Massimo d’Alema: «Il faut du courage, un sursaut»

Au fond, que voteriez-vous en cas de référendum ? C’est clair : j’ai personnellement participé à la campagne du « Remain » en Grande-Bretagne, lors d’un meeting à Londres, à la Fabian society, avec Gordon Brown. Ce fut l’échec, au bout du compte. Ce qui était inacceptable, c’était l’idée, au centre de la campagne du Brexit, selon laquelle l’Europe est à l’origine du « problème » de l’immigration, ce qui est complètement faux. C’est le contraire. L’immigration est un « problème » donné auquel il faut faire face tous ensemble plutôt que chacun de son côté, et sans doute l’Europe n’a-t-elle pas de politique suffisamment forte et unie dans ce domaine. Pour le reste, la présence du Royaume-Uni était un élément de force pour l’Union, en termes de défense, de sécurité, de politique étrangère, en particulier au moment où les Etats-Unis ne sont plus capables et/ou n’ont plus la volonté d’être « la » grande puissance globale. Pour l’Europe qui doit prendre alors ses responsabilités, c’est un affaiblissement. Quant aux Britanniques, ils vont payer un prix très élevé… Ils vont payer l’absence de responsabilité d’une classe dirigeante qui a joué avec les intérêts fondamentaux du peuple britannique. Ils vont le payer dans le domaine socio-économique, aussi au point de vue géopolitique. Le Royaume-Uni aura un rôle mineur sur la scène internationale. Politisons : c’est la droite anglaise qui a provoqué le Brexit ? C’est clair. Il y a de grosses différences entre les populismes de droite et de gauche : le premier est nationaliste, le second est basé sur une critique très forte – parfois avec des raisons – des politiques économiques et sociales de l’Union, de l’euro en particulier. La droite veut détruire le projet européen – je pense aussi à certains courants en Hongrie, en Pologne –, la gauche met en cause la gestion de l’Europe, la gouvernance, mais n’a pas la volonté de la détruire. [scald=1507561:sdl_editor_representation] A ce stade, faut-il souhaiter que le Royaume-Uni quitte rapidement l’Union ? Oui. L’idée circule dans une partie de la classe dirigeante britannique : il serait possible de garder les avantages du marché unique sans participer à l’Union, en tant que membre. Il faut leur dire : « Non, Mesdames et Messieurs, vous avez le devoir moral et politique de respecter le référendum et d’appliquer l’article 50 du Traité sur l’Union ! Maintenant, vous êtes dehors, il faut assumer, et les négociations avec l’Union auront lieu ensuite. » Car, oui, l’Union européenne souhaitera ensuite trouver un accord avec les Britanniques. Un accord clair. Par exemple : s’ils désirent rester dans le marché unique, ils doivent savoir que cela signifie la libre circulation des marchandises, des capitaux ET des citoyens. Il n’y a pas de formule à la carte. En conséquence, faut-il mobiliser une Europe plus petite mais plus entreprenante ? Repartir d’un noyau dur fédéraliste ? La seule réponse à ce qui vient de se produire, c’est avoir le courage de faire des pas en avant. Le courage de coopérer plus étroitement dans les domaines de la sécurité, de l’asile-immigration, et de la gouvernance de la zone euro. Le possible noyau dur de départ, c’est l’eurozone. Qui a besoin d’un gouvernement économique commun. Pour promouvoir des politiques de croissance et d’emploi. Sans cette réponse, le Brexit peut marquer le début d’une grave crise européenne. C’est la responsabilité première des « grands » pays, je pense à l’Allemagne et la France, à l’Italie en soutien. Jusqu’à présent, je ne vois pas de message suffisamment fort et clair. Il y a des déclarations, c’est tout. S’il n’y a pas un pas en avant en septembre, un sursaut, avec un projet intégrant les trois domaines cités, alors nous courons le risque d’une crise majeure qui peut devenir dramatique – je ne m’étendrai pas.

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