«Déjà vu»: Quand Trump renverse les tables de la Loi

Il a beau avoir dévoilé précocement son ambition de réintégrer la Maison-Blanche en janvier 2024, Donald Trump n’a pas pour autant congédié ses vieux démons passéistes et complotistes : ce week-end, sur son réseau social Truth Social, l’ancien président a ressassé pour la nième fois ses accusations de trucage du scrutin de 2019. Cette antienne infondée ne vaudrait plus un entrefilet s’il n’avait, cette fois, ajouté qu’« une fraude massive de ce type et de cette ampleur justifie l’abolition de toutes les règles, de tous les règlements et articles, même ceux de la Constitution ». Entendez : si dans ce pays, on peut désormais impunément voler des élections présidentielles, autant jeter la Loi suprême et ses vingt-sept amendements aux orties.[scald=29689934:sdl_editor_representation] Outre-Atlantique, cette simple idée tient du blasphème civil. « La Constitution américaine est un document sacro-saint qui, depuis plus de 200 ans, garantit que la liberté et l’Etat de droit prévalent dans notre grand pays », a ainsi réagi le porte-parole de la Maison-Blanche, Andrew Bates. « Attaquer la Constitution et tout ce qu’elle représente est un anathème pour l’âme de notre nation, et devrait être universellement condamné. » De fait, cette sortie a fait à peu près l’unanimité contre elle. Ce n’est pas la première fois qu’au moment de dénoncer quelque forfaiture, Donald Trump prend à témoin les mânes augustes des Pères fondateurs de l’Amérique – qui, à l’été 1787, dotèrent la jeune république d’un nouveau système politique. Pour autant, a-t-il jamais vraiment lu la Constitution des Etats-Unis ? On serait tenté de ressortir la réponse du vieux président Harry Truman à cette même question, posée en son temps à propos de Richard Nixon : « Je ne sais pas [s’il l’a lue] mais s’il l’a fait, il ne l’a pas comprise ». Un marbre malléable… Le 1er juin 2015, alors qu’il venait tout juste de se déclarer candidat à la présidence, Donald Trump lança sa tonitruante et victorieuse campagne électorale en tweetant cette profession de foi du premier président américain, George Washington : « La Constitution est le guide que je n’abandonnerai jamais ». A l’usage, force est cependant de constater qu’entre ses mains, le marbre des « tables de la Loi » s’est révélé pour le moins malléable… Ainsi, le 5 décembre 2020, c’est au nom de la Charte fondamentale qu’il exhorta son vice-président à invalider le vote du collège électoral de Géorgie, qui scellait la victoire définitive de Joe Biden à l’élection présidentielle.[scald=29689933:sdl_editor_representation] « Mike Pence, j’espère que vous allez défendre le bien de notre Constitution et le bien de notre pays, et si vous ne le faites pas, vous me décevrez beaucoup », lança-t-il, menaçant. Or, quel que soit le litige électoral, le vice-président n’a tout bellement pas ce pouvoir constitutionnel… On connaît la suite : le lendemain, le Capitole était envahi par les troupes d’assaut du président déchu, dont les éléments les plus excités scandaient « Hang Mike Pence ! » (« Pendons Mike Pence ! »). « Les propos imprudents de Trump ont mis en danger ma famille et tous ceux qui servaient au Capitole », affirme Pence dans son récent livre So Help Me God (Simon & Schuster). La Justice fédérale devra dire si l’ancien vice-président a raison. A toutes fins utiles, la section 3 du XIVe amendement de la Constitution, ce « guide » que Trump a promis de ne jamais abandonner, stipule que « nul ne doit occuper une fonction, civile ou militaire, sous les Etats-Unis, s’il s’est engagé dans une insurrection ou une rébellion ». La voix du peuple Toute la Constitution américaine témoigne – jusqu’au fameux article autorisant la possession d’armes et la constitution de milices – que les Pères fondateurs, qui avaient fait l’expérience des diktats du Parlement et de la Couronne britanniques, se méfiaient de la confiscation du pouvoir par une personne ou par une clique.[scald=29689932:sdl_editor_representation] Ils étaient par ailleurs sans illusion sur la seule force d’un parchemin si une nation entendait se jeter dans les bras d’un démagogue et brader ses droits fondamentaux en échange d’éphémères promesses de « lendemains qui chantent ». John Adams, le successeur de George Washington, déclara ainsi : « Notre Constitution a été faite uniquement pour un peuple moral et religieux. ». En clair, c’est aux citoyens vertueux de défendre les droits et libertés conquis dans le sang par leurs aînés. De fait, ce sera au peuple américain, plus encore qu’à la Justice ou au Congrès, qu’il appartiendra de statuer sur l’avenir politique de Donald Trump. A ce propos, Robert P. George, éminent professeur de droit de l’université de Princeton, étiqueté « conservateur », vient de tweeter : « J’avais espéré que Trump ne se présenterait pas en 2024. J’estime maintenant qu’il vaudrait mieux pour le GOP (Great Old Party) et la nation s’il se présentait, et si (comme je pense que cela arrivera) DeSantis le bat et se présente à l’élection présidentielle. Il s’agirait d’une répudiation du narcissisme trumpien et de l’idéologie Woke. » Donald Trump et les activistes vent debout contre les injustices, même combat ?

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