Quinze ans plus tard, Axel Witsel rassure toujours au sein des Diables rouges

Si les défaites font, comme les victoires, partie intégrante de votre histoire, il est parfois plus facile de les laisser dans un coin profond de votre tête. Cette sombre soirée de mars 2008 n’est peut-être plus dans vos mémoires tant son issue fut honteuse pour nos Diables rouges. Peut-être car tout compte fait, on a tous, de près ou de loin, un ami ou une connaissance marocaine ou d’origine prête à vous charrier pendant des mois. Quatre buts (1-4) dans un stade Roi Baudouin forcément partagé, les Lions de l’Atlas avaient humilié les joueurs de René Vandereycken lors d’un match amical spécial entre deux très bons ennemis. A ce jour, la seule victoire du Maroc face à la Belgique en trois confrontations. [scald=29654594:sdl_editor_representation] Axel Witsel est, avec les onze marocains présents à l’époque sur la pelouse, peut-être le seul joueur à garder un bon souvenir de cette rencontre. Car elle fut le point de départ d’une histoire qui se poursuit aujourd’hui au Qatar, la première des 128 caps d’un joueur « au mental exceptionnel » à entendre ses anciens sélectionneurs, qui a contribué à mener les Diables rouges vers les sommets. A l’époque, le Liégeois n’avait pas la même touffe de cheveux sur la tête, et c’est peut-être ce crâne pratiquement vierge qui lui avait permis de marquer son premier but sous la vareuse nationale après… cinq minutes sur le terrain. Pas mieux que Michy Batshuayi, quelques années plus tard, qui y était parvenu après seulement trois face à Chypre ! Il y a presque quinze ans, Axel Witsel n’imaginait peut-être pas que sa carrière internationale n’allait pas se résumer à ses capacités devant le but (douze réalisations). « Il ne faut pas oublier qu’au Standard, où son niveau était fantastique, il jouait davantage comme un numéro 10 », rappelle Georges Leekens, plongé dans ses mémoires de sélectionneur national (2010-2012). « Il n’a pas perdu cette faculté à marquer des buts, sur phase arrêtée mais aussi dans le jeu. C’est intéressant de voir son évolution sur le terrain, où il est petit à petit redescendu pour finalement devenir un milieu défensif fidèle à la tradition. » Aujourd’hui, il est même devenu un défenseur central occasionnel sous les ordres de Diego Simeone à l’Atlético de Madrid. « Et s’il finit dans les buts, il le fera sans broncher ! », s’amuse notre interlocuteur. Wilmots et Leekens ne l’ont mis qu’une seule fois sur le banc Il faut dire que ce qui caractérise Axel Witsel, c’est aussi et surtout cette propension à se plier en quatre pour l’équipe, qu’importent les consignes. « Ce n’est pas une grande gueule », assure-t-on dans le giron des Diables. Marc Wilmots lui avait d’ailleurs collé un rôle de back droit le temps d’une rencontre amicale en Suisse en 2016, expérience non-renouvelée par la suite à ce poste dévolu à Laurent Ciman. L’intéressé s’en était plutôt bien sorti, mais l’ancien sélectionneur s’était rapidement rendu compte qu’il ne pouvait pas se passer d’Axel Witsel au milieu du terrain. « Il réfléchit pour les autres avant qu’ils ne perdent le ballon », expliquait Marc Wilmots il y a peu. « Des profils pareils, il n’y en a pas deux en Belgique. Et c’est la raison pour laquelle sa présence est indispensable. » [scald=29654595:sdl_editor_representation] Sous ses ordres, Axel Witsel n’a en effet commencé qu’une seule rencontre sur le banc sans en sortir : c’était face à la Corée du sud au Mondial 2014, dans un match sans enjeu pour des Diables rouges déjà qualifiés pour les huitièmes de finale. Avant lui, Georges Leekens ne pouvait également pas se passer de ses services : il lui avait préféré l’expérience de Timmy Simons lors du rendez-vous capital contre l’Allemagne, lors des qualifications pour l’Euro 2012, mais ce fut là sa seule absence de marque. En 128 matchs, Axel Witsel n’a d’ailleurs débuté qu’à six reprises sur le banc. « Partout où il est passé, de Benfica à l’Atlético, en passant par le Zenit et Dortmund, il a toujours été très apprécié par ses coachs qui l’ont rarement mis comme remplaçant », pointe le Limbourgeois. « C’est un joueur qui rassure. On ne peut jamais lui reprocher grand-chose. Il a toujours pris ses responsabilités, même très jeune, comme lors de ce match contre la Turquie (il avait manqué un penalty, NDLR) qui nous a peut-être coûté la qualification pour l’Euro 2012. » Comme ses prédécesseurs, Roberto Martínez a parfois expliqué que c’est le nom d’Axel Witsel qui revenait en premier lorsqu’il fallait composer son onze de base. Le Catalan l’a placé à 55 reprises sur le terrain, ce qui en fait le quatrième Diable rouge le plus utilisé sous l’ère Martínez, derrière Toby Alderweireld, Jan Vertonghen et Thibaut Courtois. « Partout où il va, je suis certain que les coachs qui font leur équipe mettent Axel parce que tu sais que tu auras toujours un rendement, il est efficace. Quand il n’est pas là, tu sens la différence », estime Jean-François Gillet, ex-coéquipier mais surtout grand ami d’Axel. « Un leader chic » Précieux et apprécié par ses entraîneurs donc, l’ancien Rouche a pourtant, comme d’autres, souvent fait l’objet de critiques, notamment sur son jeu. « Trop lent », « trop latéral » pour un garçon qui finalement ralentirait le jeu des Diables rouges en ne prenant que trop rarement de risques. « Ceux qui ont pu tenir ces propos ne connaissent rien au football », coupe d’emblée Georges Leekens. « La mission première d’un milieu défensif est de récupérer les ballons et de les transmettre à ses partenaires. Ça, c’est ce que faisait un numéro 6 traditionnel comme Francky Van der Elst ou Timmy Simons. C’est ce que demande le coach. Aujourd’hui, Axel sait faire beaucoup plus que ça, d’où son importance. Il crée du liant entre la défense et l’attaque, il a une capacité de scanning qui est fantastique. Et en plus de cela, il possède des aptitudes physiques qu’il ne faut pas sous-estimer. Depuis qu’elle a perdu Marouane Fellaini, la Belgique en a bien besoin. » Un aspect de son profil que l’on oublie parfois, surtout depuis que l’arrivée d’Amadou Onana dans le groupe national exacerbe la différence de gabarit entre les deux hommes. « Va essayer de te frotter à lui, il est en pierre ! », assure Jean-François Gillet. « Quand tu te frottes à lui, ça fait mal. C’est un arbre, physiquement, il est impressionnant. Il a une belle couverture de balle, il faut en effet se lever tôt pour lui prendre. » En 2019, le départ de Vincent Kompany a laissé un vide dans le vestiaire mais, comme Romelu Lukaku, Kevin De Bruyne et Jan Vertonghen, Axel Witsel s’est découvert des qualités de leadership qu’il ne soupçonnait pas vraiment. « Ce n’est pas quelqu’un qui guide les autres dans la verbalité (sic), il n’a pas besoin de crier pour se faire comprendre », conclut Georges Leekens. « C’est quelqu’un d’intelligent qui sait facilement trouver les mots pour faire passer un message, en restant doux. C’est un “leader chic”. A 33 ans, il n’est définitivement pas vidé. Onana est un joueur prometteur, mais la Belgique devra trouver un remplaçant à Witsel qui pourra rester en place et ne pas trop s’éparpiller. Car être bon dans le milieu de terrain ne signifie pas forcément que vous devez courir partout sans réfléchir. »

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