Le robot de cuisine, le «couteau suisse» qui séduit toujours plus

Combien de Belges ont-ils acquis un robot de cuisine durant le confinement ? Impossible de le savoir exactement. Mais fabricants et vendeurs s’accordent sur un point : ils ont constaté un boom des ventes durant la crise sanitaire, et, ensuite, un maintien de celles-ci à un niveau très satisfaisant. « C’est assez simple à expliquer », affirme Caroline Vansteelandt, training manager chez Thermomix Benelux. « Durant le confinement, les gens n’ont plus pu sortir de chez eux. Beaucoup en ont profité pour cuisiner et ont découvert tout ce que les robots de cuisine pouvaient leur apporter dans cette optique. » Véritables appareils intégrés, ces robots cumulent les fonctions. Ils peuvent peser, hacher, râper, broyer, découper, émincer, battre, pétrir, mixer, émulsionner, cuire à la vapeur, saisir ou mijoter. De quoi seconder parfaitement la cuisinière au quotidien, la soulager de certaines tâches ingrates. Voire permettre à son compagnon – encore plus erratique derrière les fourneaux – de mettre la main à la pâte ponctuellement. « Si on loge quelques jours en camping, par exemple, le robot permet de s’en sortir et de manger et boire parfaitement », précise Caroline Vansteelandt. « Avec le modèle que nous avons développé, nous avons créé une plateforme avec quelque 80.000 recettes venues des quatre coins du monde que les utilisateurs et utilisatrices n’ont plus qu’à suivre. » Si modernes et perfectionnés soient-ils, ces robots ne révolutionnent pas les « fonctions » attribuées d’ordinaire aux appareils ménagers. Comme ceux inventés et mis sur le marché au cours des décennies précédentes, ils sont censés permettre à la fois une simplification des tâches et une émancipation de celles qui s’en chargent. Une contradiction majeure « L’idée de simplification est présente dès le début de l’histoire des appareils ménagers qui, dans leur version électrique, pénètrent dans les foyers les plus aisés dès les années 1920 », explique l’historien des sciences et des techniques Kenneth Bertrams (ULB). « Quant à celle d’émancipation, on la retrouve après la Seconde Guerre mondiale. C’est à partir de ce moment-là que les appareils ménagers sont présentés comme une source d’émancipation pour les femmes, assignées aux tâches ménagères. Un des slogans de l’époque le résume : “Moulinex libère les femmes”. Dans une large mesure, les robots de cuisine d’aujourd’hui véhiculent les mêmes promesses : simplifier le travail grâce à leurs multiples fonctions et permettre de gagner du temps, c’est-à-dire émanciper. » Le succès des robots de cuisine s’insère dans une autre tendance : l’engouement existant pour les émissions culinaires. « Je crois que c’est important de le rappeler », affirme Rémy Oudghiri, sociologue et directeur général de Sociovision (Ifop). « Ce type de programmes a véritablement redoré le blason de la cuisine au cours de la dernière décennie. En s’y intéressant, la jeune génération est devenue très sensible à ses vertus et a eu envie de mettre la main à la pâte à son tour. Pour autant, elle a dû faire face à un obstacle majeur : le manque de temps. Les robots de cuisine lui ont permis de résoudre cette contradiction en lui offrant la possibilité de cuisiner de façon simplifiée, en quelque sorte. » Dès lors, le robot de cuisine a quelque chose, selon le sociologue, de l’objet d’une époque, concrétisant la volonté de cuisiner de toute une génération et, par ailleurs, son envie de le faire avec les aliments les plus naturels possibles. « En la matière, la génération précédente avait comme imaginaire le micro-ondes », affirme-t-il. « Celle-ci a le robot de cuisine. »

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