Maurice Dantec, mort d’un cyborg réac

Maurice G. Dantec (il tenait à son G) est mort. Il a succombé à une attaque cardiaque chez lui à Montréal. Il avait 57 ans. Né à Grenoble le 13 juin 1959, il avait émigré au Québec en 1998, fuyant la France. Et avait même acquis la nationalité canadienne. Il se considérait comme un écrivain américain de langue française. Dantec était un écrivain d’aujourd’hui, résolument ancré dans la réalité contemporaine. Loin de toute cette littérature française qui se regarde le nombril avec une autosatisfaction revendiquée, lui, il explorait. Le/les futur(s), pour écrire comme lui en association/dissociation. Il extrapolait le présent et l’enchaînait sur le fleuve de demain, auscultant les bras du delta de l’avenir. C’est l’humanité qui le passionnait, ce qu’elle doit devenir. Créature conquérante qui doit affronter la nouvelle frontière qu’est l’espace, l’homo sapiens est en marche pour muter en homo sapiens sapiens, nouvelle espèce connectée technologique, prolongée scientifique, habitée symbiotique. Sorte de cyborg humain, l’être de demain colonisera Mars puis les étoiles. [scald=1471522:sdl_editor_representation] C’était un forçat du style et de la narration. Version électrocution. Mise en scène éclatée, ellipses nombreuses. Vocabulaire techno-scientifique. Irisation des décors. Comparaisons stupéfiantes, style : « Ce fut aussi beau qu’un orage gorgé d’éclairs translaté à l’horizontale. » Imprégnation permanente de rock. Poésie sidérale. Ses personnages sont forts. Des pionniers, des vrais durs, capables de se battre pour leur vie et pour leurs rêves. Des types de la trempe des héros de John Ford. Mais sans ce côté naïf qui rendait ceux-là sympas. Dantec était aussi un mystico-facho, un croisé de l’Occident chrétien menacé par les hordes islamistes. Il se disait chrétien sioniste, royaliste, favorable à la peine de mort, opposé à l’Union européenne, qu’il trouvait décadente. Un réactionnaire obnubilé par le futur et l’évolution de l’homme. Quelles que soient néanmoins ses opinions, quels que soient aussi ses ratages (trop de ses romans sombrent dans l’incohérence, se parent d’oripeaux technos abscons, sont verbeux, complexes et complaisants), Dantec laisse une œuvre forte résumée en quelques romans formidables : La sirène rouge, Les racines du mal, Babylon Babies (tous trois chez Folio), Satellite Sisters (Ring). Son dernier roman, Les résidents (Inculte, réédité chez Actes Sud Babel noir), est toujours aussi prolifique, trash, noir de chez noir, techno-polar et émaillé de pures merveilles. Un monde hyperfictif Les mondes qu'inventait Dantec sont toujours trash. Pouvoirs centralisateurs, mafias omniprésentes, techniques et biotechniques, contrôle permanent, assassins professionnels, riches richissimes et pauvres pauvrissimes. Juste vingt à trente ans d'avance sur le nôtre. « La fiction, c'est à la fois une image du monde dans lequel on vit et sa projection éventuelle dans le futur, mais ici corroborée par un certain nombre de faits, m’avait-il dit en 2005. Le monde que je décris est déjà là, maintenant, sous forme embryonnaire. » Il ajoutait : « On vit dans un monde hyperfictif, où tout doit aller bien, où on est tous potes, où il n'y a aucun problème avec l'islam ni aucun choc de civilisations. L'islam, aujourd'hui, c'est comme le communisme hier : impossible de remettre en cause ses bases. » On aurait souvent préféré qu’il se contentât d’écrire.

Votre compte

Maurice Dantec, mort d’un cyborg réac

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Culture

«Marginales» s’attaque à la phallocratie

Damso annonce la fin… avant la suite

Portrait La mort du géant de fer, Paco Rabanne

Enquête ouverte pour vol et chantage après une plainte d’Aya Nakamura

Tous les billets pour Tomorrowland ont été vendus

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Ballon «espion»: les Etats-Unis ont abattu l’engin chinois (vidéos)

Analyse Au Cercle, le Standard a craqué dans les derniers instants

Hadja Lahbib en visite au Congo: «Il est urgent que la RDC se ressaisisse»

Guerre en Ukraine: l’armée ukrainienne déjoue un assaut russe contre Bakhmout

Une étude (et la N-VA) remet la défédéralisation de la justice à l’agenda

Egbert Lachaert (Open VLD) sur la prolongation du nucléaire: «Il faut une nouvelle loi avec de nouveaux délais»

30 années au service d’une passion : le métier d’infirmière

Des soins intensifs polyvalents et à la pointe des technologies

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel