Hazi Hawass: «Pour Néfertiti, nous serons fixés dans une semaine ou deux»

C’est une question d’une semaine ou deux. J’attends les retours de mon équipe », tempère Zahi Hawass, dans le cadre d’une interview donnée au Soir par téléphone. Dans « une semaine ou deux », le célèbre archéologue égyptien pourra dire si les tests ADN en cours actuellement sur deux momies confirment ou non qu’il s’agit de la reine Néfertiti, l’épouse d’Akhenaton, dixième pharaon de la XVIIIe dynastie, et de sa fille Ankhesenanum. L’échéance ne trompe personne. Si confirmation il y a, elle correspondra presque jour pour jour au centenaire de la découverte de la tombe de Toutankhamon sur la rive ouest du Nil, face à Louxor, et mettra l’Egypte pleinement sous les projecteurs. Son tourisme en a grand besoin. Le 4 novembre 1922, après avoir patiemment retourné chaque caillou de la vallée des Rois, l’archéologue britannique Howard Carter trouve l’hypogée où repose la momie de Toutankhamon. Au XIVe siècle avant notre ère, Toutankhamon n’a pas été un grand roi, mais sa tombe a manifestement échappé aux pillages postérieurs aux pharaons de la XVIIIe dynastie. Dix ans seront nécessaires à Carter pour venir à bout des fouilles du tombeau, inventorier et conditionner les 5.398 objets qui s’y trouvent. Le magnifique masque funéraire de Toutankhamon, bien sûr. Mais aussi de l’or, de l’albâtre et de l’ivoire. Et surtout, les milliers d’objets de la vie quotidienne qui ont permis depuis un siècle d’en savoir plus sur les Egyptiens du Nouvel Empire. Ce lundi 24 octobre, Zahi Hawass sera à Bruxelles (1). L’ex-ministre égyptien des Antiquités vient donner une conférence à l’occasion de l’exposition Tutankhamun : His Tumb and His Treasures, qui se tient à Tour & Taxis. Il donne ici un entretien sans langue de bois où il persiste dans la volonté de rendre l’archéologie égyptienne à la terre des pharaons. Y a-t-il encore des choses que nous ne sachions pas sur Toutankhamon ? Il reste de nombreux mystères à percer. Comment est-il mort ? Qu’en est-il de sa famille ? Etc. Et bien sûr, nous célébrons, le 4 novembre prochain, le centenaire de sa découverte. Ce jour-là, je révélerai aussi à Louxor de nombreux secrets concernant le roi. Vous affirmez avoir trouvé la momie de Néfertiti, est-ce exact ? Presque. Nous cherchons précisément en ce moment à confirmer cette hypothèse, en recourant à des tests ADN. Nous devrions être fixés dans une semaine ou deux. Ces tests doivent nous permettre d’identifier la momie de Néfertiti et la momie de sa fille. J’attends des nouvelles de mon équipe pour communiquer à ce propos. Cela peut arriver à tout moment. Mais nous ne pouvons pas, à ce stade, confirmer la découverte. On peut lire dans certaines publications que la momie de Néfertiti a été découverte il y a plus de 200 ans, en 1817 exactement, par Giovanni Belzoni, un explorateur et égyptologue vénitien qui a mis à jour une tombe située dans la Vallée des Rois. Elle contenait deux momies toujours non identifiées. Ce n’est pas vrai. Aujourd’hui, la momie de Néfertiti n’a toujours pas été découverte. Un autre archéologue, le Britannique Nicolas Reeves, affirme que la momie de Néfertiti pourrait se trouver dans une pièce adjacente à la tombe de Toutankhamon. Que pensez-vous de cette théorie ? Je la rejette complètement. Elle est fausse. Un : Toutankhamon n’est pas le fils de Néfertiti et elle n’a pu être enterrée dans sa tombe. Deux : dans l’Egypte de la XVIIIe dynastie, personne, non personne, n’est venu construire sa tombe pour perturber la valeur spirituelle