La Belgique n’échappe pas aux visées financières du Qatar

La polémique sur l’organisation de la coupe du monde au Qatar ne fait que s’amplifier, au fil des jours. Mais au fait, que pèse aujourd’hui le Qatar dans l’économie belge ? Un économiste du CRISP (Centre de recherche et d’information sociopolitiques), David Van Den Abeel, a fait l’exercice en épluchant une série de sources et de bases de données. Le résultat de ses recherches sera publié ce lundi sur le site web du Crisp. Une étude que Le Soir a pu consulter. Elle montre que le volume des investissements qataris a varié au fil du temps, dans notre pays, mais que des investissements sont toujours bien présents, notamment en Wallonie. Les premières marques d’intérêt réelles de Qataris pour le marché belge se sont produites quasiment par hasard, explique le Crisp. A la fin des années 80, Hamad ben Khalifa Al Thani, alors prince héritier et qui allait devenir quelques années plus tard l’émir du Qatar jusqu’en 2013, se lie avec un ancien décathlonien belge, engagé au Qatar pour y développer l’athlétisme. Il se lance dans une série d’investissements, principalement immobiliers, dans la région de Malmedy dont est originaire son nouvel ami, comme l’a décrit en 2019 le magazine Medor. Plusieurs de ces sociétés malmediennes sont toujours actives à l’heure actuelle, précise le Crisp. Le Qatar, l’autre pays du chocolat Mais le Qatar ne s’en tient pas à ces activités immobilières quelque peu marginales. En 2006, un autre membre de la famille, Sultan ben Jassem Al Thani, entre dans le capital de la chocolaterie liégeoise Galler. Une participation qui va croître au fil des ans, au point qu’il en devient l’actionnaire unique en 2018. Depuis 2020, des investisseurs belges (dont le fonds d’investissement liégeois Noshaq) sont à nouveau présents dans Galler Holding, par le biais d’augmentations de capital. Sultan ben Jassem Al Thani reste cependant l’actionnaire principal de la société, avec 70 % des droits de vote, indique le Crisp dans son étude. C’est en 2012 que la famille Al Thani va peser le plus lourdement dans l’économie belge, en faisant son entrée dans la gestion de patrimoine, via l’ex-premier ministre qatari, Hamad ben Jassem Al Thani. Par l’intermédiaire de la société luxembourgeoise Precision Capital, il fait l’acquisition de Kredietbank Luxembourg European Private Bankers, qui détient Puilaetco en Belgique. Precision Capital acquiert également près de 90 % de Dexia Banque Internationale à Luxembourg, qui ouvre un établissement en Belgique en 2013. Les activités belges de Dexia Banque Internationale seront rachetées en 2015 par Puilaetco. En 2020, Quintet a fusionné toutes ses filiales en Europe, y compris Puilaetco, les transformant en succursales. Les intérêts qataris belges dans la finance glissent ainsi vers le Luxembourg, mais le groupe, devenu l’un des géants européens de la banque privée, conserve sept établissements en Belgique. Frontière floue entre famille royale et Etat A côté de la famille Al Thani, l’Etat du Qatar a lui aussi réalisé des investissements en Belgique, même si la frontière entre celui-ci et les investissements réalisés par la famille royale est parfois bien ténue, détaille le Crisp dans son analyse. En 2010, via le puissant fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA), son bras financier, l’Etat du Qatar a créé Qatar Airways, pour gérer ses activités cargo aux aéroports de Liège et de Zaventem. Cette compagnie aérienne est toujours active aujourd’hui. Par ailleurs, c’est une institution publique du Qatar qui a, via deux sociétés, l’une luxembourgeoise et l’autre belge, pris en 2012 le contrôle du club de football d’Eupen, alors proche de la faillite. En quelques années, l’AS Eupen s’est retrouvé en première division où il évolue encore cette saison. Présence limitée mais pas anecdotique Aujourd’hui, dix-huit sociétés contrôlées par des investisseurs qataris sont toujours actives en Belgique, note le Crisp en tirant le bilan de cette présence économique. Beaucoup d’entre elles sont spécialisées dans l’immobilier. En 2020, les capitaux qataris en Belgique ont fondu suite à la fusion de Puilaetco Dewaay Private Bankers avec sa maison-mère luxembourgeoise. « Restent une série d’investissements limités et plutôt hétéroclites mais qui sont loin d’être sans portée », note David Van Den Abeel, l’auteur de l’étude. « Et la possession, même temporaire, d’une banque privée belge reste un événement auquel il convient d’être attentif ».

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