«Sur la longueur, l’actualité anxiogène a un effet répulsif»

C’était l’un des plus gros paris de la RTBF cette saison. Le téléspectateur allait-il zapper sur La Une dès le matin ? Dix mois plus tard, la réponse est oui. « Le 6/8 » avec Sara de Paduwa réunit un tiers du public matinal en moyenne. La version télé du « 8/9 » et « C’est vous qui le dites » de Benjamin Maréchal est aussi un carton. Pionniers matinaux Sara De Paduwa Il y a un an, le programme n’existait que sur papier. On a du tout créer. C’était l’aventure totale. On s’est senti porté par le nouvel outil qu’est le studio. Il offre pas mal de possibilités et je pense être très chanceuse d’avoir pu l’inaugurer. Benjamin Maréchal Je n’ai pas totalement l’impression d’être un pionnier puisqu’on était déjà sur La Deux l’année passée. On a fait toutes les étapes, d’un studio filmé à un studio aménagé pour être filmé. En septembre, on est arrivé dans le vaisseau amiral. On a découvert la double difficulté de devoir respecter les contraintes techniques de la radio et, en même temps, de la télé. Je dois m’arranger pour que ceux qui écoutent ne sentent pas qu’on est aussi en télé. Il y a encore des fois où certains tombent dans le piège de dire : « regardez la photo qui est derrière nous ». Révolution radiophonique B.M. Je crois que la radio de demain, c’est ce qu’on fait. On a mis la barre tellement haute avec un studio de cette qualité qu’on ne peut plus faire moins bien. L’avenir de la radio passe par l’image, à condition que l’auditeur ne soit pas floué. La qualité sonore doit être préservée, c’est pour cela qu’on est limité au niveau des mouvements car il faut des micros spécifiques. Globalement, la révolution est surtout technique et technologique. Pas dans l’animation. Au lieu d’avoir trente personnes en régie, ils sont trois. Les audiences B.M. Aucun objectif ne nous avait été fixé mais je constate que le regard s’est déplacé. Auparavant, mon seul guide était les audiences radios. Avec la diffusion en télé, on a la possibilité de voir au quotidien les thèmes qui marchent ou pas. C’est une dimension supplémentaire. La RTBF a investi beaucoup dans ce studio donc ils ont un peu une obligation de rendement. Personnellement, je voulais voir si on allait être rejeté. Qualitativement, le verdict est plutôt bon. Mais la riposte viendra de quelque part, de Bel RTL ou d’ailleurs. S.D.P. Lancer une émission le matin, c’était du jamais vu en Belgique francophone. La seule chose qu’on m’a demandée est de « bien faire » mon boulot. Après, les audiences, c’est valorisant. On n’est pas braqué dessus mais c’est agréable de constater que ce que l’on propose plaît. B.M. Il y a aussi un effet publicitaire. La diffusion en télé déclenche beaucoup plus d’appels car les numéros sont affichés, les sms défilent… Le piège serait de ne plus aller chercher les auditeurs radios. Mais, aujourd’hui le réflexe des gens est d’allumer la télé, plus la radio. Si tu veux que ce média vive, il faut le mettre dans la télé. Bouts de ficelles S.D.P. Ce serait bien d’avoir plus de moyens pour les reportages que l’on diffuse. Pour l’instant, on n’a pas de production propre. Au départ, j’étais sceptique. Je pensais que ça faisait un peu réchauffé. Finalement, tout dépend du choix du reportage. C’est vrai que ce n’est pas toujours top mais sur les sept ou huit sujets de la matinale, ça commence à tenir la route. Drames nationaux B.M. J’ai observé que les sujets les plus marquants sont ceux avec une image forte. Quand le commissaire Vandersmissen se prend un pavé, on sent la colère sociale de la Belgique qui manifeste contre le gouvernement. On est tellement loin dans ce pays que l’on n’arrive plus à parler. Résultat, ça finit avec des coups. Dans cette image-là, il y a toute la Belgique, y compris les attentats. C’est la fin d’une escalade. Un homme qui tout d’un coup perd ses repères et va, par l’arrière, en traître, castagner un policier. C’est une image forte. S.D.P. J’ai rendu l’antenne à l’heure des attentats. J’avoue que je suis directement rentrée chez moi car c’était anxiogène d’avoir tout le monde autour avec les infos, Twitter et Facebook. C’était flippant. L’info anxiogène S D.P. Même si l’audience du « 6/8 » est relative, on m’en parle beaucoup pour me dire que ça fait du bien. Ce n’est pour ça qu’on occulte l’actualité mais je crois que les gens veulent penser à autre chose. Ils veulent du positif et de la bonne humeur. B.M. Il y a un vrai effet répulsif qui n’est pas lié à la nature de l’info mais à la longueur. Les attentats ont monopolisé l’actualité pendant plusieurs semaines Quand on en est sorti de l’onde de choc, c’est le mouvement social qui a pris la relève et s’est installé de manière durable. Je remarque que dès que des éléments d’information sont traités sur la longueur, cela devient un répulsif. On le paie aussi dans « C’est vous qui le dites ». Le cahier des charges nous interdit de faire des sujets intemporels. Il faut donc faire un triple effort de créativité. C’est compliqué sur le plan éditorial de coller à l’info alors que le public veut autre chose. Envies d’ailleurs B.M. : (Il rit) Je n’ai pas d’envie d’ailleurs. J’ai juste dit que c’était plus compliqué de travailler aujourd’hui car l’outil est complexe à manipuler. Ma motivation est intacte. Un mini-événement peut tout enflammer ! Tout le monde s’interroge sur la réaction de Bel RTL par rapport à nos émissions. Il y a beaucoup de rumeurs. Quand Thomas Van Hamme a arrêté la matinale, j’ai été inondé de coup de fils ! On sent qu’il y a des tensions et des frictions dans le petit milieu médiatique. Ce nouveau studio suscite des envies chez certains. En tout cas, je serai là en septembre. S.D.P J’ai tourné plusieurs pilotes pour des jeux en France cette année. Mais, je suis très bien là où je suis. Je ne vais pas quitter mon petit bébé. L’horaire du « 6/8 » me permet d’être libre en journée pour tenter des expériences. France 3 m’aviat directement prévenue qu’il ne s’agissait que de tests. Nous sommes restés en très bons termes.

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