2003: le «petit oiseau» d’Ecolo

Il est d’usage d’affirmer que la saga nucléaire a hanté les nuits de tous les gouvernements depuis l’adoption de la loi en 2003. Et pourtant… avec le recul, les protagonistes de cette décision capitale pour l’avenir énergétique du pays, à qui nous sommes allés rendre visite, livrent une vision du climat de l’époque que l’on ne qualifiera pas de sereine, mais très certainement pas de belliqueuse. Loin en tout cas des gauloises empoignades qui allaient marquer les deux décennies suivantes. [scald=29780390:sdl_editor_representation] Bienvenue au tournant de l’an 2000. La Belgique émerge de la crise de la dioxine et panse encore les plaies douloureuses de l’affaire Dutroux. Ces crises ont offert un TGV aux écologistes qui, pour la première fois de leur histoire, accèdent au salon fédéral, avec les socialistes et les libéraux. Ils entendent bien imprimer sur-le-champ leur marque dans l’accord de gouvernement, on ne sait jamais. « J’ai demandé à Jacky (Morael, président du parti – NDLR) ce que je devais négocier », se souvient Olivier Deleuze, cet ancien directeur de Greenpeace qui allait devenir secrétaire d’Etat à l’Energie. « La sortie du nucléaire ou la ratification du protocole de Kyoto ? Il m’a répondu : les deux. Et on a eu les deux. » Il faut dire que pour Ecolo, la sortie du nucléaire est un des points de programme historique. « C’était notre petit oiseau », poursuit Olivier Deleuze, « et nos partenaires au gouvernement le savaient. Pour nous, le nucléaire, c’était et cela reste le symbole de la société productiviste, qui fait tourner des centrales quarante ans sans se tracasser de produire des déchets pour des millénaires. Et pour les autres partis, il faut bien le dire, la sortie du nucléaire, c’était un truc d’écolos, un truc de fous pas méchants dont on allait vite se débarrasser ». Mais à l’époque, libéraux et socialistes comprennent qu’il n’y aura pas de gouvernement sans sortie du nucléaire. La clause de force majeure Et voilà comment la fin programmée des centrales rentre tranquillement dans l’accord de gouvernement Verhofstadt. Elle tient en une phrase, qu’Olivier Deleuze conserve comme un parchemin. « Notre pays s’inscrira dans un scénario où la désactivation des centrales nucléaires sera entamée dès qu’elles ont atteint l’âge de 40 ans. » Mais entre une intention et une loi, il y a encore de la marge. [scald=29780392:sdl_editor_representation] « La discussion ne fut pas simple », se souvient Louis Michel, vice-Premier MR à l’époque. « Ecolo voulait la sortie pure et simple, et moi, je tenais à tout prix à insérer un élément de force majeure, qui permette de repousser l’arrêt si la sécurité d’approvisionnement n’était pas assurée. » De son côté, Ecolo se battait surtout pour que le principe de la fermeture figure dans la loi. « Pour nous, ce qui comptait, c’était de créer une incertitude sur le marché », dit Olivier Deleuze. « Le marché déteste les incertitudes et, dès qu’elle était introduite, nous savions que nous avions gagné, qu’on ne reviendrait pas en arrière. » Finalement, il est convenu que les centrales cesseraient leurs activités après 40 ans de service, mais qu’« en cas de menaces pour la sécurité d’approvisionnement, des mesures pourraient être prises par le gouvernement sans préjudice de la fermeture des centrales, sauf en cas de force majeure ». Commentaire d’Olivier Deleuze : « On a mis 40 ans comme ça, sans trop réfléchir. Parce que si on avait prévu un schéma détaillé, on était morts, parce qu’on ne savait absolument pas comment on allait faire pour sortir. C’est comme la fin des moteurs thermiques en 2035 : personne ne sait comment on va faire, mais l’engagement est pris et on se débrouille pour le tenir. » Commentaire de Louis Michel : « J’avais ma clause de force majeure. On ne sait pas prévoir l’avenir. » Guy Verhofstadt approuve. Ainsi naquit la loi du 31 janvier 2003 « sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité », votée majorité contre opposition. Avec les deux ingrédients, sortie du nucléaire contre sécurité d’approvisionnement, qui feront les grands épisodes d’un « soap » de plus de deux décennies…

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