Greta Gerwig à propos de «White Noise»: «On imite toujours ce qu’on aime»

Figure du cinéma indépendant américain, Greta Gerwig fut révélée en tant qu’actrice… grâce à un certain Noah Baumbach. C’est lui qui offrit à cette égérie de la génération mumblecore les rôles qui lui permirent d’éclore aux yeux du public, d’abord dans Greenberg, puis dans Frances Ha. Aujourd’hui également réalisatrice accomplie (de Lady Bird, qui lui valut d’être la 5e femme nommée à l’Oscar du meilleur réalisateur, mais aussi de Little Women et du très attendu Barbie, avec Margot Robbie et Ryan Gosling, coécrit avec Baumbach et dont la sortie est prévue à l’été prochain), l’Américaine retrouve son réalisateur fétiche dans White Noise, une ambitieuse adaptation du roman de Don DeLillo. Ça faisait quelque temps qu’on ne vous avait plus vue devant la caméra… Qu’est-ce qui explique ce retour ? Le rôle et le film en lui-même. Lorsque Noah a commencé à relire le roman de Don DeLillo pour l’adapter, il m’a demandé de le relire aussi. Je l’avais lu à 19 ans (elle en a aujourd’hui 39, NDLR), mais je me souvenais de pas mal de répliques de manière très précise. Parce que je trouvais ça brillant, sauvage et teinté d’humour noir. En relisant cet ouvrage, j’avais exactement en tête ce à quoi devrait ressembler Babette. J’ai donc dit à Noah que j’aimerais beaucoup avoir le rôle (sourire). Il a dit oui mais j’aurais aussi accepté qu’il me dise non. Est-ce que jouer la comédie vous a manqué ? Oui ! J’ai été assez occupée, donc ce que je manquais n’était pas tout à fait concret (elle s’est surtout consacrée à la réalisation et à l’écriture depuis 2016, NDLR). Mais ça m’a manqué parce que jouer a été mon premier point d’entrée dans ce métier, dans le fait de raconter des histoires aux gens, que ce soit au théâtre ou au cinéma. Quand vous avez 15 ans, ce que vous écrivez est généralement bon à mettre à la poubelle. Donc être acteur est un bon moyen d’entrer dans quelque chose de plus grand. Je n’étais pas capable d’écrire comme Tennessee Williams ou comme Shakespeare. Mais j’étais capable de mémoriser et de jouer. C’était la première fois que j’entrais dans quelque chose que j’aimais. Donc je pense que quand je joue, ça me ramène à ce sentiment de vouloir juste faire partie de cette communauté. Est-ce que votre expérience en tant que réalisatrice implique une façon d’être différente sur le tournage ? Ça vous rappelle clairement à quel point il est compliqué de jouer la comédie. Et c’est une bonne chose lorsqu’on réalise parce que ça préserve votre admiration pour les acteurs. J’ai vraiment été actrice dans ce film. Et en tant qu’actrice, je collabore, mais j’aime aussi pouvoir m’en remettre au réalisateur. Je n’ai pas besoin de contrôler les choses et je n’en ai pas vraiment envie. Est-ce que la dynamique entre Noah et vous a changé depuis Greenberg et Frances Ha ? Pas tellement : toutes les expériences me paraissent en fait similaires. Je veux dire écrire ensemble ou moi jouant pour lui : ce ne sont pas des expériences séparées. On fait ce qu’on aime et c’est du pain bénit. Un peu comme si c’était un jeu. C’est quelque chose de très joyeux. Le budget de White Noise s’élève à 80 millions de dollars… alors que vos premiers films avec Noah étaient beaucoup plus modestes. Ça vous manque ? Faire quelque chose de grande envergure est un des plaisirs du cinéma, qui est le média le plus collaboratif. Tous ces artistes, pour les costumes, les décors, ont fait un travail incroyable. C’est fantastique de voir ce dont les gens sont capables lorsqu’on peut faire quelque chose avec un peu d’envergure. Mais le travail en lui-même reste similaire. Et ce qui est assez rassurant, c’est que le cinéma reste le cinéma. Le processus est le même : où sont les gens, où est la caméra et quelle est l’histoire. Que vous le fassiez avec peu ou énormément de moyens. J’ai fait toute sorte de films et je continuerai. Avez-vous mis certaines de vos propres peurs dans ce rôle ? J’ai essayé de les impliquer. J’ai lu beaucoup. Il y a vraiment des livres magnifiques qui ont été écrits sur la mort. Notamment Being mortal d’Atul Gawande, Quand le souffle rejoint le ciel de Paul Kalanithi. Ce sont des livres que je voulais lire, mais j’avais évité parce que, comme la plupart des gens, je pense, c’est quelque chose que je ne voulais pas voir en face. J’ai aussi essayé de lire le Livre des morts tibétain, mais je pense que j’ai besoin d’en savoir beaucoup plus sur cette philosophie pour vraiment la comprendre. C’était ma manière d’être émotionnellement investie dans le rôle. Et j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de choses que j’évitais. Le scénario est très loyal par rapport au livre. Presque littéraire même. Comment avez-vous abordé cela ? Noah et moi sommes très précis à propos du texte. Nous l’avons toujours été dans tout ce que nous avons fait ensemble. Lorsque je réalise, je ne fais pas d’improvisation. Pas un mot ne diffère du scénario. J’aime que les acteurs disent exactement ce qui est écrit. J’aime quand c’est très écrit parce que ça donne une structure. Le cinéma est évidemment un médium visuel. Vous racontez une histoire grâce à des images et à la manière dont ces images s’additionnent et interagissent. Mon amour du texte et des dialogues précis vient sans doute de mon amour du théâtre, mais aussi de certains cinéastes de la première moitié du XXe siècle, que ce soit Preston Sturges ou Howard Hawks ou Ernst Lubitsch. Ils construisaient vraiment leur scénario. C’est quelque chose que j’aime, où je me sens à l’aise. Ce sont de magnifiques films et de magnifiques réalisateurs, qui utilisent le langage du cinéma, mais aussi le langage tout court. C’est le cinéma qui me rend le plus euphoriquement heureuse, même si j’aime tous les cinémas. Et je pense qu’on imite toujours ce qu’on aime.

Votre compte

Greta Gerwig à propos de «White Noise»: «On imite toujours ce qu’on aime»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Cinéma

Tax shelter: belle reprise en 2022 avec près de 133 millions d’euros levés

Édito Tous les plaisirs du cinéma

Le petit moment qui fait du bien: reproduire les déhanchements d’Elvis avec Jim Carrey

En une nuit, Marcel...: les cinq spectacles à ne pas manquer cette semaine

Vidéo Les coups de coeur du MAD: Night Shyamalan hitchcokien et spielbergien

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Entretien Pedro Marques (S&D) sur le Qatargate: «Les socialistes n’accepteront plus les voyages payés par des tiers»

Un ancien officier de l’armée russe: «Nos troupes ont torturé des Ukrainiens»

Entretien Paul Magnette candidat à la présidence du PS… et au poste de Premier ministre

SNCB: la ligne entre Tournai et Bruxelles fortement perturbée après un accident routier mortel

Critiqué, torpillé, saboté… le projet de loi APD de Mathieu Michel va une nouvelle fois se faire recaler

Etats-Unis: des policiers tuent un Afro-Américain amputé des deux jambes (vidéo)

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Quels sont les avantages du travail intérimaire ?

Comprendre l'indexation des salaires en Belgique

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel