En 2023, la Colombie aspire à la paix totale

C’est assurément une bonne nouvelle de ce début d’année pour les Colombiens : le gouvernement a annoncé un cessez-le-feu bilatéral de six mois à partir du 1er janvier, accordé avec quatre des principaux groupes armés de Colombie : deux groupes de dissidences des Farc (l’un qui avait refusé de signer l’accord de paix de 2016 et l’autre qui s’en était retiré ensuite), les Autodéfenses gaitanistes de Colombie (AGC), issues de puissants groupes paramilitaires démobilisés dans les années 2000 et connues pour être le bras armé du Clan du Golfe, principale structure narcotrafiquante du pays et enfin le groupe Autodefenses de la Sierra Nevada qui opère dans le nord et qui est un des plus anciens groupe paramilitaire du pays. Le cessez-le feu annoncé dans un premier temps avec aussi l’Armée de Libération nationale (ELN), principale guérilla active du pays, a été démenti par cette guérilla historique avec qui des négociations de paix sont cependant en cours. Le gouvernement a précisé le 4 janvier que différents protocoles pour l’application de ces cessez-le feu étaient en cours de discussion avec chacun des groupes armés. Le président Gustavo Petro, premier président de gauche de l’histoire de la Colombie avait promis lors de son investiture le 7 août dernier la « paix totale » aux Colombiens. Un pari audacieux et inédit car il s’agit de négocier à la fois avec les dernières guérillas, les paramilitaires et les narcotrafiquants alors que les violences affectent, selon l’ONG Indepaz, plus de 350 municipalités du pays. Une trêve qui se prolonge Depuis cinq mois les rapprochements exploratoires entre les différents acteurs armés et le gouvernement vont donc bon train. Début novembre, la reprise des négociations de paix avec l’ELN, la vieille et dernière grande guérilla colombienne, rompues sous le gouvernement d’Ivan Duque (2018-2022), avait déjà suscité un certain espoir. La première phase s’est achevée début décembre à Caracas au Venezuela avec quelques avancées. La possibilité du cessez-le-feu bilatéral devrait être examiné lors de la seconde phase des négociations qui devrait s’ouvrir au premier semestre, au Mexique. L’ELN avait d’ores et déjà annoncé une trêve de fin d’année avec un cessez-le feu unilatéral du 24 décembre au 2 janvier. Le congrès a aussi approuvé dès octobre la loi 418 faisant de la « paix totale » une priorité du gouvernement et permettant aux institutions de dialoguer dans les régions avec tous les acteurs armés, qu’ils soient politiques (dans le but d’un accord de paix, comme dans le cas de l’ELN), ou juste des structures armées mafieuses (pour les pousser à négocier un accord avec la justice). Même si le contexte reste complexe : d’une part, tous ces groupes étant de nature variée, les modalités de négociations avec chacun sont différentes, et de l’autre, parce que les affrontements n’ont pas seulement lieu entre l’armée et les groupes armés mais aussi entre les différents acteurs qui se disputent le contrôle des territoires et des routes liés aux trafics illégaux (drogue, or, traite de personnes etc). Et sachant que le pays reste le principal producteur mondial de cocaïne, et que le trafic de stupéfiants constitue depuis des décennies le moteur de la guerre. [scald=29761011:sdl_editor_representation] L’accord de paix signé avec la guérilla des Farc en novembre 2016 par le gouvernement de Juan Manuel Santos (2010-2018), n’avait pas mis complètement fin au long conflit colombien qui a fait plus de 450.000 morts depuis un demi-siècle. Non seulement parce que l’état n’avait pas pris position dans les régions où les Farc se sont démobilisés, laissant la place à de nouvelles violences. Mais aussi parce que le gouvernement d’Ivan Duque (2018-2002) qui a suivi, avait en grande partie saboté l’application de cet accord de paix. Résultat : les violences n’ont eu de cesse d’augmenter entre 2018 et 2022. Selon l’ONG Indepaz, 179 leaders sociaux (c’est-à-dire, dirigeants régionaux, défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement) ont été assassinés en 2022, ainsi que 34 ex-guérilleros des Farcs ayant signé l’accord de paix. Plus de soixante-dix mille personnes ont aussi été déplacées l’année dernière à cause des violences. Le communiqué de la présidence colombienne précise que l’objectif du cessez-le feu est de « suspendre l’affectation humanitaire des populations ». Pour le directeur de l’ONG Indepaz, la nouvelle est « extraordinaire ». Dans ces conditions, l’annonce d’un cessez-le feu bilatéral avec quatre groupes armés qui déstabilisent différentes régions du pays semble donc une belle avancée pour le gouvernement de Gustavo Petro. Reste à savoir si ces groupes vont aussi cesser leurs affrontements entre eux ? Et si certaines structures criminelles n’en profiteront pas pour faire fructifier leur négoce comme le dénonce déjà la droite ? Et si le cessez-le-feu tiendra ? Le président Gustavo Petro a annoncé la mise en place d’un « mécanisme de vérification du cessez-le feu national et international ». Le secrétariat général des Nations Unies a aussitôt salué le cessez-le feu annoncé.

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