes mais tous les gens sur le terrain n’étaient pas équipés de talkie-walkie. Alors, sans réseau GSM… Tout le monde sait, maintenant, qu’on a utilisé une application, Whatsapp, dont j’ignorais tout mais que ma fille de 13 ans avait installé sur mon téléphone. Et vos collègues patrons d’aéroport, ils vous ont posé des questions sur quoi ? On a beaucoup parlé de la reconstruction, de la manière de redémarrer. On a lancé le redémarrage dès le lendemain. On a pris une équipe et on leur a dit “vous avez 24h pour trouver une solution intelligente pour redémarrer”. Sept jours plus tard, on disposait d’une solution temporaire pour redémarrer permettant le checking de 8 millions de passagers sur un an. Parce qu’on a des équipes très compétentes mais aussi très entrepreneuriales. Vous avez déjà tiré des leçons ? Notamment que ça ne sert à rien d’imaginer tous les scénarios pour tenter d’appréhender tous les problèmes possibles. Ce qu’il faut, ce sont des pros qui peuvent s’adapter, souples, réactifs, intelligents. On avait déjà fait plein de scénarios, des exercices… mais ce sera toujours différent. Ce qui est important, par contre, c’est de faire ces exercices parce que ça permet aux gens de se connaître, de se faire confiance. Vous avez été désigné « leader of the year » « pour récompenser son leadership et son courage hors du commun, et pour la capacité d’action et la sagesse remarquable dont il a fait preuve à la suite des attentats ». Ça ne fait pas un peu trop superman ? Je n’ai pas été impliqué dans le choix des termes. Mais ça m’a touché, parce que ça vient de mes pairs qui savent ce que c’est gérer un aéroport. Ça fait plaisir et je sais que je ne suis que le symbole de toutes les équipes qui se sont impliquées sans compter, aussi bien pour s’occuper des victimes que pour participer au redémarrage de l’aéroport. Je ne suis pas sûr qu’en Belgique, on a conscience du tour de force qui a été fait pour redémarrer l’aéroport, à l’ACI je crois que ça a positivement impressionné.

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