Tour 1976 «Dès la présentation, je savais qu’il était pour moi»

Eddy Merckx n’est pas au départ du Tour de France 1976. Pour la première fois depuis 1973 et un choix que le Bruxellois avait alors assumé en prétextant, à raison, se concentrer sur la Vuelta (qu’il allait gagner dès sa première et seule participation, devenant alors le troisième coureur à gagner les trois grands Tours), en sachant surtout qu’il faisait de l’ombre à tout le monde sur le Tour de France où on avait envie de voir Luis Ocana l’emporter. « Je n’ai pas un souvenir précis de cette année 1973. Pour moi, il était impossible de gagner le Tour pendant les années Merckx. Impossible. Puis, en 1975, j’ai mesuré mon potentiel au-delà du simple classement de la montagne. Jusque-là, j’étais obsédé par le maillot à pois, je ne roulais pas pour le classement final. Je me suis considérablement amélioré au contre-la-montre. On n’avait pas encore de vélos spécifiques à l’époque, mais je m’entraînais davantage dans cet exercice. J’ai d’ailleurs remporté le chrono Morzine-Chatel à la fin du Tour. Que j’ai terminé à la troisième place derrière Thévenet et Eddy. Cet hiver-là, j’ai dit après la présentation : ce Tour de France de 1976 est pour moi. Je suis donc parti dans l’idée de le gagner. J’ai dit à mes équipiers très tôt, en février, que je ne visais plus les pois (maillot que Lucien Van Impe perdra pour un point derrière l’Italien Giancarlo Bellini dont ce fut presque le seul fait d’armes cycliste…) Il y avait des chronos, mais beaucoup moins longs que d’habitude. Le plus costaud faisait 40 bornes, à Auch. Or, j’avais déjà course gagnée, Ferdinand Bracke s’était imposé et j’avais fini quatrième sur un parcours qui ne m’était pas favorable. J’étais en plus dans un fauteuil. » En Belgique, on ne parlait que de Freddy Maertens qui gagnait une étape sur deux ou presque (huit en tout !) « En regardant tout cela, avec le recul, j’aurais pu gagner plusieurs fois. J’avais 28 ans en 1976, c’était donc possible. » Un grand regret : ne pas avoir gagné à L’Alpe-d’Huez Cette année-là, la Belgique n’a cédé le maillot jaune que pendant deux jours au Français Raymond Delisle, l’équipier de Bernard Thévenet. « Car, au matin de l’arrivée à l’Alpe-d’Huez, j’avais dit à Freddy Maertens que la récréation était terminée et que je lui prendrais le maillot. Ce que j’ai fait mais avec un grand regret, celui d’avoir perdu l’étape contre Zoet (Zoetemelk) à l’Alpe. Ce n’est pas le col le plus difficile du Tour, mais, aujourd’hui, je mesure que, gagner à l’Alpe, c’est mythique, et j’aurais dû le faire, moi, le prétendu meilleur grimpeur du Tour. » Claudy Criquielion : « Le dernier grimpeur belge » Avec une pointe d’émotion, une voix qui chevrote, Lucien Van Impe est clair. « Après moi, il y a encore eu un grimpeur en Belgique, c’est Claudy Criquielion. Il a tout de même fait cinquième du Tour, il était bon partout, quel palmarès ! C’est peut-être aussi le dernier coureur dont j’ai le souvenir qu’il pouvait gagner le Tour des Flandres, une Flèche, un Mondial et se classer dans le top 10 d’un Tour. Chapeau ! Il était plus puissant que moi. Claudy, c’était la grande classe, je l’ai connu très jeune, il avait neuf ou dix ans car il roulait avec mon frère, Frank. Ils étaient copains, indissociables, tour à tour témoins pour leur mariage respectif. Quand je l’ai vu chez les débutants, j’ai compris qu’il avait du talent puis il est arrivé dans mon équipe, en 1979, pour sa première saison chez Kas-Campagnolo et il finit 9e du Tour. » Johan Museeuw confirme. « Le Crique était aimé de tous, j’avais beaucoup d’admiration pour lui. Il était bourré de classe, calme, posé et sans doute trop gentil. C’était aussi un excellent meneur d’hommes, un directeur sportif dont beaucoup s’inspirent aujourd’hui. Pour moi, un mec qui peut gagner le Tour des Flandres et une classique wallonne, c’est un coureur d’exception. »

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