«Overdose» d’Olivier Marchal, une équipée très sauvage

L’ex-flic (à la PJ notamment) devenu réalisateur et acteur, qu’on a pu voir depuis trois ans en télé dans la série Les rivières pourpres , porte à l’écran une adaptation haletante de Mortels trafics , un bouquin de Pierre Pouchairet, prix Quai des Orfèvres 2017. Overdose est son septième long-métrage déjà. [scald=29585204:sdl_editor_representation] Le fil rouge, c’est ce go fast sur lequel se greffent deux enquêtes. On se dit surtout que les trafiquants sont de moins en moins discrets, comme dans la réalité si on prend par exemple Anvers en Belgique, où la violence liée au milieu de la drogue éclate désormais en plein jour. Quelque chose aurait changé ? Olivier Marchal : Ils s’en foutent, les mecs ! Alors, je n’ai jamais fait d’affaire de go fast, et à mon époque, ça commençait à peine, mais j’ai beaucoup parlé avec les douanes. Maintenant, les mecs sont payés 20.000 euros pour une traversée Espagne-Paris. Ils embarquent et ils foncent. J’ai rencontré des propriétaires de stations-service où ils s’arrêtent : les mecs sont chargés à la coke, au Redbull, aux acides. Ils n’ont plus aucune conscience, comme un terroriste qui va se faire sauter la gueule ! Ils savent qu’il y a 20.000 à l’arrivée et ils y vont. Ça passe deux fois sur trois. Ça peut paraître peu crédible mais c’est comme ça. J’ai vu des vidéos : ils s’arrêtent à la pompe, font le plein, laissent un billet de 500€ pour six canettes de Redbull et ils n’attendent même pas la monnaie. Ils sont pressés, et il ne faut surtout pas croiser leur route parce qu’on ne sait jamais comment ça peut se passer ! Dans le film, le seul de ces personnages-là un peu humain, c’est cet ancien pilote de course. Il est le seul ? Oui, et d’ailleurs c’est un taiseux pendant tout le film. Le personnage était moins développé dans le roman mais justement, j’ai voulu en faire ce type qui est là parce qu’il a des dettes, une petite fille et le dit : « J’ai mis le nez dans le go fast mais je ne ferais jamais de mal à des enfants. » Il est en retrait, juste là pour prendre son billet, et puis en même temps pour l’adrénaline de la conduite en tant qu’ancien pilote. Mais oui, j’avais une affection pour ce personnage. Et pour Raynal, évidemment, le flic infiltré… Après, les autres, je les ai traités à hauteur d’homme. Pour Alberto Ammann qui joue Eduardo, la référence, c’était Benicio Del Toro dans Savages d’Oliver Stone. Le mec qui tue, qui est une ordure. Je ne porte pas de jugement là-dessus mais surtout, je ne voulais pas qu’on lui porte de l’affection. Je l’ai filmé, lui a joué comme un animal qui n’a pas de sentiments. Tout ça, on l’a travaillé, lui et moi, on a inventé une bio pour le personnage et en même temps, on s’y attache. Bizarrement… [scald=29585203:sdl_editor_representation] L’un des flics des Stups de Toulouse est incarné par Bruno Lopes, alias Kool Shen de NTM. Pourquoi ça a collé avec lui ? Je ne suis pas fan de NTM, ce n’est pas ma génération. Je suis plutôt MC Solaar, Alliance Ethnik, et le rap s’arrête là pour moi. Avec quelques tubes d’Eminem qui ont décoiffé un peu à l’époque. Mais je m’y connais pas assez. Je suis resté au classique : Léo Ferré, Nougaro, Reggiani, de la chanson française, et puis David Bowie, les Stones, Yes… Après, Kool Shen m’a toujours intrigué. Le duo, parce que je connais les deux. Joey est un mec très attachant aussi, qui a une violence en lui, toujours à fleur de peau. Bruno, c’est un type plus réfléchi, qui tient de l’animal. Mais je trouvais que le tandem était très intrigant. Après, j’ai écouté un peu NTM avec mes enfants, et je trouve qu’il y a une grande qualité dans leur travail. C’est pas pour rien qu’ils sont devenus ce qu’ils sont devenus… Mais Bruno, je l’avais vu dans un film et j’adorais sa gueule. J’aime son côté prolo, comme le mien. Lui, il a grandi dans la rue. Moi j’étais flic, donc j’ai appris à l’apprivoiser ou en tout cas à me faire apprivoiser par elle, si tant est qu’on puisse le faire, et j’ai travaillé avec des mecs, des copains voyous. Bruno, c’est un type qui a un parcours, et le respect des mêmes valeurs que les miennes, que nous ont inculquées nos parents. Il ne flambe pas avec sa réussite. Dans le travail, il est hyper-pro, hyper-réglo. Et c’est aussi un joueur de poker extrêmement doué. En fait, Bruno, on le prend pour sa gueule et après, on apprend à l’aimer. Le film s’ouvre sur une citation de Walt Breslin : « Le monde est un sale endroit et je ne vaux pas beaucoup mieux. Mais on doit chercher à l’améliorer. Voilà