Jonas Vingegaard: «Je dois déjà garder un œil sur Remco»

Il est arrivé à Singapour en famille il y a une dizaine de jours, en provenance directe des Maldives où il a savouré ses vacances avec son épouse Trine et leur petite Frida. Après, direction le Japon et Saitama pour un dernier critérium avant de penser à la nouvelle saison. La plus complexe, peut-être, celle de la confirmation, de la prolongation de règne jaune. Des considérations que Jonas Vingegaard laisse s’étouffer d’elles-mêmes dans l’air moite de la péninsule asiatique tant, à l’ombre de l’iconique et époustouflante Marina Bay Sands, ce bâtiment futuriste aux trois tours reliées par une structure en forme de paquebot géant, Jonas Vingegaard préfère éviter les prédictions. Si son naturel discret ne s’est évidemment pas noyé dans la baie de Singapour, le coureur de Jumbo-Visma assure par contre avoir trouvé comment composer avec l’éclat et les retombées de son sacre. « J’ai lu que j’avais fait un burn-out après ma victoire mais pas du tout. J’avais juste besoin de couper un peu, c’est tout. Il n’y avait aucun problème », assure le vainqueur du Tour… et du Criterium de Singapour devant Chris Froome et Vincenzo Nibali. Jonas, trois mois après votre victoire sur le Tour de France, vous revoilà « victorieux » avec le maillot jaune. Et très loin de la France. Le sentiment doit forcément être particulier… Il l’est, en effet. C’est spécial évidemment. La dernière fois que j’ai porté ce maillot, c’était sur le balcon de l’hôtel de ville de Copenhague. Un moment totalement fou. Le retrouver me procure une émotion particulière. Chaque journée pédalée avec ce maillot sur les épaules est une journée que je n’oublierai jamais. Le faire ici, à Singapour, apporte d’ailleurs un parfum de Tour de France loin de l’Europe où se disputent la majorité des courses. Pour le vélo, c’est important de s’exporter loin de ses routes habituelles. Quand êtes-vous arrivé dans la péninsule malaise avec votre petite famille, votre épouse Trine et votre fille Frida ? Il y a une dizaine de jours, après nos vacances (NDLR : aux Maldives). Nous en avons profité pour visiter les parcs et les superbes jardins qu’il y a ici. Et puis, comme ça, j’ai déjà pu me familiariser avec le climat local, très chaud et très humide… c’est vraiment différent du Danemark (rires). Du coup, vous n’étiez pas à la présentation du Tour de France, jeudi dernier… Malheureusement, non. Mais j’ai jeté un œil au parcours et je pense que c’est un Tour bien balancé, avec un peu de tout. Pas des masses niveau chrono mais plus de montagnes, ça s’annonce pas mal du tout même si c’est vrai que j’aurais peut-être voulu un peu plus de kilomètres en contre-la-montre. A fortiori à la fin de l’épreuve, ce qui aurait été à mon avantage mais bon, c’est comme ça. Et ça ne modifie en rien ma perception de ce tracé. Je pense toujours que c’est un bon Tour… Où vous serez de la partie ? En fait, nous n’en avons pas encore parlé. On doit d’abord le faire avec l’équipe puis on verra. Certes, mais votre volonté personnelle, c’est de défendre votre maillot jaune l’année prochaine au Grand Départ de Bilbao ? On doit d’abord en parler, analyser le tracé et le comparer à celui du Tour d’Italie par exemple. Mais oui, ma préférence serait d’être au départ du Tour de France l’année prochaine pour défendre mon titre. Faire les deux, cumuler Giro et Tour, me paraît par contre compliqué à l’heure actuelle. Dans le futur, je pourrais peut-être le tenter mais, pour l’année prochaine, je dois choisir. Dans l’absolu, j’aimerais gagner les trois Grands Tours mais c’est juste que là, je suis logiquement dans l’expectative. Les gens s’emballent un peu sur ma présence ou pas l’année prochaine au Tour de France mais pas moi (sourire). Donc, c’est un oui tout proche de la certitude… De mon point de vue et en toute logique, ma préférence va au Tour de France, oui. Mais c’est une combinaison de plusieurs choses. Nous avons un camp d’entraînement en décembre avec l’équipe, on va y définir les plans et on verra ce que ça donne. Il s’agira surtout de mettre sur la table ce que ce Jumbo veut, ce que les coureurs veulent. Si je veux par exemple absolument faire le Giro, ils vont bien sûr écouter mes arguments mais s’ils ont un autre point de vue, je m’y plierai. Mais, je me répète, rien n’est acté… Vous seriez candidat pour repartir avec la même formule que sur votre Tour victorieux ? Soit en tant que coleader, en partageant les galons avec Primoz Roglic ? Nous avons montré sur le Tour comment nous travaillons tous les deux. Je pense qu’on peut vraiment combiner nos forces (NDLR : comme dans l’étape du Granon), qu’on est deux très bons coleaders avec Primoz. Sur le Dauphiné qu’il a gagné, par exemple, j’étais surtout là pour affiner ma condition, je venais sans attente, sans visée spécifique sur la victoire. Pour le Tour, les rôles étaient définis. Nous avions le même statut et on en a tiré, je pense, le meilleur parti. Votre victoire sur la Grande Boucle a-t-elle chamboulé votre vie ? Oui, il y a une petite différence (sourire). Je suis plus souvent reconnu dans la rue mais quand je suis à la maison, chez moi au Danemark, honnêtement, il n’y a pas grand-chose qui a changé. En tout cas, moi, je suis resté la même personne qu’avant ma victoire sur le Tour. J’arrive toujours à aller m’entraîner seul, par exemple. La reconnaissance, l’aura de la victoire, je ne dirais pas que c’est difficile à appréhender pour moi mais je ne suis pas le gars qui aime ça non plus. Disons que je compose juste avec. Justement, vous vous êtes fait à la lumière du succès ? Lors du Tour, vous aviez confié à plusieurs reprises que ce n’était pas spécialement votre truc. Je ne veux pas me prendre la tête avec ça, me laisser atteindre par toute cette nouvelle reconnaissance. La lumière, comme vous dites, je ne la cherche clairement pas mais ce n’est pas comme si je ne l’aimais pas du tout non plus. En fait, je pense que je serais heureux aussi si j’avais une vie où personne ne me reconnaît mais en même temps, mon nouveau statut n’est pas une contrainte. En tout cas, je n’y vois aucun problème, même si on va dire que je ne l’adore pas. Une dernière question : venant de Belgique, impossible de ne pas vous demander ce que vous pensez de Remco Evenepoel et de sa victoire sur la Vuelta… Et aux Mondiaux… C’est un grand, c’est l’un des meilleurs coureurs du monde sur les courses à étapes. Du coup, je dois déjà garder un œil sur lui. Remco, c’est l’un de mes plus grands concurrents avec Tadej Pogacar. Après, le Slovène est encore d’un autre niveau.

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