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Procès des attentats de Bruxelles: le recours aux fouilles à nu avec génuflexions ne peut être systématique, rappelle la justice

Le juge des référés a tranché : l’Etat belge doit mettre fin au recours systématique à cette pratique sous peine d’astreinte. « Une décision courageuse qui montre que nous vivons bien dans un Etat de droit », estime l’avocat de Mohamed Abrini.

Journaliste au service Société Temps de lecture: 5 min

C’est une « victoire au trois-quarts qui a le goût d’une victoire complète », estime un avocat de la défense tenant, en ce qui le concerne, à rester discret.

Dans une décision rendue ce jeudi, le juge des référés du tribunal de première instance de Bruxelles a décidé de suivre partiellement les avocats de six accusés dans le procès des attentats (Mohamed Abrini, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Ali El Haddad Asufi, Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa). Ces derniers réclamaient devant lui la fin des fouilles au corps (autrement dit « à nu ») systématiques – et avec génuflexions en vue d’inspecter l’anus – précédant leurs transferts entre la prison et le Justitia, ainsi que l’interdiction du recours aux casques aveuglants et à la diffusion de musique assourdissante durant les transferts des détenus.

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Ce jeudi, le juge chargé de trancher la question vient effectivement de demander à l’Etat belge de mettre fin à la « pratique systématique des fouilles à corps avec génuflexions telle qu’imposée actuellement aux demandeurs. » Et ce, au motif que celle-ci « paraît constitutive d’un traitement dégradant prohibé par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ». L’Etat belge, et plus spécifiquement dans le cas présent la police fédérale, a désormais 9 jours pour se plier à cette interdiction. Au-delà de ce délai, une astreinte de 1.000 euros par contravention et par demandeur pourra être réclamée – avec un plafond fixé à 50.000 euros.

Les deux autres mesures précitées (casque et musique) ne sont par contre pas remises en cause par l’ordonnance rendue. En ce qui concerne la musique, cela relève surtout du fait que cette pratique a visiblement cessé depuis qu’une mise en demeure a été envoyée aux ministres de la Justice et de l’Intérieur au début du mois de décembre.

Une interpellante absence de cadre clair

Le sujet de ces fouilles au corps et plus largement des conditions de transfèrement des accusés qui comparaissent détenus a fait couler beaucoup d’encre depuis le début du procès des attentats, après celui du box. Dès le premier jour de l’audience au fond, Mohamed Abrini a dénoncé celles-ci, laissant entendre que dans de telles circonstances, il ne fallait pas attendre grand-chose de sa part.

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Dans l’ordonnance rendue ce jeudi, on retrouve plusieurs descriptions des conditions de fouille dénoncées par la défense. Les avocats déplorent par exemple le fait que les accusés concernés, fouillés systématiquement avant de monter à bord du fourgon de police les amenant vers le palais de justice, n’aient jamais accès à des tissus pour limiter le temps d’exposition de leurs parties intimes lors de ces contrôles. On apprend également que certains accusés auraient été soumis à des fouilles « exécutées de force ».

L’ordonnance prend aussi le soin de rappeler que selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), toute fouille à nu ne doit pas en soi être considérée comme dégradante ou illégitime. D’ailleurs, dans sa décision, la juge des référés rappelle bien qu’il n’est pas question d’interdire les fouilles corporelles avec génuflexions « en soi ». Il rappelle par contre que celles-ci deviennent effectivement problématiques lorsqu’elles « sont pratiquées de façon standardisée, sans reposer sur un impératif convainquant de sécurité ». On découvre ainsi dans la jurisprudence citée que la CEDH a déjà condamné les Pays-Bas à cause de fouilles corporelles intégrales menées « chaque semaine ». Or, dans le cas de ce procès, elles se déroulent chaque jour.

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Plus interpellant : le juge des référés note que si l’Etat belge se réfère à une « procédure en vigueur » pour justifier ces fouilles, « aucune directive, circulaire ou autre consigne écrite ne fixe les conditions et modalités des fouilles à nu imposées aux demandeurs. » Les justifications de l’Etat belge, qui a notamment invoqué la gravité des accusations pesant sur les détenus pour justifier de telles conditions de fouille, n’ont pas convaincu.

« Nous vivons bien dans un Etat de droit »

Pour Stanislas Eskenazi, avocat de Mohamed Abrini, cette décision en faveur de l’arrêt des fouilles à nu systématiques est satisfaisante. « On savait que les mesures prises, toutes ensemble, constituaient une violation de la Convention européenne des droits de l’homme et plus particulièrement de son article 3. Et à partir du moment où la présidente reconnaît prima facie , c’est-à-dire en observant les choses de manière générale, que cela représente une violation des droits de nos clients et conclut en conséquence qu’il faut mettre fin à une partie de ces pratiques, je ne peux que me réjouir de cette décision courageuse, qui montre que nous vivons bien dans un Etat de droit » explique-t-il, sans perdre l’occasion de décocher quelques flèches en direction des instances chargées de l’organisation du procès (pour ne pas les citer, le SPF Justice et la police fédérale). « Vous noterez qu’il y a eu le problème des box, sanctionné par présidente de la cour d’assises, puis le problème des transferts, désormais sanctionné par le tribunal de première instance. On a accusé la défense de vouloir perturber le procès, mais est-ce que ce ne sont finalement pas d’autres qui font tout pour que ce procès se passe mal ? »

Quoi qu’il en soit, la présente décision sera-t-elle de nature à modifier l’attitude adoptée jusqu’ici par « l’homme au chapeau » dans ce procès, lui qui pour l’instant a préféré passer la plupart des journées d’audience dans le cellulaire et non dans le box ? Selon son conseil, il y a plutôt lieu de se montrer positif. « De mon point de vue, le fait que l’on prenne en considération la manière dont les accusés sont traités, je pense que ça pourrait changer la donne » évoque Stanislas Eskenazi.

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13 Commentaires

  • Posté par Lemaire Didier, jeudi 29 décembre 2022, 18:04

    En prison, tout passe, si des explosifs de petite taille leur sont fournis, ils pourront les emmener avec eux au tribunal et poursuivre leur carnage. Si par malheur ça arrivait, le juge et les avocats auraient une responsabilité morale proche de la complicité.

  • Posté par Hiersoux Michel, jeudi 29 décembre 2022, 15:13

    La justice défend mieux les coupables que les victime ! PITOYABLE 8

  • Posté par FABIO Fabio, jeudi 29 décembre 2022, 15:06

    Et la Grand Croix de l'ordre de Léopold, c'est pour quand?

  • Posté par Retine Marc, jeudi 29 décembre 2022, 14:15

    "un juge" je ne voudrais pas être à sa place si un des ces gugus sort une arme au tribunal! Bizarre que l'on ne trouve pas un "juge" en référé pour condamner l'Etat Belge à trouver des locaux pour les réfugiés. Il y a des milliers de m² de bureaux inoccupés à BXL avec toilettes H/F et parfois même des douches... Référé? ça dépend pour qui ou quoi!

  • Posté par LAURENT Christian, jeudi 29 décembre 2022, 14:49

    D'où voulez-vous qu'un des accusés sorte une arme??? La décision du juge est équilibrée, et conforme aux droits de l'homme! Sinon, bien d'accord avec vous pour la deuxième partie de votre message, l'Etat belge est vraiment déficient dans l'accueil des réfugiés!

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