Avec le Brexit, les espoirs douchés des migrants de Calais

Le regain d’enthousiasme qui a traversé la jungle de Calais au lendemain du vote du Brexit a tourné court. « Au départ, on a pensé que le vote aurait un impact sur l’ouverture de la frontière, qu’il y aurait peut-être un relâchement des contrôles côté français », raconte Mohamed, un étudiant soudanais de 22 ans arrivé à Calais en avril. Ces espoirs, il faut dire, ont été largement encouragés par les politiques français. A peine les résultats connus, les élus locaux et régionaux se sont empressés de réclamer la renégociation des accords du Touquet. Ces accords bilatéraux actent notamment le déplacement fictif de la frontière à Calais, ce qui permet aux douaniers britanniques d’effectuer les contrôles sur le territoire français. Autrement dit : si les Anglais veulent quitter l’Europe, qu’ils se débrouillent aussi avec leurs migrants. La menace avait d’ailleurs été formulée il y a quelques mois par le très sérieux ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Mais François Hollande a sonné la fin de la récré la semaine dernière, depuis Bruxelles : « Renégocier les Accords du Touquet au prétexte que le Royaume-Uni a voté le Brexit (…) n’a pas de sens. » Voilà pour les migrants. « Maintenant, on réalise que la situation risque surtout d’empirer au niveau de la frontière…, reprend Mohamed dans un anglais presque parfait. Mais ça ne change pas grand-chose. On essaiera de passer quoi qu’il arrive. » Le soir, il se réunit avec un petit groupe de migrants et une bénévole anglaise pour pratiquer la langue, écouter la radio. Il a beaucoup été question du Brexit, un peu de la campagne anti-migrants qui a été menée aussi. Ça l’inquiète ? Haussement d’épaule. [scald=1528978:sdl_editor_representation] Les tentes, plus nombreuses sur les dunes Selon le dernier décompte des associations mi-juin, plus de 6.000 migrants vivent dans le camp, dont 1.500 dans les containers aménagés par le gouvernement et 400 dans des places d’accueils réservées aux femmes et aux enfants. Pour les autres, c’est la « jungle » : les cabanons au mieux, les petites tentes sinon, toujours plus nombreuses sur les dunes. Depuis le démantèlement de la partie sud, la police empêche les associations d’apporter des matériaux de construction sur le site. Les planches de bois passent encore en douce, mais moins. « Le nombre de réfugiés a brutalement augmenté depuis mai et s’est concentré sur une parcelle beaucoup plus restreinte, explique François Guennoc, responsable de l’Auberge des migrants, une association qui fournit des repas et des vêtements. Le démantèlement a aussi eu pour effet de casser l’équilibre qui avait été trouvé entre les communautés, chacune occupant une zone définie. » Alors, avec la promiscuité, les tensions s’accentuent. Fin mai, une bagarre a dégénéré entre Soudanais et Afghans, se soldant par l’incendie d’une partie du camp et faisant une cinquantaine de blessés. Khan, comme des centaines de migrants, a perdu tout ce qu’il avait dans les flammes. « Les associations m’ont donné des vêtements, de quoi me débrouiller », raconte l’Afghan de 17 ans. Il était là au moment des bagarres, mais préfère éluder les détails, se concentrant sur la casserole qui commence à frémir sur le réchaud devant lui. « Pour la douche. » Deux drones pour surveiller le tunnel L’augmentation des violences commence à sérieusement inquiéter les associations, au point que MSF a entamé un travail d’enquête sur l’origine et le type de blessures qu’ils rencontrent : violences entre migrants, violences subies sur les routes, violences policières. L’hyper sécurisation du port et du tunnel pousse les migrants à des opérations toujours plus dangereuses pour bloquer le trafic et pénétrer dans les camions, ce qui tend encore les relations avec la police, qui aurait la main lourde sur les gaz lacrymogènes et les tirs au flash ball, selon les associations. Depuis le Brexit, Eurotunnel a ajouté deux drones à un dispositif de sécurité déjà digne d’Alcatraz : 40 kilomètres de doubles barrières à barbelés, 500 caméras thermiques, 300 agents de sécurité, des policiers français spécialement dépêchés… « Plus aucun migrant n’est allé sur les voies depuis des mois, constate un porte-parole d’Eurotunnel. Mais avec la sortie du Royaume-Uni, on craint des sorties désespérées avant que la frontière ne devienne potentiellement infranchissable. » Planqué sur les essieux des camions Depuis six mois dans la jungle, Khan, le jeune Afghan, a perdu le compte de ses tentatives de passage. « Au départ je ne comprenais rien, je regardais les autres faire, et puis on apprend, on sait comment et quand, on connaît les endroits où s’agripper. Il y a par exemple des sortes de planches sous les camions, entre les roues, où on a de la place pour se glisser (les essieux, NDLR) mais s’il y a quelque chose sur la route et avec la vitesse, ça peut être vraiment dangereux. Certains le tentent… » L’entrée du tunnel et le port sont devenus quasi impénétrables, alors il faut remonter beaucoup plus en amont. Sur l’autoroute, où des groupes tentent de créer des embouteillages pour ralentir les camions – un jeune Afghan est ainsi mort percuté par un poids lourd fin mai – ou dans les parkings. « Ça ressemble à un film américain : la nuit, la pluie, des heures de marche, les planques. Et puis se cacher dans une boîte, pendant un ou deux jours, sans manger ni boire et sans savoir si le camion va finir par partir et passer la frontière… », raconte Mohamed, l’étudiant soudanais. En avril, peu après son arrivée à Calais, il est tombé d’un camion. « J’ai eu un choc à la tête, pendant 5 minutes j’ai perdu mes esprits, je ne savais plus dire comment je m’appelais. » C’est en tout cas ce que les autres lui ont raconté, « c’est le trou noir ». Un bref passage à l’hôpital et le lendemain matin, retour au camp. « J’espère juste que les gens comprennent. J’aimerais tellement pouvoir parler à David Cameron. Lui dire : Je vous assure, je ne créerai pas de problème. J’ai des rêves, des grands rêves. Je veux reprendre ma vie, mes études, devenir médecin. Je ne ferai pas d’histoire… »

Votre compte

Avec le Brexit, les espoirs douchés des migrants de Calais

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en France

Voyages: du changement pour les Belges qui veulent se rendre en France

France: 1,272 million de manifestants contre la réforme des retraites

France: des violences éclatent à Paris en marge de la manifestation (vidéos)

France: la rue met le pouvoir à l’épreuve

Réforme des retraites en France: 500.000 personnes manifestent à Paris, selon la CGT (photos)

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Pays-Bas: un cas de «maladie de la vache folle» identifié

Somnifères: un sevrage proposé aux patients dans les pharmacies

Etats-Unis: le FBI fouille une maison de Biden à la recherche de documents confidentiels

Reportage Le dernier Boeing 747 prend son envol

Guerre en Ukraine: «La Russie se prépare à une escalade maximale», prévient un haut responsable ukrainien

Beyoncé annonce une date de sa tournée mondiale à Bruxelles

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Quels sont les avantages du travail intérimaire ?

Comprendre l'indexation des salaires en Belgique

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel