Accueil Procès des attentats de Bruxelles

Procès des attentats de Bruxelles: ce que dit la directive ministérielle sur les fouilles à nu

Désormais, toute fouille devra être justifiée sur base d’une « image des risques intégrale et individualisée », une sorte de dossier propre à chaque accusé alimenté par des informations policières et des services de renseignement. Le texte laisse un flou quant au fait d’imposer une génuflexion.

Journaliste au service Société Temps de lecture: 5 min

Le procès des attentats de Bruxelles est à nouveau à l’arrêt alors que la présidente de la cour d’assises, Laurence Massart, a demandé que le commissaire général de la police fédérale, Marc De Mesmaeker, puisse être entendu pour expliquer si dans le cadre des fouilles à nu menées ce lundi sur les accusés, les prescrits d’une directive ministérielle datée du 2 janvier 2023 ont bien été respectés. Plus tôt dans la matinée de ce mercredi, il avait fallu constater que le directeur adjoint de la DAP (le service chargé) n’avait pas répondu aux questions du chef d’enquête, lui-même chargé hier par la présidente de l’interroger au sujet de ces procédures. Tout au plus l’officier de police a-t-il fait référence en audition à la directive ministérielle en question.

Le Soir a pu prendre connaissance de ce que dit très exactement cette directive ministérielle (et non « circulaire », comme nous l’avons écrit par erreur ce mardi) signée de la main du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD). Ce document permet donc de mieux appréhender la méthode qui sert aujourd’hui de base de travail à la police.

« Image des risques »

Le texte, après un bref préambule technique, décrit la « méthodologie de l’image des risques intégrale et individualisée ». C’est le nerf de la guerre car c’est sur base de cette « image » que la police entend désormais bien justifier le recours à des fouilles corporelles répétées au moment de l’extraction de la prison. Il s’agit, en résumé, d’un dossier individualisé et mis à jour, notamment sur base d’informations reprises dans la Banque de données nationale générale (BNG) de la police, ou encore émanant d’autres services de sécurité ou de renseignements.

À lire aussi Procès des attentats de Bruxelles: la bonne poursuite de l’audience sérieusement menacée

« Afin de cerner les dangers et les risques liés à ces missions de transfèrement et de pouvoir prendre les mesures appropriées en fonction des circonstances, il y a lieu d’établir une image des risques intégrale et individualisée pour chaque accusé. Cette image des risques doit être régulièrement mise à jour de sorte à garantir une adaptation et un contrôle de qualité permanents.

La méthodologie de l’image des risques intégrale et individualisée consiste en une analyse quantitative et qualitative d’un certain nombre de sources d’information policières internes et externes (nationales, internationales, également complétées par des renseignements de services de sécurité).

Le directeur de la Direction de protection de la Police Fédérale ou l’officier désigné par celui-ci détermine les mesures pour parer aux risques et dangers définis. J’insiste sur le fait qu’une évaluation stricte est effectuée à cet effet en termes de proportionnalité et de subsidiarité, telle qu’elle est imposée notamment par les articles 37 et 37bis de la loi sur la fonction de police et les figures juridiques relatives à la contrainte policière.

Les mesures imposées doivent en ce sens répondre à deux questions :

– Les mesures contraignantes correspondent-elles aux risques et dangers détectés (proportionnalité) ?

– D’autres mesures contraignantes moins conséquentes, mais tout aussi efficaces, ne pourraient-elles pas être prises (subsidiarité) ? Concernant la notion de subsidiarité en particulier, je demande que la Police Fédérale continue à chercher des moyens technologiques qui pourraient être utilisés pour exclure certains risques et dangers, sans que la sécurité du personnel de police concerné, de l’accusé ou de la société au sens plus large ne soit compromise. »

Plus loin, le document évoque plus précisément la question des transferts (il mentionne désormais à ce titre le recours aux lunettes occultantes et aux menottes mais aussi l’interdiction formelle de diffuser de la musique en fourgon). Mais aussi celle des fouilles.

« La fouille des accusés et de leurs vêtements est exclusivement effectuée dans le local de fouille spécifiquement prévu à cet effet au sein de l’établissement pénitentiaire. Les opérations se déroulant dans le local de fouille ne sont pas filmées, sauf si l’accusé en fait la demande expresse » commence par préciser le texte.

