Jacques Schwarz-Bart, saxophoniste sur «Black Lives, from Generation to Generation»: «Black Lives Matter, c’est crucial»

B lack Lives, le double album, c’est une aventure initiée par Stefany Calembert, la patronne de la maison de production et de management de jazz Jammin’colorS. Elle en a eu assez du racisme, aux Etats-Unis mais aussi en Belgique. Elle qui a épousé le bassiste américain noir Reggie Washington en a subi des remarques peu classes. Elle s’est dit qu’elle devait exprimer son ras-le-bol. Et comment mieux le faire qu’en musique ? Elle a concrétisé ce projet qui mêle musique, colère et espoir (voir Le Mad du 30 mars). Elle a réussi à rassembler des tas d’artistes et à enregistrer l’album : vingt morceaux en tout, 25 compositeurs, quelque 60 musiciens. Et l’album se prolonge par une série de concerts, qui commence à Bruxelles et se poursuit à Dudelange, Paris, Strasbourg et Londres. Et par l’enregistrement d’un second disque. Dans cette tournée, quinze musiciens, dont Jacques Schwarz-Bart, le saxophoniste français né en Guadeloupe, marié à la chanteuse américaine Stephanie McKay et vivant à Boston avec leur fils Ezra, musicien lui aussi. Entretien par zoom entre Bruxelles et Boston. [scald=29559742:sdl_editor_representation] Comment avez-vous été embrigadé dans cette aventure ? Reggie Washington et moi, nous avons fait partie de nombre de projets sur la scène de New York quand il vivait encore aux Etats-Unis. Et donc il sait quel type de travail je fais, dans la veine d’un renouveau du jazz caraïbe. Il sait non seulement la nature musicale de ce que je fais, mais aussi son sens historique et symbolique dans le contexte américain où la citoyenneté des Noirs n’est pas encore complète. Donc le projet de cet album, que Reggie vous proposait de rejoindre, vous intéressait. Absolument. Le mouvement Black Lives Matter est crucial pour faire valoir cette notion d’égalité. Et d’ailleurs, il a déjà récolté des résultats assez positifs : beaucoup de compagnies américaines ont révisé leurs politiques d’emploi afin de faire tomber, au moins partiellement, ces filtres parfois invisibles qui font qu’on ne retrouve que des Blancs dans les conseils d’administration et que des Noirs dans les bureaux d’entrée ou dans la conciergerie. Mais on est encore loin d’une situation d’égalité des citoyens. Il reste énormément de problèmes raciaux ici. Et pour l’Europe, ce concept de Black Lives est vécu de façon très différente par les uns et par les autres. J’ai des amis qui ne supportent pas ce concept. Je pense que c’est dû soit à un déni inconscient des problèmes, soit à une espèce de battage médiatique anti-Black Lives Matter qui a eu lieu en France notamment. A mon grand effroi, j’entends même des gens dire que ce mouvement antiraciste est raciste antiblanc alors qu’il comprend en fait plus de Blancs que de Noirs. Je pense qu’il y a un gros problème de déni en Europe. [scald=29559743:sdl_editor_representation] Et vous croyez qu’un album et des concerts peuvent améliorer la situation ? C’est difficile d’évaluer à l’avance l’impact d’une action. Mais l’important, c’est de ne pas se croiser les bras. Si certains de nos fans n’avaient pas réfléchi à la question, ils peuvent maintenant se dire : j’aime beaucoup le travail de cet artiste, s’il a décidé de s’engager sur cette question, c’est qu’il doit y avoir une raison, je vais me renseigner, etc. Si chacun apporte sa petite pierre, ça peut donner lieu à des résultats concrets. Une grande partie du problème réside dans la perpétuation de préjugés hérités non seulement de l’esclavage mais aussi de la colonisation. Ces préjugés sont inconscients mais par contre ils ont des conséquences concrètes dans la vie de la plupart des gens de couleur. Et je pense que par la musique, ce débat peut être entamé. La musique, c’est un langage remarquable pour essayer de faire réfléchir les gens sur ce problème du racisme. En concert au Botanique, 10 novembre, 20 h. Sur scène, pendant la tournée : Jean-Paul Bourelly, Tutu Puoane, Christie Dashiell, Marcus Strickland, Andy Milne, Sharrif Simmons, David et Marque Gilmore, Federico Gonzalez Peña, Reggie Washington, Adam Falcon, Sonny Troupé, Gene Lake, DJ Grazzhoppa, Jacques Schwarz-Bart.

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