Assadollah Assadi et Olivier Vandecasteele, deux destins entremêlés

En février 2022, quelques jours avant l’arrestation de son frère, Nathalie Vandecasteele n’avait jamais entendu parler d’Assadollah Assadi. Ou si, un tout petit peu. Aux infos peut-être. Mais jamais elle n’aurait imaginé que la vie d’Olivier, son petit frère, serait pendue au sort de cet Iranien détenu en Belgique. Depuis près d’un an, les destins de l’humanitaire belge et de ce condamné pour terrorisme sont liés l’un à l’autre. Deux hommes que tout oppose. [scald=29802956:sdl_editor_representation] La vie d’Olivier bascule en ouvrant la porte Après plus de cinq ans dans le pays, Olivier Vandecasteele ne se doutait pas que son dernier voyage en Iran lui coûterait sa liberté. Depuis 2015, le Tournaisien travaillait auprès de réfugiés afghans dans la République islamique. Sa famille, ses amis, étaient venus lui rendre visite, découvrant les beautés et le charme de ce pays méconnu. Olivier Vandecasteele était fasciné par l’histoire et la culture iraniennes, dont il était tombé amoureux, il lisait sans relâche sur l’Iran en parallèle de son travail pour le Norwegian Refugee Council, une des plus grosses ONG mondiales. A la fin de son contrat, cet homme qui ne transigeait pas sur ses principes est rentré en Belgique. « Il avait des envies d’indépendance, il ne voulait plus forcément que son destin dépende de celui des autres », raconte Nathalie Vandecasteele. « On voulait monter une plateforme pour créer des liens entre le Moyen-Orient et l’Europe, avec des artistes, de l’artisanat, des expos itinérantes, parler de musique », décrit Olivier Van Steirtegem, un ami proche de l’humanitaire, devenu par la force des choses porte-parole de son groupe de soutien. [scald=29802955:sdl_editor_representation] Pour fermer la longue parenthèse iranienne, l’humanitaire quadragénaire devait clôturer sa vie à Téhéran : rendre les clés de son appartement, récupérer ses dernières affaires, fermer un compte en banque… Et en profiter pour voir quelques amis. Olivier Vandecasteele s’envole mi-février 2022 pour une petite semaine en Iran. La veille de son vol retour, il organise un dîner avec ses amis, commande quelques pizzas. On sonne à la porte et sa vie bascule. La valise d’Assadi, pleine d’explosifs Un peu moins d’un an auparavant, c’est le sort d’Assadollah Assadi qui a été scellé. L’Iranien, porteur d’un passeport diplomatique, a été condamné en 2021 par le tribunal correctionnel d’Anvers dans une affaire de terrorisme. S’il purge toute sa peine, il restera vingt ans en prison. Présenté comme un diplomate, Assadollah Assadi est le cerveau d’un attentat déjoué qui devait frapper le Conseil national de la résistance iranienne, une excroissance des Moudjahidin du peuple, une organisation iranienne d’opposition au régime des ayatollahs. En 2018, un de leurs meetings à Villepinte, en région parisienne, était visé par un attentat à la bombe. Mais avec les services belges, l’explosion a été déjouée. C’est dans cette affaire qu’Assadollah Assadi a été condamné par la justice belge. Depuis 2014, il travaillait pour l’ambassade en Autriche. Vienne est cruciale pour l’Iran puisque c’est dans la capitale autrichienne que se négocie notamment l’accord sur le nucléaire. Et la ville est réputée servir de base arrière pour des espions de la République islamique. Selon les enquêteurs, c’est dans les valises d’Assadi qu’ont transité les explosifs qui devaient semer la mort à Villepinte. Dans un Pizza Hut du Luxembourg, le « diplomate » a remis cet explosif à d’autres membres de l’équipée terroriste, ainsi qu’une télécommande et une enveloppe contenant 18.000 euros. [scald=29802957:sdl_editor_representation] Dans sa jeunesse, Assadollah Assadi aurait été militairement formé au maniement des explosifs avant de rejoindre les services secrets iraniens. Décrit comme un homme instruit et intelligent, il appartenait, selon un rapport de la Sûreté de l’Etat, au Département 312 du ministère iranien des Renseignements et de la Sécurité. La Direction de la sécurité intérieure de ce ministère est classée comme un groupe terroriste par l’Union européenne. Mais en tant que troisième secrétaire de l’ambassade de Vienne, Assadollah Assadi jouissait d’une immunité diplomatique. Quand la police allemande l’interpelle sur une aire d’autoroute en Bavière, au volant de sa voiture, elle estime que son immunité ne vaut qu’à l’intérieur des frontières autrichiennes. Il est alors envoyé en Belgique, où il doit être jugé. Cette arrestation suscite le courroux de Téhéran, qui crie à la violation de l’immunité diplomatique. La justice belge ne l’a pas entendu de cette oreille, puisqu’elle a condamné le quinquagénaire iranien, et ce malgré les menaces qu’il aurait exercées sur des enquêteurs et la justice, selon les parties civiles. Peu importe la monnaie d’échange Ce 24 février 2022, les histoires de ces deux hommes se lient. Quand il ouvre la porte au « livreur de pizzas », Olivier Vandecasteele se jette dans la gueule