Une dizaine d’enquêtes en cours pour trafic d’antiquités en Belgique

La Belgique, plaque tournante du trafic international d’œuvres d’art. C’est la réputation qu’elle traîne depuis de longues années. En théorie, rien ne devrait le permettre, mais dans les faits, c’est très différent. En 2009, comme de nombreux autres pays, la Belgique a ratifié une convention de l’Unesco par laquelle elle s’engage à contrôler l’importation et l’exportation d’antiquités. En réalité, la Belgique serait une passoire. Dans le milieu de l’art, il est de notoriété publique que lorsqu’un trafiquant est en possession d’une pièce dont la provenance n’est pas nette, il lui est grandement conseillé de passer par la Belgique. Pourquoi ? Les contrôles y sont presque inexistants. Il lui est donc aisé d’obtenir une licence d’exportation qui lui permet, par la suite, de garantir une origine licite à sa marchandise. Concrètement, il s’agit de blanchiment. « Ça a encouragé des commerçants étrangers animés de mauvaises intentions à s’installer à Bruxelles », regrette l’Inspection économique. En janvier de cette année, la police fédérale a mis un terme à la cellule Arts et Antiquités, renonçant de la sorte à lutter de manière centralisée contre les trafics d’art dans notre pays. Depuis 2016, elle ne se composait déjà plus que d’un seul expert. Pendant des années, celui-ci a été le seul interlocuteur de ses collègues étrangers. Récemment, le parquet de Bruxelles a d’ailleurs dû reconnaître que « nous savons que le milieu des arts et des antiquités a profité de ce manque de moyens. A notre connaissance, aucun dossier n’a conduit à la condamnation d’un marchand d’antiquités. » « Assainir le secteur » La tâche est désormais dévolue aux polices locales et aux directions générales de la police judiciaire fédérale. Elles ne sont pas seules. Depuis trois ans, c’est l’Inspection économique qui a décidé, selon ses propres termes, d’« assainir le secteur ». « Plusieurs marchands ont ainsi fait l’objet d’enquêtes, plusieurs galeries ont été fermées et plusieurs des acteurs peu scrupuleux ont pris la fuite d’eux-mêmes », explique Etienne Mignolet, porte-parole du département. « Total : dans le pays, une dizaine de dossiers sont à l’information ou à l’instruction. Dans un dossier, deux objets ont été restitués à l’ambassade d’Egypte par le ministre de l’Economie, en 2021. Lorsque des objets sont saisis, il revient à la justice de statuer sur leur sort. » L’Inspection économique l’affirme, les antiquités égyptiennes proposées par les antiquaires dans leurs galeries ou dans les salons spécialisés sont généralement authentiques. Cela s’explique, selon Etienne Mignolet, par l’abondance d’objets archéologiques égyptiens présents sur le marché. « Ils sont soit sortis d’Egypte légalement avant 1983, soit produits de fouilles illicites et de pillages. Des œuvres majeures provenant de pillages récents ont été découvertes dans le cadre d’enquêtes de l’Inspection économique diligentées par les parquets. Des réseaux organisés transitant par plusieurs pays, notamment européens, ont été mis au jour dans le cadre d’enquêtes internationales. » Dans sa lutte contre le blanchiment, l’Inspection économique est attentive à tous les segments du marché de l’art. Elle constate qu’un segment est particulièrement sensible aux pratiques frauduleuses, celui des objets archéologiques, et en particulier, ceux provenant de zones de conflits ou d’instabilité. La révolution égyptienne de 2011 n’y a pas échappé, étant la cible de nombreux pillages et vols sur les chantiers de fouilles. « La majorité des objets vendus illégalement en Belgique sont soit le produit de fouilles illégales, soit ont été volés dans des entrepôts de chantiers de fouilles en Egypte », conclut Etienne Mignolet. « Il est très peu question de contrefaçon d’objets d’art égyptiens. »

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