Véronique Ovaldé: la préférée est devenue la réprouvée

Fille en colère sur un banc de pierre, Véronique Ovaldé, Flammarion, 304 p., 21 €, ebook 14,99 € Les familles sont souvent, dans les romans de Véronique Ovaldé, traversées par des failles profondes qui ont cicatrisé en surface – en surface seulement. Fille en colère sur un banc de pierre annonce la tonalité et évoque une image de solitude fiévreuse. L’image n’est pas fausse. Elle est aussi plus complexe qu’un simple cliché. Qui est cette fille en colère, d’abord ? Car elles sont quatre sœurs, les filles de Salvatore Salvatore : Violetta, Gilda, Aïda et Mimi. Ou, plus exactement, elles étaient quatre sœurs. Car Mimi a disparu, il y a longtemps, alors qu’elle était enfant, un soir de carnaval – le père réprouvait ce genre de divertissement – où elle s’était rendue avec Aïda qui aurait dû veiller sur elle et l’a perdue de vue. Aïda était la préférée, elle est devenue la réprouvée. A Iazza, où vit la famille, tout le monde se connaît. La petite île, qui porte le même nom que la commune principale, jadis « surtout peuplée de fantômes et de femmes seules », est située dans ce que les Siciliens appellent la mer africaine. Salvatore Salvatore a alerté tout le monde, sans résultat. Seule la mère est restée sereine, emplie de la certitude que Mimi réapparaîtrait un jour. La possibilité de résoudre le mystère Si certaine de cela qu’elle confond Mimi et Aïda quand celle-ci revient à Iazza après de longues années passées à Palerme. L’éloignement lui convenait, elle n’est pas certaine d’avoir encore sa place dans cette famille, même si elle va assister à l’enterrement de son père. Elle a, il est vrai, transgressé d’autres règles après l’imprudence de l’enfance. N’en disons pas davantage, la lecture le révélera au moment voulu par la romancière. Outre que celle-ci donne à chaque personnage une histoire, une épaisseur, elle a une manière de présenter les choses qui la place en situation de complicité avec nous, qui lisons. Elle est doublement narratrice. Mais si, dans le récit principal, elle s’efface derrière une (fausse) neutralité, elle intervient aussi, de temps à autre, plus directement. C’est, en présentant les sœurs : « Je pourrais écrire quelque chose comme… ». Plus loin : « J’imagine qu’ils fument en scrutant le large, en s’envoyant des vannes et en buvant du café à l’ombre. Quelque chose dans ce goût-là. » Ou encore, sans épuiser le sujet : « J’ouvre ici une parenthèse. » En l’ouvrant, d’ailleurs, pour raconter les divers épisodes de la vie de Mimi au cours desquels elle a échappé à la mort. Miracle, disait sa mère… Lors d’une baignade (interdite) au cours de laquelle elle avait failli se noyer, le miracle avait un nom : Pippo. Aujourd’hui, il est cantonnier. Il a toujours été un peu simplet. Mais il sait des choses, et la possibilité de résoudre le mystère aiguillonne autant Aïda que nous. On s’assied, avec l’intention de ne pas déranger, sur le banc de pierre où se trouve déjà Aïda. On la regarde vivre, se débattre avec les contradictions où l’ont enfoncée les autres. Et on espère, avec elle, qu’une grande goulée d’air pur viendra alléger sa colère. [scald=29788672:sdl_editor_representation]

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