du loup. « Des hommes sans uniforme se sont engouffrés dans la pièce. Ils ont séparé les hommes et les femmes, ont mis Olivier à genou, l’ont menotté et lui ont demandé ses codes d’accès à son téléphone et à son ordinateur », raconte Olivier Van Steirtegem. « Toute la scène a fait suffisamment de raffut pour que les voisins appellent la police locale. » [scald=29802954:sdl_editor_representation] Pendant trois jours, les proches de l’humanitaire ignorent tout de ce qui vient de se passer. Puis, pendant quelques semaines, ils espèrent que tout cela n’est qu’un malentendu. « Il nous a fallu deux mois pour comprendre ce qui se passait réellement », se souvient sa sœur. On leur demande la discrétion. Et jamais ils n’entendent parler d’Assadi. Aux alentours du mois de mai-juin, « petit à petit, on nous fait comprendre qu’un traité de transfèrement de prisonniers est une piste pour obtenir la libération d’Olivier », continue son ami. « On ne comprenait pas trop pourquoi, puisqu’il n’avait pas été jugé en Iran », ajoute Nathalie Vandecasteele. Et puis Olivier Van Steirtegem commence à relier les points dans cette affaire. Et comprend qu’il y a donc un autre prisonnier à échanger : Assadollah Assadi. Pour rendre Assadi à l’Iran, le ministère des Affaires étrangères décide de jouer cartes (presque) sur table. Et fait voter une loi qui doit permettre de renvoyer en toute légalité le prisonnier iranien dans son pays (où il ne fait aucun doute qu’il sera libéré… voire accueilli avec les honneurs). En espérant que la justice iranienne accepte de faire de même avec Olivier Vandecasteele. Mais rien ne se passe comme prévu et le texte rencontre une opposition forte du Conseil national de la résistance iranienne, ceux-là même qu’Assadi visait dans son attentat. Une série de recours sont déposés et l’affaire s’embourbe. A l’heure actuelle, la Cour constitutionnelle doit se prononcer sur la validité du traité de transfèrement. [scald=29802952:sdl_editor_representation] En attendant, Olivier Vandecasteele croupit dans une prison inconnue, quelque part aux alentours de Téhéran. Sa santé se dégrade à vitesse grand V, il a perdu 25 kg, enchaîne les problèmes médicaux sans jamais avoir accès à un médecin. Il est à l’isolement depuis onze mois, incapable de parler à qui que ce soit. Et ses sœurs, ses parents, ses amis, se rongent les sangs : Olivier Vandecasteele va-t-il rentrer avec toute sa tête ? « Je me suis demandé un jour si on pouvait améliorer les conditions de détention d’Assadollah Assadi ici, en espérant que ça puisse améliorer celles de mon frère en Iran », explique Nathalie Vandecasteele. « On m’a fait comprendre que ses conditions de détention étaient très bonnes, qu’Assadi avait toutes les visites qu’il souhaitait, qu’il pouvait rencontrer son ambassade quand il le voulait. Et que la Belgique respectait les droits humains pour qu’on ne puisse rien lui reprocher en retour. » L’avocat d’Assadollah Assadi, Dimitri de Béco, rappelle que ni lui, ni son client ne sont « mêlés d’aucune manière dans tout ce qui se passe actuellement ». [scald=29802953:sdl_editor_representation] Aujourd’hui encore, lors des rencontres entre les proches d’Olivier Vandecasteele et les autorités belges, le diplomate iranien est celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. « C’est l’éléphant dans la pièce, on ne parle jamais de lui. On parle de la Cour constitutionnelle, de négociations, mais pas d’Assadi », décrit Olivier Van Steritegem. Pour Nathalie Vandecasteele, peu importe la monnaie d’échange : « Que ce soit contre un homme ou contre de l’argent, je veux juste récupérer mon frère. » [scald=29802951:sdl_editor_representation]

Votre compte

Assadollah Assadi et Olivier Vandecasteele, deux destins entremêlés

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Proche et Moyen-Orient

Séisme en Turquie: l’Union européenne envoie des équipes de secours, la Belgique est «prête à aider»

Séisme en Turquie: les Belges invités à se manifester auprès des autorités

Un important séisme fait plusieurs centaines de morts en Turquie et en Syrie (photos et vidéo)

L’ancien président du Pakistan Pervez Musharraf est décédé

Entretien Samuel Forey: «En Irak, je ne suis pas tant devenu reporter de guerre que moi-même»

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Un important séisme fait plusieurs centaines de morts en Turquie et en Syrie (photos et vidéo)

L’utilisation du vélo pour se rendre au travail a bondi de 26% en quatre ans (infographies)

Une attaque à la bombe a eu lieu à Gand

Guerre en Ukraine: malgré les sanctions, les entreprises occidentales n’ont pas quitté la Russie

SNCB: des perturbations dans tout le pays après l’agression d’une accompagnatrice

Entretien Ballon chinois: «La logique voudrait qu’il y ait une riposte symbolique contre les Américains»

30 années au service d’une passion : le métier d’infirmière

Des soins intensifs polyvalents et à la pointe des technologies

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel