Photo: un Mexique tiraillé entre traditions et pauvreté

Ivan Alechin, Joris Degas, Annabelle Amoros, jusqu’au 22 janvier au Musée de la photographie, place des Essarts, Charleroi, www.museephoto.be Hasard de la programmation, le Musée de la photographie à Charleroi rassemble pour l’instant, outre la vaste exposition consacrée à Lisette Model, quatre autres propositions tournant autour du voyage, de lieux lointains à découvrir. Nous avons déjà évoqué ici le très beau travail de Sébastien Cuvelier découvrant l’Iran contemporain sur les traces d’un oncle qui y voyagea dans les années 70. Dans un tout autre style, Annabelle Amoros nous entraîne du côté de la mystérieuse Area 51 au cœur du désert du Nevada (lire ci-contre). Joris Degas, lui, s’est vu empêché de voyager au Vietnam par la faute du covid et du confinement. C’est donc entre France et Belgique qu’il a construit le passionnant parcours autobiographique baptisé En attendant Saïgon (lire ci-dessous). [scald=29680993:sdl_editor_representation] Quant à Ivan Alechin, c’est au Mexique qu’il nous entraîne, passant avec la même aisance de la campagne semblant sortir d’un autre temps à la ville avec ses architectures où transparaissent les traces de présence humaine. Ni journalistique ni touristique, le travail photographique d’Ivan Alechin semble ne répondre qu’à son seul besoin de s’informer, de rencontrer les gens, de témoigner de diverses manières de vivre et de préserver, par l’image, les traces de culture en danger. Mexico Solo Poète, romancier et photographe, Ivan Alechin propose plusieurs séries dans son exposition Mexico Solo. D’une part, on y découvre la vie du côté de la Sierra Madre occidentale. On est ici au cœur de la région habitée par les Indiens Huichols. À Tuxpan de Bolanos, Alechin prend le temps de découvrir en profondeur la culture locale, les traditions, les rites d’un peuple dont le nom local, Wiarika, signifie « peuple divin ». Il y a dans ces images l’innocence de fillettes déambulant dans les rues comme des princesses en goguette, le travail de la terre, mais aussi la pauvreté visible dans un pays subissant un désastre économique permanent. [scald=29680983:sdl_editor_representation] À première vue, ses photographies de la ville de Mexico semblent d’un tout autre style : immeubles photographiés de nuit avec leurs façades vitrées quadrillées et les innombrables petits détails témoignant de la présence humaine, jeunes prostituées dont il fait le portrait sur leurs lieux de travail… À force d’aller-retour du regard entre les deux univers, ceux-ci finissent par ne plus en former qu’un : un Mexique exsangue où les prostituées au regard vague sont peut-être d’anciennes petites princesses de la Sierra Madre et où les indiens Huichols, sans ressources, finiront sans doute par s’entasser dans ces immeubles de la capitale, abandonnant leur terre et leur riche passé. Témoignage sur l’évolution, la réalité d’un pays, Mexico Solo est aussi un remarquable travail photographique où le noir et blanc apparaît plus chargé de sens que jamais.

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