d’un autre roi. Cela n’est jamais arrivé. La théorie de Reeves tient de la pure spéculation. Il n’y a aucune preuve de ce qu’il avance. C’est sa théorie. Mais vous ne pouvez pas seulement approuver une théorie. Il y en a des centaines qui tournent autour de cette histoire. Il y a également beaucoup de spéculations autour de la personne de Néfertiti, de sa relation à Toutankhamon, de son rôle politique… J’ai trouvé récemment le nom de Smenkhkarê dans la « lost golden city » (NDLR : la cité antique vieille de plus de 3.000 ans révélée en 2021 par Zahi Hawass). Je pense que Néfertiti est devenue la corégente d’Akhenaton. C’est pourquoi elle aurait changé plusieurs fois de nom. A la mort d’Akhenaton, elle a gouverné pendant trois ans sous son vrai nom de Smenkhkarê. C’est ce que je pense aujourd’hui. Jeudi, vous avez lancé une nouvelle pétition pour réclamer le retour de la pierre de Rosette – dont on célèbre cette année le bicentenaire du déchiffrage par Champollion – et du zodiaque de Dendérah. Vous n’abandonnez jamais… La pétition a été lancée en arabe et en anglais. Je vais obtenir 100.000 signatures. Après, j’écrirai une lettre aux musées de Londres et de Paris concernés. Etes-vous prêt à un conflit diplomatique avec les gouvernements des pays qui accueillent ces musées ? Non, c’est une demande qui émane du peuple. C’est une demande des gens que j’aime. Ils sont partout dans le monde et en Egypte. Cela n’a rien à voir avec les gouvernements. Je n’ai rien à voir avec quoi que ce soit. Je ne suis pas un fonctionnaire. Je suis un égyptologue indépendant. Et cette demande est venue de moi, car c’est moi qui ai permis dans le passé le retour de 6.000 artefacts en Egypte, moi qui ai écrit la première lettre à Berlin pour demander le retour du buste de Néfertiti. Donc, maintenant, je termine ma mission. La Belgique a décidé de rendre au Congo des « œuvres acquises par la force et la violence dans des conditions illégitimes ». Qu’est-ce que cela vous inspire ? Je connais le musée de l’Afrique. J’ai été étonné de la manière dont ces objets sont arrivés à Bruxelles. C’est étonnant la manière dont les Européens ont volé l’Afrique. Ce que vous possédez dans vos musées est un trésor. Comment ce trésor est-il arrivé là ? Par la force. En tuant beaucoup de gens. Pourquoi garder ce trésor dans vos pays ? Vous n’avez pas le droit d’agir ainsi. Et c’est pourquoi il est maintenant temps que l’art africain retourne en Afrique. Le musée du Cinquantenaire, à Bruxelles, recèle aussi de nombreuses pièces archéologiques issues de l’Egypte ancienne. Vous avez une demande particulière en ce qui le concerne ? Nous ne voulons rien de ce musée. Nous avons trois objectifs : ramener au pays le buste de Néfertiti, qui se trouve au Neues Museum de Berlin, la pierre de Rosette, qui est au British Museum, et le zodiaque de Dendérah, un bas-relief représentant la voûte céleste et ses constellations, conservé au Louvre, à Paris. Qu’allez-vous faire de la « lost golden city », cette cité perdue datant de plus de 3.000 ans et révélée au public l’an dernier ? Cette découverte est ma découverte. Je vais restaurer les maisons et l’architecture. Ce doit être considéré comme la seconde plus importante découverte de la rive occidentale de Louxor après celle du tombeau de Toutankhamon. Mon but sera ensuite de trouver la tombe de Néfertiti dans la Vallée des Rois. (1) https ://feverup.com/m/119003 La conférence débutera à 20 heures et se tiendra en anglais. Elle dure 90 minutes.

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