«La mélancolie sans porte de sortie, ce n’est que la désolation»

Comment vous sentez-vous dans cette époque ? Bizarrement, je pense que la différence de rythmes entre notre époque et moi est bénéfique. Parce que se détacher d’un monde qui va si vite, c’est intéressant, ça crée une tension. Je préfère être dans une ville très active, où je me crée un petit refuge, dont je peux sortir et recevoir énormément de stimuli, qu’être isolé, perdu dans une montagne. Je ne suis pas sûr que ce soit inspirant pour composer, car là, seul dans la montagne, il n’y a pas de tension. Vous avez 26 ans. On vous dit très mûr, depuis vos débuts… Je ne crois pas être plus mature qu’un autre. Selon moi, la maturité porte davantage sur la recherche et la rencontre d’un équilibre que sur ma musique. Et ma vie est loin d’être équilibrée. La musique prend toute la place et écrase tout sur son passage comme un train qui roule et roule. Je pense que je me considérerai comme mature le jour où je serai capable d’arrêter momentanément ce train. Mais je n’y suis pas. Vous avez recours à la méditation… Oui, j’essaye d’en faire dix minutes par jour. C’est parfois difficile de s’y tenir, mais je sens que c’est nécessaire. J’ai une tendance à cogiter énormément. Et la méditation me centre, elle me ramène sur Terre. Vous revendiquez une grande sensibilité. Pensez-vous qu’elle influence votre manière d’écrire, de chanter ? C’est une question que je ne m’étais jamais posée avant qu’elle émerge dans des interviews. J’ai constaté aussi l’inconfort de certains hommes quand ils étaient confrontés à cette sensibilité que je dévoile, en tant qu’homme. Mais avant tout cela, je ne m’étais jamais posé la question. Peut-être est-ce parce que j’ai été élevé par ma mère ? Peut-être est-ce parce que, très solitaire, je ne me suis jamais soucié des pressions sociales ? Je pense qu’enfant, je ne savais pas ce qui était « attendu » d’un homme. [scald=29670281:sdl_editor_representation] Vous voyez-vous devenir père ? Oui, un jour. Mais je souhaite d’abord trouver cet équilibre dans ma vie. Je sais qu’on n’est jamais complètement prêt pour l’arrivée d’un enfant, mais je ne crois pas qu’il serait sage que je devienne père maintenant, pas avec la vie que je mène actuellement. Je ne sais pas très bien comment je serai, comme père. Peut-être comme ma mère. Il me semble qu’on reproduit les exemples qu’on a eus quand on était enfant, qu’on le veuille ou non. C’est beau, mais c’est aussi effrayant. Dans vos chansons, le thème de l’inclusion est souvent abordé, notamment dans l’un de vos plus grands succès, Indigo Night. Reclus, vous aspiriez à faire davantage partie d’un groupe ? Oui, mais inconsciemment. Indigo Night est un bon exemple car c’est la première chanson que j’ai écrite en étant convaincu que je n’y parlais pas de moi. Avant de me rendre compte qu’elle parlait de moi… Elle évoque mon envie d’entrer davantage en connexion avec le monde qui m’entoure, les gens mais aussi la beauté du monde qui est partout, quand on y porte attention. [scald=29670282:sdl_editor_representation] Vous avez grandi à Anvers, dans un des bastions du parti d’extrême droite Vlaams Belang. Avez-vous vécu du racisme ? Non. Mais je suis peut-être parfois naïf. Quand je suis dans un aéroport, les membres de mon équipe remarquent que le personnel de l’aéroport est suspicieux, à cause de mon nom de famille, mais je ne m’en aperçois pas. J’en suis reconnaissant, parce que c’est une violence que vivent de nombreuses personnes. La lumière est partout dans votre musique, dans vos clips. Y êtes-vous sensible ? Oui, la lumière est une belle métaphore pour l’espoir. L’obscurité sans lumière, sans espoir, c’est juste… le désespoir. Et je ne veux pas faire des chansons tristes. Il y a toujours de la mélancolie, parce que cela fait partie de moi. Mais la mélancolie sans porte de sortie, ce n’est que la désolation. On en revient à cette recherche d’équilibre, cette tension, entre la tristesse et l’espoir. Ça m’inspire. [scald=29670283:sdl_editor_representation] Vous êtes le chanteur de la quête spirituelle. Comment vivez-vous votre nouvelle célébrité ? Le seul avantage que je trouve à la célébrité est le fait qu’elle me permet de toucher davantage de personnes grâce à ma musique. Aucun autre aspect ne me plaît. Mais je me demande de plus en plus fréquemment s’il ne serait pas temps de se focaliser uniquement sur la musique, de calmer la locomotive. Et arrêter les tournées ? Non, pas nécessairement, mais trouver l’équilibre. Des tournées plus pointues, plus exclusives. Je crois que ça n’aurait que du positif. Pour ma créativité, ma tranquillité d’esprit, ma vie de famille, mes amis… J’ai toujours besoin de créer et les tournées me limitent et cela me pèse. Mais ce besoin de créativité est parfois une lutte. C’est essentiel dans ma vie, si essentiel que ça prend toute la place. Mais il est difficile de la garder saine tant elle est dévorante. [scald=29669921:sdl_editor_representation]

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