De nouvelles unités de soins intensifs pour la santé mentale

Personne ne se réjouit d’une admission en hôpital psychiatrique. Parce que ce type d’hospitalisation est chargé de préjugés. Parce que dans l’imaginaire collectif, un séjour en psychiatrie s’apparente davantage à une détention qu’à des soins classiques. Parce que le sentiment du type « ça n’arrive qu’aux autres » domine encore et toujours. [scald=29786586:sdl_editor_representation] Et pourtant, la souffrance psychologique est plus présente que jamais dans notre société. Aux maladies classiques se sont ajoutés les dégâts collatéraux du covid, une épidémie de burn-out, le phénomène d’éco-anxiété, des détresses émotionnelles… « Toutes situations courantes pour lesquelles on fait souvent appel à la psychiatrie », assure le professeur Pierre Oswald, directeur médical du centre hospitalier Jean Titeca. « La souffrance psychologique est de plus en plus présente dans la société, les services concernés sont saturés toute l’année, les temps d’attente sont longs, particulièrement à Bruxelles. » De plus, l’hospitalisation sous contrainte (décidée par les autorités lorsqu’un malade refuse un traitement alors qu’il est un danger pour lui-même ou pour autrui) est en hausse régulière : 5.800 par an en 2005, environ 7.500 en 2018, 8.000 en 2018 et plus de 9.000 en 2022… soit une hausse de 50 % en 18 ans ! Changement de culture Or, les murs des hôpitaux spécialisés ne sont pas extensibles à l’infini. Pas plus que les budgets. Quoique… Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) a dégagé une ligne de 200 millions d’euros afin de réformer la santé mentale, pour passer en fait d’un modèle hospitalo-centré à un modèle axé sur la prévention et la détection précoce des problèmes, l’accessibilité financière, la proximité, la collaboration entre acteurs de terrain… C’est le changement de culture incarné par la création récente d’une vingtaine de réseaux de soins de santé mentale. [scald=29786587:sdl_editor_representation] Un changement de culture qui doit vivre aussi dans la prise en charge de personnes en situation de crise aiguë. A cet égard, la réforme prévoit une enveloppe de 15 millions d’euros pour la création d’unités « High & intensive care » (HIC). Plus que des lits ou des chambres, il s’agit d’un traitement innovant axé sur un accompagnement individuel continu, sur la coordination permanente entre tous les intervenants et sur la diminution des restrictions de liberté. « Concrètement », explique le docteur Oswald, « le HIC met en relation tous les soignants qui gravitent autour du malade : son généraliste, le personnel des maisons de soins psychiatrique, les équipes de crise mobiles, les infirmiers des services de santé mentale, les familles… Une évidence ? Dans les faits, il était difficile d’assurer la continuité dans les soins en cas d’hospitalisation. Le HIC fait le pari d’intégrer les compétences de tous les partenaires pour améliorer le traitement. » [scald=29786572:sdl_editor_representation] Couplé à un accompagnement individuel plus fort (le projet du ministre permet l’engagement d’un médecin et de six soignants spécialisés par unité), ce modèle doit permettre de réduire les mesures de privation de liberté telles que l’isolement ou la contention. Il doit contribuer aussi – c’est important – à diminuer le temps d’hospitalisation et, par conséquent, à réduire les listes d’attente. En parallèle, des adaptations architecturales – souvent sur fonds propres de l’hôpital – apportent au service un caractère plus sécurisant et plus familial. Les chambres et leur mobilier, par exemple, sont adaptés pour ressembler davantage à ce qui est disponible à la maison qu’à un environnement médicalisé. Dans une HIC, on s’éloigne de l’hospitalier pour se rapprocher du milieu de vie tout en intensifiant l’accompagnement individuel. [scald=29786588:sdl_editor_representation] Psychiatrie plus humaine Pour le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke, « nous faisons de grands pas vers une psychiatrie de crise intégrée ». « Une évaluation de l’activité clinique montre que l’agressivité et le risque de suicide, entre autres, baissent significativement après un traitement de 20 jours en moyenne en HIC », assure-t-il. En fait, poursuit le professeur Pierre Oswald, « on passe d’un modèle hospitalo-centré à bout de souffle à un modèle où le patient devient acteur de son trajet de soins, où il retrouve une autonomie de vie, où il est considéré comme capable de faire des choix » : « Un modèle où la vision paternaliste et sécuritaire des soins (quand le psy sait mieux que le patient ce qui est bon pour lui) fait place à une vision où l’humain est au centre du jeu. Ce qui fonctionne par la peur est inefficace, nous lui préférons désormais des soins basés sur la confiance mutuelle. »

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