Nouvelle crise autour des «Inami»

S i les quotas de médecins ne sont pas répartis équitablement et que le gouvernement fédéral honore le comportement non-solidaire des francophones, la sécurité sociale devra être scindée ». Les propos parus dans De Standaard mardi matin sont durs. Très durs. On les doit à Rik Torfs, recteur de la KU Leuven et ancien sénateur CD&V. La suite est à l’avenant. La proposition de la ministre fédérale de la Santé publique Maggie De Block de changer les quotas en faveur des francophones est « absolument injuste (…), dit-il. Le gouvernement fédéral est sur le point de céder au chantage de Jean-Claude Marcourt, le ministre de l’Enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles ». La sortie a eu son petit effet, en Belgique francophone bien sûr, mais également de l’autre côté de la frontière linguistique, particulièrement dans les rangs de l’Open-VLD où la ministre fédérale de la Santé publique tente de mettre un terme à un contentieux vieux de 10 ans sur la délivrance de numéros Inami aux étudiants en médecine. Explications. 1 Le numerus clausus. L’exercice de la médecine libérale est soumis depuis une vingtaine d’années à un système de planification de l’offre. Il se base sur l’idée qu’en limitant l’offre de soins on contribue à garder sous contrôle les dépenses de soins santé. En conséquence, le gouvernement fixe des années à l’avance le nombre de numéros Inami qui seront distribués aux médecins fraîchement diplômés, c’est le numerus clausus. Il applique ensuite une clef de répartition 60/40 entre néerlandophones et francophones. On sait aujourd’hui que ce système est dépassé par la féminisation de la profession, le temps de travail réellement presté et l’afflux d’étudiants étrangers. 2 L’application sur le terrain. La Flandre, il faut le souligner, a été d’une loyauté quasi sans faille par rapport à ce système, instaurant de longue date un examen d’entrée pour limiter l’accès aux études. On ne peut pas en dire autant des Francophones : après avoir testé différentes formules (dont un concours en fin de première attaqué au Conseil d’Etat en 2007) la Fédération Wallonie-Bruxelles a ouvert les portes de ses universités. Résultats des courses : il y aura en 2018, environ 1500 diplômés surnuméraires par rapport aux numéros Inami disponibles. Un système de lissage positif (on emprunte aux années suivantes les numéros nécessaires pour l’année x) a permis d’offrir à chacun un accès à la profession. Arrivant au pouvoir en 2014, le nouveau gouvernement a rapidement signifié qu’il comptait remettre de l’ordre dans la bergerie. Prise au piège, la Fédération Wallonie-Bruxelles a été contrainte de négocier avec le Fédéral pour sauver les étudiants en cours de cursus. Un pré-accord signé en décembre 2014 dit à peu près ceci. Un : tous les étudiants en cours de cursus auront leur attestation Inami mais on retirera des futurs quotas toutes les attestations surnuméraires (environ 1300). Deux : la Fédération Wallonie Bruxelles (le ministre Jean-Claude Marcourt) met en place un filtre efficace à l’entrée des études, c’est le sens du concours de fin de première organisés ces jours-ci dans les universités francophones. Trois : le Fédéral (la ministre de Block) fait aboutir un cadastre précis et dynamique de la force de travail disponible de chaque côté de la frontière linguistique. 3 La nouvelle planification. La Commission de planification de l’offre médicale (composée paritairement de néerlandophones et de francophones) s’est mise au travail pour établir de manière scientifique ce fameux cadastre dynamique. Elle s’est d’abord mise d’accord, à l’unanimité, pour arrêter un modèle mathématique. Faisant ensuite tourner ce modèle, elle a abouti aux conclusions suivantes : il faut, en 2022, augmenter le quota de numéros Inami : 1320 au lieu de 1230 actuellement. Il faut ensuite revoir la clef de répartition Flandre/Wallonie : 56,4 % pour la Flandre et 43,6 % pour les Francophones, soit 745 médecins flamands au lieu de 738 et 575 médecins francophones au lieu de 492. La Commission de planification a voté cette proposition par 10 voix pour et deux contre (néerlandophones). S’agissant des dentistes, qui sont soumis aux mêmes règles, le même modèle donne cette fois avantage aux néerlandophones. 4 La proposition de Maggie De Block. Pour donner un signal aux universités – qui doivent fixer les étudiants à admettre – Maggie de Block a mis ces jours-ci sur la table du gouvernement une proposition reflétant assez fidèlement les conclusions de la Commission de planification. Elle y ajoute un mécanisme pour contraindre les entités fédérées de respecter les quotas. Selon nos informations, elle y a également joint un chapitre qui fera date : pour les Francophones un lissage négatif sur sept ans à raison de 194 numéros par an ; pour les Néerlandophones, un lissage positif sur sept ans à raison de 56 numéros par an. Ce qui signifie ? Qu’en 2022, à la sortie des universités francophones il y aurait 381 médecins, tandis qu’à la sortie des universités néerlandophones on en compterait 801 ! De quoi sans doute calmer quelques ardeurs au nord du pays. Et faire pleurer au sud.

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