Optima Bank: la BNB n’a rien à se reprocher… Vraiment?

La faillite de la Banque Optima, prononcée le 15 juin dernier, suscite de nombreuses questions sur le rôle joué dans ce dossier par la Banque nationale de Belgique (BNB). Si Optima, à l’origine une société de planification financière gantoise, a obtenu la licence bancaire à la fin de l’année 2011, c’est en effet grâce au feu vert donné par la BNB au rachat d’Ethias Banque. Or, moins d’un an auparavant, l’opération avait été… refusée par la Commission bancaire, financière et des assurances, la CBFA, qui, jusqu’au mois de mars 2011, était en charge de la surveillance du secteur bancaire. Qu’est-ce qui a pu motiver ce renversement complet? Les liens entre Optima et des personnalités politiques socialistes flamandes? L’intérêt du monde socialiste (et du PS en particulier) à aider l’assureur Ethias à se débarrasser de sa filiale bancaire – une obligation imposée par la Commission européenne suite au soutien des pouvoirs publics durant la crise de 2008? La BNB aurait-elle cédé à des pressions politiques? [scald=1496757:sdl_editor_representation] Faux, ont scandé ce mardi le gouverneur de la BNB, Jan Smets et son prédécesseur, Luc Coene (qui a occupé le poste d’avril 2011 à mars 2015), devant les députés de la commission des Finances et du Budget. Ils ont développé trois arguments. Trois bonnes raisons d’accorder la licence Premièrement, ce n’était pas le même dossier. La CBFA avait mis son veto parce qu’elle jugeait qu’Optima n’avait pas, financièrement, les reins assez solides. Le prix d’achat (49 millions) était jugé trop élevé au regard des fonds propres d’Optima (45 millions), alors qu’Ethias Banque perdait de l’argent et avait un bilan peu liquide. La version 2.0 du deal, acceptée par la BNB, est sans comparaison. Dans l’intervalle, Optima a renforcé son capital et le prix a été réduit à 26,5 millions. Le bilan d’Ethias banque a été allégé, notamment d’une partie du portefeuille de crédits hypothécaires et des titres souverains grecs et italiens. Deuxièmement, la BNB s’appuie sur un courrier reçu de la FSMA (sa mission étant recentrée sur la surveillance des marchés et des produits financiers, la CBFA a changé de nom). « Cet avis de la FSMA disait clairement que, sur base des éléments dont ils disposaient, ils ne pouvaient pas conclure que les candidats administrateurs et les dirigeants d’Optima ne disposaient pas de la fiabilité professionnelle requise », a scandé Jan Smets. « D’aucune façon, il n’était fait référence aux pratiques agressives de vente d’Optima », a précisé Luc Coene. Autrement dit: malgré une réputation un peu sulfureuse, rien ne permettait de conclure que Jeroen Piqueur, l’actionnaire principal d’Optima, n’était pas « fit and proper » pour être banquier. Troisièmement, le feu vert au rachat a été pris à l’unanimité du comité de direction de la BNB – et donc à l’unanimité des partis représentés en son sein, puisque les huit directeurs ont chacun leur casquette. En 2011, le gouverneur Luc Coene (étiqueté Open VLD) était entouré de la vice-gouverneur Françoise Masai (PS) et des directeurs Jan Smets (CD&V), Marcia De Wachter (CD&V), Jean Hilgers (CDH), Norbert De Batselier (SP.A), Matthias Dewatripont (PS) et Pierre Wunsch (MR). «Je n’ai été soumis à aucune pression», a insisté Luc Coene. « Nous avons donné notre nihil obstat parce que nous pensions que le business model était viable. Mais nous avons exercé un suivi intensif, exceptionnel pour une banque de cette taille », a renchéri Jan Smets. Un suivi intesif Le gouverneur a rappelé qu’au début 2014, la BNB avait exigé qu’Optima trouve un partenaire expérimenté, ce qui s’était avéré impossible. À la suite de quoi, en octobre de la même année, elle avait finalement ordonné l’arrêt des activités bancaires. « Au bout de deux ans – pas de quatre ou cinq ans–, nous avons constaté qu’Optima Bank, avec ses actionnaires, ne rencontraient pas, malheureusement, les critères et les conditions qui permettaient d’envisager un avenir retable et serein », a poursuivi Jan Smets. La liquidation ordonnée des activités bancaires et le repli d’Optima sur son premier métier, la planification financière, auraient pu se dérouler sans heurt si l’actionnaire principal, Jeroen Piqueur avait joué le jeu et respecté les règles, ont assuré Jan Smets et Luc Coene. La BNB n’aurait donc rien à se reprocher. Pas sûr que la «démonstration» ait pleinement convaincu les députés. Certes, lors d’une inspection récente, la BNB a découvert « des transactions complexes entre Optima Bank et quelques sociétés du groupe Optima » visant à siphonner les ressources de la banque. Ce qui l’a amenée à désigner un commissaire spécial chargé d’assurer sur place le suivi de la liquidation ordonnée des activités bancaires et à transmettre un dossier au parquet de Gand. Des questions sans réponse Ces décisions n’ont toutefois pas été rendues publiques. Il a fallu en effet attendre les fuites dans la presse, le 7 juin dernier, pour que la BNB se décide, le lendemain, à tirer la prise. Autrement dit: à annoncer le retrait de la licence bancaire et, face à des tentatives de retraits par des « initiés », le blocage des dépôts. Or, ce n’est pas la première fois que la BNB constatait des irrégularités ou des pratiques discutables chez Optima Bank. Citons, en 2012/2013, des prêts accordés aux actionnaires et des rémunérations indirectes aux administrateurs via de généreux contrats de consultance; mais aussi à l’automne 2015 la sollicitation de dépôts d’acteurs publics, ce que la BNB avait formellement interdit. À chaque fois, il n’est pas sûr que la BNB ait réagi avec suffisamment de vigueur. Voilà quelques-unes des nombreuses questions auxquelles Luc Coene et Jan Smets auront à répondre mardi prochain, date à laquelle ils ont été invités pour une seconde session en commission des Finances.

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