pourquoi je suis là. J’essaye de faire quelque chose. » Ce Breslin, agent de la DEA, est un personnage de la série Narcos, mais quant à son existence réelle, c’est plus nébuleux ! C’est nébuleux parce qu’on évoque l’équipe qui est arrivée au Mexique pour dessouder les mecs qui avaient torturé et tué l’agent de la DEA. Je pense qu’il s’agit d’un pseudo. Mais si j’ai cité le personnage, c’est parce que je le pense. Je trouve que c’est la plus belle définition du monde et de l’humanité. La vie est belle, mais le problème est qu’on nous l’impose dans un monde qui est pourri. Et quand on est flic, on ne vaut pas mieux. Quand on est flic, on n’est jamais obligé de faire des choses pas bien, sauf que quand on les fait au moment où on les fait, on se dit que c’est bien pour la société, la résolution de l’enquête, la découverte de la vérité, c’est bien pour les victimes, pour les familles des victimes… Et parfois, on fait des trucs un peu dégueulasses, qui nous marquent et ça déteint. Mais comme il dit : on fait ce qu’on peut pour essayer d’améliorer tout ça. Vous diriez ça de vous aujourd’hui en tant qu’auteur et réalisateur ? Vous pouvez apporter quelque chose ? Je crois que j’apporte quelque chose aux aficionados du polar. Après, je n’ai pas la prétention de me mettre dans la corbeille des plus grands réalisateurs français. Mais je touche du bois : pour l’instant, tout ce que j’ai fait comme réalisateur a marché au-delà de mes espérances, et j’ai un public qui me suit. Mais à chaque fois qu’on sort un film, on se dit que c’est peut-être celui-là où on va prendre la tôle. Que tout d’un coup, les gens vont dire : « Oui mais Marchal, il fait toujours du Marchal ! » J’ai mes codes mais en même temps, c’est ce qui marche et c’est ce que les gens aiment. Mais pas toujours la critique ? Il y a les pressions d’une certaine presse, de gens qui vous canardent, les critiques qui vous allument tout le temps. Ils ont une méchanceté parfois outrancière. Vous savez, c’est le principe : sur 10 avis, on vous fait 9 compliments, et vous allez retenir le mec qui dit « c’est un trou du cul, gnagnagna… » Et on se dit que peut-être, il n’a pas tort, que je m’enferme dans un truc. Oui, je fais toujours des polars. Mais je pense que ce film-ci, même s’il y a quelque chose des Lyonnais , de MR73, Braquo ou Bronx , il est quand même différent et c’est pour ça que j’ai accepté. Il est plus aérien, on n’est pas dans des trucs crados, les flics sont clean… Vous savez, je calcule rien. J’écris et je tourne avec le cœur, et avec tous les défauts qui peuvent être les miens. En tout cas, je fais des films pour le public. A propos d’Overdose , vous dites attendre aussi le verdict des flics : pourquoi ? J’ai fait des polars que le grand public aime, et que les flics adorent. Mais bizarrement, après, beaucoup disent aussi qu’ils comprennent le côté fantasmé, même s’ils trouvent parfois que c’est un peu too much. Ici, c’est l’adaptation d’un roman qui a eu le prix Quai des Orfèvres. Sa particularité est que le jury est constitué de magistrats, de flics, de hauts fonctionnaires de l’Etat, et que le roman doit être le plus proche de la véritable procédure. Moi, j’ai toujours gardé un fond de vérité mais pour la forme, j’ai pris des libertés pour faire du spectacle. Ici, je me suis attaché à ce que l’enquête soit la plus crédible possible, comme dans le roman. Et les flics qui l’ont déjà vu, ils ont adoré. Parce que pour la première fois, il n’y a pas de ripoux, on est avec les personnages de Sofia, de Bruno Lopes. Ils sont un peu borderline, les stups de Toulouse, mais ils ne sont pas dans la démesure comme mes personnages de Braquo ou de Bronx ont pu l’être. Je voulais être au plus près de la véracité de l’enquête et de la collaboration entre services. Qu’est-ce qui a poussé alors l’ancien flic que vous êtes à fantasmer des personnages et des intrigues ? Je pense que j’ai voulu être flic à cause du cinéma. Après, je me suis retrouvé comme un flic lambda, lâché par tout le monde, conspué par une certaine presse, l’opinion publique, après admiré, puis gerbé… Être flic, c’est accepter les montagnes russes mais c’est un peu fatigant. Surtout quand vous êtes désapprouvé par les politiques qui n’ont jamais vraiment pris en compte les problèmes de la police. Comme j’ai voulu être flic à travers le cinéma, j’ai rendu hommage aux gens avec qui j’ai travaillé, mais en les magnifiant un petit peu par le biais du cinéma. Le fond de ce que je raconte est vrai, la forme, je la looke,

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