Concernant la « technique » à utiliser, il clarifie ensuite ceci : « Si l’analyse de l’image des risques intégrale et individualisée la justifie, la police procédera à une fouille plus approfondie que la fouille de sécurité. Cette fouille approfondie est strictement effectuée selon la méthode décrite ci-dessous. Afin d’éviter de déshabiller complètement l’accusé, la procédure de fouille est effectuée en deux temps, d’abord sur la partie supérieure, puis sur la partie inférieure du corps. Lors de cette fouille approfondie, les membres des services de police ne peuvent à aucun moment toucher la personne. Les membres des services de police veillent autant que possible à une exécution sereine de la fouille. » Rien de plus, rien de moins.

Pas de références aux génuflexions

On peut ainsi déduire que si « l’image des risques intégrale et individualisé » propre à chaque accusé n’évolue pas, rien ne semble au regard de ces instructions empêcher qu’une fouille corporelle ait lieu chaque jour. A noter que le document ne clarifie pas si la méthode utilisée pour mener la fouille nécessite que le détenu effectue des génuflexions – une manœuvre qui est considérée par les avocats de la défense comme un élément humiliant.

À lire aussi Procès des attentats de Bruxelles: le recours aux fouilles à nu avec génuflexions ne peut être systématique, rappelle la justice

Enfin, la directive finit par rappeler que « toute intervention nécessitant l’usage de la contrainte fera l’objet d’un procès-verbal. Le président de la cour d’assises, le directeur général de la Police administrative et l’officier de la Police Locale responsable du service d’ordre général sont immédiatement tenus informés de tout incident ».

L’audience a repris aux alentours de 13h30.

 

Le fil info

La Une Tous

Voir tout le Fil info

12 Commentaires

  • Posté par Z pour Zorglub, mercredi 4 janvier 2023, 14:41

    Pas vraiment en l’honneur de la Belgique tt ça. Même pas capable d’organiser un procès aussi important symboliquement. Exactement ce qu’il faut pour donner une image de pays en déliquescence. Et ça se veut la capitale de l’Europe. Faudrait déjà que ça fonctionne ici et que ce soit un peu propre.

  • Posté par Drizis Pinelopi, mercredi 4 janvier 2023, 13:52

    Bonjour, beaucoup d'articles pour un même sujet: les terroristes, pudiques, prudes ou pudibonds? Débat passionné ici entre les défenseurs du droit, pour rappel réformable, non immuable grâce au pouvoir législatif que nous choisissons via un vote, et les défenseurs de la Justice au sens noble du terme...Lors du procès en France, la presse française s'est au contraire concentrée sur la douleur immense des victimes et de leurs proches. Le procès fût malgré les horreurs commises salué par tous. Encore un fossé qui semble insurmontable entre la presse française et la presse belge francophone. Pensées pour la douleur des victimes et de leurs proches que l'on continue à torturer psychologiquement en ce moment sans aucune...pudeur...

  • Posté par BEKE Eric, mercredi 4 janvier 2023, 12:55

    Nos prisons sont-elles de telles passoires qu'il faille, avant chaque audience, faire tout ce cirque? Accessoirement, qui est responsable de quoi et qui commande qui dans ce pays? Tout le monde blablate, raconte n'importe quoi sans rien dire... et personne ne décide.

  • Posté par David Eric, mercredi 4 janvier 2023, 12:02

    "sur base de" est un belgicisme ! "Sur la base de " est correct. Merci de corriger pour que nos chers petits réussissent mieux les tests PISA … ;-)

  • Posté par D Marc, mercredi 4 janvier 2023, 13:25

    "Program for International Student Assessment" (PISA). En bon français ne vaudrait-il pas mieux écrire "Programme international pour le suivi des acquis des élèves" ou test "pizza"?

Plus de commentaires
Sur le même sujet

Aussi en Procès des attentats de Bruxelles

Voir plus d'articles

Le meilleur de l’actu

Inscrivez-vous aux newsletters

Je m'inscris

À la Une

Geeko Voir les articles de Geeko